Cronos: The New Dawn : « Si cela reste dans l’esprit des gens, ce serait déjà un grand succès », Bloober Team se confie à nous avant la sortie du jeu
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Rédigé par Florian
Ces dernières années, l’équipe polonaise de la Bloober Team a su gagner ses lettres de noblesse dans les jeux d’horreur, malgré des débuts timides, avec pour apogée le remake très apprécié de Silent Hill 2. En parallèle de ce projet se préparait dans l’ombre une toute nouvelle licence, Cronos: The New Dawn, un survival-horror entre deux temporalités dans une Pologne ravagée par une mystérieuse épidémie. Au cœur de la Gamescom et à l’occasion de la sortie du jeu ce 5 septembre, Wojciech Piejko, Game Director, et Grzegorz Like, écrivain principal et concepteur narratif principal du jeu, ont accepté de répondre à nos questions sur la genèse de Cronos: The New Dawn, mais aussi ses sens plus profonds en relation avec les survival-horror de ces dernières décennies.

La passion d’une nouvelle licence
- Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?
Wojciech Piejko : Bien sûr. Je m’appelle Wojciech Piejko. Je suis le directeur de Chronos: The New Dawn.
Grzegorz Like : Je suis Grzegorz Like. Je suis l’écrivain principal et le concepteur narratif principal du jeu.
- Cronos: The New Dawn est votre tout nouveau projet 100 % original. Depuis combien d’années travaillez-vous dessus ?
Grzegorz Like : Je dirai que ça fait quatre ans. Lorsque nous avons terminé The Medium, notre patron nous a rassemblés, et après avoir soumis plusieurs idées, nous les avons fusionnées ensemble. Bon, entre temps, Private Division est arrivé en nous disant « OK, les gars, nous savons que vous travaillez sur Silent Hill et on croit fortement en vous, alors vous pouvez nous dire sur quoi vous travaillez ? » Nous leur montrons donc Cronos: The New Dawn et ils nous disent : « On y va ». Bon, finalement, ils ont été « perturbés » dirons-nous (la firme a été revendue récemment, ndlr) et on a fini par l’autoéditer nous-même.
- Quand vous pensez à Cronos: The New Dawn, quel est le premier mot / le premier sentiment qui vous vient ?
Wojciech Piejko : Sans hésiter, je dirai la « Fusion », en rapport avec la mécanique de Fusion des créatures, c’est quelque chose de vraiment vraiment sauvage.
Grzegorz Like : Eh bien, pour moi, je dirai que je suis juste heureux de raconter une histoire qui soit un mélange de science-fiction et d’action, avec son monde détruit, mais qui reste malgré tout toujours très humain. Je choisirai donc ce mot, « Humain », ça me va bien.
- Au cours de la promotion du jeu, vous avez souvent fait référence à l’architecture brutaliste. Comment ce choix a-t-il façonné la conception de vos niveaux ?
Wojciech Piejko : En fait, on s’est dit que c’était le combo parfait pour notre technologie. Et cette architecture brutaliste de Nowa Huta, la nouvelle ville (à l’est de Cracovie, ndlr), c’est finalement comme un sous-titre du jeu. En termes de conception de niveau, nous avons recréé de nombreux endroits de Nowa Huta, du vrai district. Mais bien sûr, nous avons parfois changé les choses, pour les rendre jouables. Ou ajouté des bâtiments qui n’étaient pas là. Par exemple, comme un grand hôtel de ville détruit, ce bâtiment flottant que vous pouvez voir dans les bandes-annonces. Il était en réalité présent sur les plans pour construire Nowa Huta, mais il n’a jamais été construit. Nous avons donc également été, disons, inspirés par des cartes et des informations de l’époque. Bon, d’accord, on l’a construit et après, on l’a détruit (rires).
- Justement, à quel point cela était-il important pour vous que Cronos: The New Dawn prenne place dans une ville similaire à cette vraie ville de Pologne, Nowa Huta ?
Wojciech Piejko : C’était en quelque sorte déjà fixé dès le début, ce qui revient à parler du fameux combo parfait dont je parlais à l’instant. Par exemple, l’un des lieux les plus importants est ce bâtiment polonais dans lequel la maladie a évolué. On a fait en quelque sorte de la Pologne une marque de fabrique chez Bloober Team. On a par exemple reconstruit ce bâtiment dans lequel l’un de nos concepteurs de niveaux habite ! D’ailleurs, avec The Medium, nous avions recréé l’hôtel, mais maintenant, il s’agit du quartier complet. Et d’ailleurs, les retours des joueurs sont toujours géniaux, en nous disant qu’ils aiment voir ce côté exotique de la Pologne, alors on continue.
Grzegorz Like : Vous savez, quand l’équipe m’a dit « Cette fois, on le fait à Nowa Huta », j’ai dit : « Faisons-le » et j’étais très excité. C’est très personnel pour moi, mais pas seulement une histoire d’ego. On a aussi choisi ce quartier en rapport avec son histoire et le contexte historique et cela rend si bien notamment grâce au mélange de futurisme et de brutalisme, mais aussi, nous avons pensé que choisir cet épisode très sombre de l’histoire polonaise va faire du bien au jeu, car cela soutiendra les questions que nous voulons poser sur l’humanité, donc c’était juste très inspirant de le faire.
- De quoi pensez-vous que les joueurs se souviendront le plus de Cronos: The New Dawn à l’avenir : l’atmosphère ? Le défi ? La surprise ?
Grzegorz Like : Je pense que ce serait le défi.
Wojciech Piejko : Ou la Fusion ! (rires)
Grzegorz Like : En vrai, je ne sais pas trop parce que le fait de redonner vie aux jeux d’horreur de survie de cette manière est très cool, très frais, plutôt que de simplement courir et tirer dans le tas. On parle quand même ici de la création d’une nouvelle licence unique, vraiment unique, surtout dans le climat actuel de l’industrie, et je pense que nous avons réalisé quelque chose qui a l’air différent et donc, si cela reste dans l’esprit des gens, ce serait déjà un grand succès.
Une Voyageuse au sens propre du terme
- Vous avez parfois comparé Cronos: The New Dawn à d’autres productions comme The Thing, Dark ou Annihilation. Qu’auriez-vous aimé leur emprunter et qu’est-ce que vous ne vouliez surtout pas leur enlever ?
Grzegorz Like : En fait, quand on a vu Dark, la série télévisée, nous étions comme époustouflés. Cela nous a ouvert beaucoup de portes sur notre manière de penser. Parce que dans Dark, malgré toute l’horreur, il s’agit toujours d’êtres humains. Dark commence comme une histoire intimiste, puis cela bascule vers une intrigue à plus grande échelle et tout ce qui s’ensuit. Nous avons donc décidé d’aller dans l’autre sens, avec un monde détruit depuis le début et une grande mission. Parce que, pour faire quelque chose de vraiment différent dans ce sous-genre de l’horreur, la première chose qui m’est venue à l’esprit était l’horreur corporelle (comme dans The Thing) et le système de fusion.
- De nombreux jeux d’horreur reposent sur le gore. Avec Cronos: The New Dawn, vous semblez vous diriger davantage vers l’étrange et le malaise. Était-ce un choix délibéré depuis le début ?
Grzegorz Like : Oui ! Je pense vraiment qu’il est plus chic de proposer quelque chose avec une approche élégante de l’horreur, parce qu’on voit toujours de l’horreur corporelle, mais cette fois, nous avons voulu le faire d’une manière différente. Déjà parce que nous ne sommes pas seulement des fans d’horreur, mais nous sommes aussi toute une gamme d’artistes et nous ne voulions pas gaspiller ce talent, puis aussi parce que nous avons essayé de faire des choses très sombres.
Wojciech Piejko : Exactement. Dans notre histoire, extraire l’essence des gens est une partie vraiment importante du jeu. La Voyageuse tue essentiellement des gens dans le passé et les emmène avec elle. Mais à un moment donné, ces âmes commencent à fuir vos voyageurs, vous faisant entendre des choses, et vous montrant parfois des fausses scènes. Ce qui va compter sera donc votre choix de qui vous allez extraire, car vous pouvez également trouver d’autres Voyageurs morts qui n’ont jamais atteint la base et ils disposent toujours de gens piégés à l’intérieur de leur combinaison. Vous pouvez les prendre, mais comme c’est un jeu d’horreur et que l’on aime pousser les gens à prendre des décisions difficiles, et que vous n’avez que trois créneaux pour les essences, vous devrez parfois effacer quelqu’un pour prendre quelqu’un d’autre, donc on obtient vraiment quelque chose de très cool.
- Le voyage dans le temps est une mécanique complexe dans les jeux vidéo. Comment vous êtes-vous assuré que le gameplay restait suffisamment clair pour les joueurs?
Grzegorz Like : Eh bien, vous savez, quand vous commencez à y penser, ce n’est pas vraiment difficile, mais vous devez être clair et précis avec les mécaniques. Parce que chez Bloober Team, on aime vraiment les histoires où se croisent deux mondes. Nous l’avons fait dans The Medium, nous l’avons fait dans Silent Hill 2, alors ici les deux mondes sont le passé et le futur, et nous voulions simplement que le passé ressemble bien au passé avec des arbres verts de partout, quelques secondes avant la destruction de la civilisation humaine. Mais, à chaque saut, vous vous rapprochez de l’apocalypse et de l’avenir détruit. Quand vous avez cela, c’est plutôt simple de construire un monde qui change à travers une histoire de voyage dans le temps.
Wojciech Piejko : Vous devez aussi tout simplement tout poser sur le papier : quelle philosophie d’un voyage dans le temps vous allez utiliser etc.. Si vous le faites, c’est beaucoup plus facile.
Grzegorz Like : Vous savez, lorsque l’on écrit des histoires de voyage dans le temps, on a souvent le choix entre retourner dans le futur ou pas. Vous devez donc en choisir un et vous y tenir. Mais nous ne dirons pas si notre histoire se termine ainsi, pour ne rien gâcher.
- Et si vous aviez une machine à remonter dans le temps, quel moment du développement aimeriez-vous revivre ?
Grzegorz Like : Je dirai que c’est personnel, mais j’aime ce moment où vous terminez le script. C’est super. J’adorerai revivre ce moment. Et puis après vous allez enregistrer les dialogues avec les acteurs, travailler sur les séances de motion capture, c’est tout ce qui fait que votre projet prend vie et que ce ne sont pas seulement des lettres sur du papier blanc. Puis c’est forcément tout ce qui touche aux relations d’équipe, les émotions. Je pleure toujours comme un bébé dans ces cas-là.
Wojciech Piejko : Oui, comme hier où j’ai eu ce moment très émouvant ici à la Gamescom quand j’ai vu des gens jouer pendant deux heures sur le jeu et que j’étais tout ému de voir les gens sursauter et profiter du jeu, c’était cool.
Grzegorz Like : Donc, pour résumer, nous voulons voyager dans le temps jusqu’aux moments où nous avons pleuré ! (rires).
Wojciech Piejko : Tout de même, je dirai que LE moment serait quand on a enfin réglé le mécanisme de Fusion, qui n’a pas toujours été facile à terminer. Par exemple, au début du projet, les monstres pouvaient grandir et grandir, mais ils ne pouvaient plus passer le cadre de la porte ! Mais il y a eu un moment, ce moment, quand nous avons vu les testeurs avoir plus peur de la Fusion que d’être touchés par les monstres, c’était comme une grande victoire.
- De quel petit détail de conception êtes-vous si fier aujourd’hui ? Pas la Fusion (rires), un petit détail.
Wojciech Piejko : Le petit détail serait pour moi le rechargement des armes, parce qu’on se croit vraiment dans un jeu d’horreur et de survie old school, comme lorsque on est cloué au sol sans possibilité de s’en sortir et qu’on le voit arriver sur nous jusqu’à ce coup libérateur au dernier moment. J’aime cela.
Grzegorz Like : Je pense que pour moi, c’est le fait que nous voulions vraiment rendre le jeu unique à chaque fois que vous y jouez. Et vous savez très bien qu’il y a des choses cachées, parce que c’est un Survival Horror, et en tant que développeur, quand vous voulez que quelque chose se produise et que vous dites aux programmeurs « on peut le faire ? » et qu’ils vous disent « OK », ça c’est fantastique. Oh et puis les chats ! Oui, nous pouvons caresser les chats. Nous voulions ajouter une touche humaine au personnage parce qu’elle est, au tout début, très robotique, très à fond dans sa mission. Mais j’ai un conseil maintenant pour les joueurs. Plus vous caresserez les chats, plus vous deviendrez humain. Et un fait amusant, les chats sont basés sur les chats qui appartiennent à l’équipe, il y avait donc un casting pour les chats. Mais pas de chien, on verra dans un autre épisode (rires).
- Pour finir, en un seul mot, comment aimeriez-vous que Cronos: The New Dawn soit décrit dans dix ans par le public ?
Wojciech Piejko et Grzegorz Like : En un seul mot ? « Hallucinant ! »
Nous souhaitions remercier de tout cœur Wojciech Piejko et Grzegorz Like pour le temps accordé à répondre à nos questions en marge de la sortie de Cronos: The New Dawn ce 5 septembre sur PC, PlayStation 5, Xbox Series X/S et Nintendo Switch 2.