POEM EX MACHINA : Notre interview avec Amaury Hyde, créateur solo de ce jeu d’action fortement inspiré de Jet Set Radio
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Rédigé par Fauchinou
Ce qui est intéressant dans un monde plus ou moins ouvert, ce n’est pas toujours les détails dont il fait preuve, encore moins sa taille, mais ça peut notamment être la façon de le parcourir. POEM EX MACHINA, créé par le développeur solo Amaury Hyde, mise justement sur un gameplay procurant un sentiment de liberté et de fluidité à travers une ville en proie à des étranges anomalies. Présent à l’AG French Direct 2025 pour nous faire une démonstration globale de son gameplay, nous en avons profité pour interviewer l’homme derrière le jeu.

POEM EX MACHINA, c’est donc (presque entièrement) l’œuvre d’un unique homme basé à Avignon. Amoureux de Jet Set Radio et son successeur spirituel Bomb Rush Cyberfunk, mais pas seulement, Amaury Hyde nous explique ce qu’il a voulu retranscrire dans son jeu faisant intervenir course et combat dynamiques avec une pincée d’investigation. Autres inspirations, équilibre du gameplay, structure du jeu ou encore les enjeux d’un développeur solo, découvrez ce que le français a à nous dire sur son jeu.
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ToggleAvoir l’air cool, sauce urban fantasy
- Bonjour et merci de nous accorder cette interview. Pouvez-vous vous présenter ? Qui êtes-vous et quel est votre rôle sur le jeu ?
Salut ! Je suis Amaury, je fais des jeux en solo depuis presque neuf ans maintenant. Vu que je développe seul, ça serait plus rapide de dire ce que je ne fais pas sur mes jeux, soit la musique. Je m’occupe de tout le reste : graphismes, animation, programmation, game design, histoire, etc. Ça ne m’empêche pas de recevoir certains coups de main comme pour les illustrations 2D de POEM EX MACHINA.
- Pouvez-vous nous parler un peu de l’ambiance et de l’histoire au sein de POEM EX MACHINA, entre son personnage principal, la ville, ou encore les anomalies dont elle est frappée ?
Je voulais créer une ambiance “urban fantasy” au sein du jeu. Parenthèse mais ce style est d’ailleurs vraiment pas assez représenté, alors faites plus de jeux dans des villes modernes ! Et du coup, je voulais surtout créer ce sentiment de familiarité avec un cadre connu, puis le détourner avec l’apparition des anomalies. “Du fantastique, pas de la fantaisie”…
Dans ce cadre, Clopin, le personnage principal, est un habitué des deux décors : la ville et les anomalies. En commençant le jeu, on est directement plongé dans son quotidien, qui est présenté comme “normal”, donc peut-être que l’étrangeté ne viendrait finalement pas des anomalies…
- Au risque d’enfoncer une porte grande ouverte, POEM EX MACHINA nous suggère une inspiration Jet Set Radio, essentiellement avec son côté parkour en rollers. Y a-t-il bien eu cela dans votre tête ? D’autres titres ou œuvres ont pu vous influencer ?
Évidemment que JSR, et aussi son penchant moderne Bomb Rush Cyberfunk, hantent POEM ! Je tourne beaucoup en rond sur mes inspirations, et nous garderons la liste un peu courte, mais je peux citer les NieR, les Persona, Mirror’s Edge (surtout pour l’esthétique de la ville), Kingdom Hearts et… Scarlet Nexus !
J’ai aussi un peu pris à l’esthétique “liminale” pour la ville. Si vous êtes attentifs, vous remarquerez que la couleur des bâtiments, les arbres, et quelques autres éléments sont différents d’un passage à l’autre, justement pour créer une petite impression de familiarité étrange. On arrive à se dire alors : “il y avait un arbre ici, mais… c’était bien celui-là !?… ”. Pour les autres parties du jeu, c’est surtout Madoka Magika et Bakemonogatari qui vont être des sources presque littéralement citées dans leur esthétique.
Clopin, mais pas clopant
- Avec ce mélange de séances de parkour et de combat, parfois les deux à la fois, le tout dans une expérience qui semble mettre l’accent sur le flow notamment via un indicateur de combos, comment on aborde justement le fait de garder fluide l’expérience du jeu ?
On galère ! Sérieusement, c’était surtout beaucoup d’itérations et d’aller-retours avec les playtesters. Actuellement, et à mon sens, le jeu a encore quelques problèmes sur cet aspect. J’ai voulu fragmenter les mécaniques de jeu pour les rendre plus lisibles. Le personnage a 2 (en réalité 3) “modes” : un mode de course, et un mode de combat. Et le joueur passe librement de l’un à l’autre en appuyant sur un bouton ou en réalisant des actions spécifiques comme le fait de sauter sur un rail qui nous fait passer automatiquement en mode course, etc.
Ce que je n’avais pas anticipé, c’était l’effet de “Gating” que ça allait créer chez certains joueurs. Autrement dit, dès qu’ils changent de mode, ils oublient instantanément les actions du mode précédent ! Ça a créé un pic de difficulté, bien que tout à fait surmontable, dans l’apprentissage du jeu. Mais une fois la mécanique du changement de mode prise en main, tout devient plus fluide !
Je me permets une petite digression mais on retrouve beaucoup ce type de philosophie de contrôles et de gameplay dans les jeux de l’époque PS1 / PS2, où le titre nous offre une manière d’être joué, et c’est au joueur de comprendre ce qu’il incarne. Pas seulement au travers des capacités du personnage, mais jusque dans sa manière de le prendre en main. Et d’un point de vue personnel, j’aime cette approche plus “radicale” du design. Elle apporte une plus grande porosité aux jeux. Donc, oui, une certaine barrière d’entrée, mais aussi un plus grand “marquage” dans l’esprit de ceux qui auront surmonté cette barrière.
- Notre personnage pourra-t-il faire davantage parler son style via des mouvements inédits à débloquer, que ce soit en parkour ou en combat ?
Malheureusement non ! Dans POEM, le personnage a toutes ses compétences dès le début du jeu. Ce qui changera réellement, c’est l’habileté du joueur à le contrôler et les diverses situations de jeu qui viendront forcer le joueur à challenger et affiner ce contrôle !
- À l’occasion de la démo, on a également pu goûter à l’aspect investigation du jeu. Quelle place comptez-vous accorder à cet aspect du gameplay ?
Au début, mon envie était de consacrer une part égale à chaque gameplay… Mais après plusieurs tests et itérations, c’était évident que les joueurs préféraient la course, le combat, puis l’enquête. Dans cet ordre. Donc maintenant, et après plusieurs simplifications du système, les phases d’enquête prennent une place bien plus secondaire et sont plus devenues un moteur narratif et un petit test d’observation qu’une vraie variante de gameplay.
- POEM EX MACHINA semble doté de passages de nuit et de jour. S’agit-il de séquences scriptées ou bien d’un système dynamique ? Quelles sont les conséquences sur le gameplay ou le contenu entre ces deux moments de la journée ?
C’est scripté, en effet ! Et c’est purement esthétique pour accompagner l’histoire. Le temps et les périodes de la journée passent avec l’histoire. Il n’y a pas de conséquences sur le gameplay… À part vous taper votre meilleure déambulation city pop une fois la nuit tombée !
Une structure entre liberté, linéarité et dimension sociale
- La ville représente un sacré terrain de jeu. Bénéficiera-t-on d’une grande zone ouverte ou bien le jeu est-il construit en chapitres découpés dans des portions un peu plus fermées ou semi-linéaires ?
C’est… un peu des deux. La ville est à la fois un terrain de jeu semi-ouvert, chaque zone de la ville étant découpée et se déverrouillant avec l’histoire. Mais il y a aussi un HUB général qui mène à des parties plus fermées et linéaires.
- Le jeu hérite d’une dimension sociale, pouvez-vous nous parler un peu de cet aspect ?
Pour l’aspect “social” du jeu, il s’agit surtout de nos interactions avec les autres PNJ. Un peu (vraiment très peu) comme dans un Persona, certaines de nos réponses nous accordent de l’amitié avec certains PNJ, ce qui influencera légèrement leurs répliques et réactions plus tard, voire la fin du jeu…
- Ce genre de dialogues ont pu être lancés dans un bar. S’agit-il du hub du jeu ? On y voit aussi des bornes d’arcade. De quoi ouvrir la porte à des mini-jeux ?
Pour le Bar/l’Arcade, il s’agit bien de la pièce centrale d’où on part en “mission”. C’est à la fois un refuge pour les personnages principaux et donc oui, un HUB pour le joueur. Hélas, pour les bornes d’arcade, c’est compliqué en étant tout seul sur le projet, donc elles resteront malheureusement décoratives. Cependant, je me suis amusé à mettre les visuels de mes anciens jeux sur certaines des bornes ! Donc jouez-y aussi ! Promis, ils ne sont pas si mal !
- En parlant des mini-jeux, on a pu tester un avant-goût d’activités annexes avec la destruction de cibles dans un temps imparti. D’autres types d’activités de ce genre sont-elles envisagées ?
Pour l’anecdote, ce mini-jeu était au départ une erreur de programmation sur des ennemis. Mais oui, en effet. A minima, je voudrais intégrer un second “mini jeu” de course contre un autre personnage.
Le cri du cœur d’un développeur solo
- Quel est actuellement le plus gros enjeu du développement ?
Finir le jeu !
- Pendant la conception du jeu, avez-vous vécu un événement amusant ou une histoire insolite que vous pourriez nous raconter ? Quelque chose qui vous a marqué ou une anecdote de développement sur le jeu ?
Il s’est passé beaucoup de choses, autant dans le développement du jeu que dans ma vie personnelle durant ce temps. Mais s’il fallait retenir une chose qui a vraiment changé par rapport à mes autres périodes de développement, c’est la communication…
“Un jeu indépendant, ça se vend à hauteur de la communication que tu fais dessus” est une phrase terriblement vraie. J’ai commencé à parler régulièrement de mon jeu sur les réseaux sociaux, et même si c’était une très petite campagne de com’, ça a eu un énorme effet sur le jeu !
C’est sûrement ça qui m’a le plus marqué pendant le développement ! Un post par semaine et… boum ! Donc aux autres devs solo et indé qui se disent tous “non mais je montrerai mon jeu quand il sera plus avancé !” : on s’en fiche !
Montrez-nous tout, tout de suite ! Même, et surtout, si c’est inachevé ! Il y aura toujours quelqu’un pour en avoir quelque chose à faire ! Et ça fait un bien fou ! Sinon, il y a bien un joueur dans la version alpha du jeu qui avait trouvé comment voler comme un avion à travers la ville… Et de plusieurs manières différentes en plus !
- Un dernier mot pour nos lectrices et lecteurs ?
“Commence par finir ce que tu commences !” Non, blague à part, faites les choses que vous aimez ! Ça ne marchera peut-être pas toujours, mais vous serez heureux d’avoir au moins essayer !
Eh bien si ressentir un sentiment de liberté en virevoltant au sein de zones plus ou moins ouvertes fait justement partie de ce que vous aimez, alors vous devriez garder un œil sur POEM EX MACHINA, dont la sortie se situe au printemps 2026 sur PC. N’oubliez pas de wishlister votre jeu et de tester la démo sur Steam si le trailer du jeu, ses images ou même l’interview sont parvenus à piquer votre curiosité. Quant à nous, nous adressons nos remerciements à Amaury Hyde pour les quelques minutes de son temps prises pour répondre à nos questions.