Real Bout Fatal Fury 2 : The Newcomers – SNK refuse la compilation et se la joue loup solitaire
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Rédigé par Neomantis Dee
Vous avez bien lu, il n’y a pas d’erreur. Nous ne parlons pas de Real Bout Fatal Fury 2 : The Newcomers seulement par plaisir, mais bien parce que le soft fait un retour surprise, sur Steam. Un retour sur le devant de la scène avec du rollback netcode et quelques options de confort appréciables, précisément sur la partie entraînement. Mais la question demeure et nous taraude depuis la réception du soft par l’éditeur : est-ce vraiment le bon moment ? Quelques mois seulement après la sortie de Fatal Fury : City of the Wolves qui, malgré ses qualités intrinsèques et des ventes encore floues, ne parvient pas encore à convaincre autant qu’espéré sur la scène compétitive ? Le timing interroge. La forme aussi. Pourquoi SNK n’a-t-il pas opté pour une compilation, à la manière de Capcom qui réédite ses classiques avec succès ? Quoi qu’il en soit, difficile de bouder son plaisir. Redécouvrir un tel titre, c’est se rappeler la singularité de la série Fatal Fury. Une série qui se réinvente sans se trahir. À noter que Real Bout 2 fait également partie de la compilation Fatal Fury Battle Archives Vol. 2 parue en 2007 sur PS2, et est disponible sur le store PS4.

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Au commencement, donc, une trilogie Fatal Fury populaire. Trois jeux parvenus à s’imposer au milieu d’une décennie submergée de jeux de combat. Se hisser au-dessus des vagues de concurrents n’était pas à la portée de tous. La licence aura su résister, jusqu’à se hisser au panthéon durant la fin de la décennie 90, avec le remarquable Garou : Mark of the Wolves – dont la suite, City of the Wolves, ne verra le jour qu’en 2025, presque trente ans plus tard. Nous le disions lors de notre test, COTW peut se voir comme l’opus de la fusion. Celui qui tente de réunir les diverses directions de gameplay explorée par la série.
Les épisodes estampillés Real Bout font partie de ses expérimentations. Quand le projet RB apparaît en 1995, quelque chose a changé. Real Bout Fatal Fury résonne avec Reboot Fatal Fury. Le jeu de mot n’est pas si innocent puisqu’il y a du vrai là-dedans. Que ce soit par le retour de Geese Howard comme antagoniste, avec une seconde mort – cette fois-ci censée être officielle et définitive – faisant écho au premier jeu, un roster plus conséquent et un gameplay logiquement perfectionné, la mention reboot peut s’entendre. Selon nous, par contre, il s’agit plutôt d’une variation.
Avant de mentionner les spécificités des jeux Real Bout, y compris de notre sujet du jour, Real Bout Fatal Fury 2 : The Newcomers, rappelons brièvement les ambitions à l’œuvre. La trilogie Fatal Fury a su s’imposer dans les années 90 comme rappeler plus tôt, pas autant qu’un Street Fighter (dont elle partage les créateurs) ou qu’un Mortal Kombat, certes. Cependant, la série jouait dans la cour des grands, elle était même pionnière sur divers aspects. Pour autant, lorsque que Real Bout premier du nom voit le jour en 1995, soit la même année que Fatal Fury 3, la prise de risque est manifeste.
Real Bout Fatal Fury est né à cause ou grâce aux cartouches non vendues du troisième opus, qui n’atteignit pas les objectifs fixés par SNK. Par conséquent, les deux jeux partagent des graphismes communs, et il faudra attendre le volet Real Bout Special pour attester d’un gap graphique et d’un redesign total des sprites de personnages. L’intérêt principal de Real Bout, c’est le gameplay, au détriment des considérations narratives pourtant indissociables de la licence. Les développeurs choisirent de miser davantage sur le gameplay, quitte à prendre des risques.
Street Bullies
Real Bout Fatal Fury fit surtout parler de lui pour l’intégration du ring out. Beaucoup de joueurs issus de l’arcade s’en sont plaints à l’époque, remettant en cause la mécanique qu’ils jugeaient frustrante plus qu’autre chose. Des joueurs aguerris qui n’acceptaient pas de perdre à cause d’une mécanique indépendante de la maîtrise pure du gameplay, et ce même si elle exigeait une gestion du ring, à fortiori avec les divers sauts disponibles, à la manière d’un jeu 3D. Couplé aux changements de plan signature de la franchise, le jeu se démarquait via les déplacements, domaine souvent sous-exploité dans les jeux de combat 2D.
Les critiques conduiront SNK à abandonner la mécanique pour les épisodes suivants. Pourtant, selon Yasuyuki Oda, les joueurs Neo Geo AES appréciaient les sorties de ring qui, selon eux, pimentaient les affrontements et apportaient une tension nouvelle. L’opus reste à ce jour assez unique dans la série. L’épisode Real Bout Special lui succèdant, quant à lui, servira surtout à consolider les acquis et améliorer le gameplay. En revanche, pas de ring out, malgré la décision de conserver les décors destructibles désormais utiles pour des combos. Maintenant, le décor fait partie intégrante du gameplay et peut donc être maîtrisé.
À ce sujet, les jeux Real Bout sont aussi les premiers de la licence à introduire les gatlings combos (annuler une attaque normale par une autre attaque normale), le gameplay à trois boutons au lieu de quatre ainsi qu’une jauge de Super divisée en deux segments distincts. Les combats sur plusieurs plans, marque de fabrique de la série, viennent cimenter le tout. Cela étant dit, c’est finalement avec le cas Real Bout Fatal Fury 2, sorti en 1997, que SNK se lâche. Les équipes ont tout misé sur le gameplay, une fois de plus, au détriment de la narration et d’un jeu qui s’ampute volontairement des poses finales de personnage, donc d’un outil narratif utile à leur caractérisation.
L’objectif étant d’obtenir des combats plus dynamiques, plus fluides, ce que le soft gagne en plaisir de jeu, il le perd en âme et en esthétisme. N’y allons pas par quatre chemins : c’est jouissif. Aujourd’hui encore, c’est saisissant. Sans atteindre la maestria d’un Garou, les choix de game design opérés ici offre un gameplay tout bonnement excellent et d’une grande richesse. Si RB Special pouvait laisser sur sa faim à cause de combos généralisés à l’intégralité du roster – déficit d’expressivité donc –, Real Bout Fatal Fury 2 privilégie l’expression personnelle. Cela passe notamment par l’ajout des feintes et de la pléthore de possibilité d’action qu’elles permettent en combat.
South Town Heist
Le casting aussi : 23 personnages, un record pour la franchise. L’occasion de découvrir tout un univers dans lequel City of the Wolves ne manquera pas de piocher, on l’espère, pour nourrir ses futurs DLC. Pour celles et ceux qui n’ont découvert la licence qu’avec ce dernier épisode, vous avez là un bon aperçu des personnages qui peuplent les rues de South Town. Popularité oblige, Geese fait également son retour et peut être joué, au même titre que Wolfgang Krauser, un autre boss de la licence. Outre un personnage caché, le pilote d’avion Alfred doté de techniques aériennes, Real Bout Fatal Fury 2 : The Newcomers célébrait deux personnages inédits : Li Xiangfei, pratiquante du kung fu Nam Pai Chuan (peut se traduire par « Poing du Nord et du Sud »), ainsi que Rick Strowd, adepte de la boxe anglaise.
La particularité de RB2, en plus du fait qu’il s’agisse du premier jeu Neo Geo proposant de vraies cinématiques – et non plus de banales successions d’images fixes – (dommage de ne pas en profiter via la narration), c’est la refonte d’une partie du gameplay, et donc du rythme en combat. Parmi les changements, le notable est la réduction des trois plans à seulement deux, ce qui modifie profondément le gameplay. L’action gagne en rythme ce qu’elle perd en jeu de déplacement. Dans Real Bout Fatal Fury 2, on joue sur un seul plan, et le changement de plan devient une esquive, indispensable pour se libérer de certaines attaques adverses. Tous les niveaux ne proposent pas deux plans, ce qui tend à compliquer certains match-ups.
C’est toujours un plaisir de redécouvrir un jeu de ce calibre. D’autant plus qu’il fait partie de ces épisodes uniques, de ceux qui expérimentaient. Plaisir aussi, surtout pour les plus anciens d’entre nous sans doute, de se battre devant du pixel art de qualité, que Garou allait littéralement sublimer pour atteindre une virtuosité presque insolente. Néanmoins, Real Bout Fatal Fury 2 manque d’âme et de prestance. L’enrobage et le contenu font défauts, malgré les possibilités du online (lobby et création de tournoi, entre autres) et un mode entraînement qui affiche maintenant des données de combats importantes.
En misant exclusivement sur le gameplay, le soft se montre finalement moins immersif et engageant. Cela se ressent à la fois dans les musiques et les visuels qui, bien que charmants, n’égalent finalement pas un RB Special en comparaison. Fort heureusement, le jeu de combat 2D vieillit bien, mieux que la 3D. Les années passent, c’est comme s’il suffisait de souffler pour enlever la poussière et retrouver l’éclat d’antan. Les années 90 furent expérimentales et précieuses pour l’évolution de l’industrie vidéoludique d’une part, mais aussi des jeux de combat. Et si la 3D continue d’évoluer, guidée par sa quête de réalisme, la 2D semble disposer de plus d’amplitude dans l’expression artistique.
Pour l’histoire, mais peut-être surtout pour qu’un nouveau public puisse plus facilement comprendre ce qu’est Fatal Fury, avec ses gameplays différents, SNK aurait dû proposer une collection de plusieurs jeux. Cela aurait permis d’amortir le prix aussi. Car, bien que ce Real Bout Fatal Fury 2 : The Newcomers ne soit pas vendu au prix d’une compilation, le tarif laisse songeur. Difficile de ne pas grogner en comparaison des collections Capcom : deux fois plus chères, oui, mais avec au moins quatre fois plus de contenu. Et puis, pourquoi se concentrer uniquement sur RB2 ? Si ce n’est pour faire écho à l’approche personnelle du jeu et à sa mécanique de changement de plan, que City Of The Wolves incorpore timidement au gré d’un niveau — pour l’instant. Un choix surprenant pour une série de renom, qui ne semble pourtant pas décidée à saisir pleinement les opportunités de s’imposer dans les consciences. Au moins, nous avons là un roster généreux, suppléé par un gameplay de grande qualité.
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