Jump the Track : Notre interview d’Antonin Demeilliez, narrative designer, pour lever le voile sur ce visual novel des plus originaux
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Rédigé par Florian
L’AG French Direct a pour vocation de présenter des jeux à venir mais il arrive parfois que c’est jeux sortent tout près de notre conférence. C’est le cas de Jump the Track, le nouveau jeu des créateurs et créatrices de Baladins et Pile Up! dont la sortie correspondait à la diffusion de la mouture 2025. Nous avons pu poser nos questions aux équipes de Seed by Seed pour en apprendre plus sur le développement, les inspirations mais aussi le contenu de Jump the Track.

Eh oui, Jump the Track était présent à l’AG French Direct 2025 pour nous présenter son trailer de lancement du jeu, le jeu étant donc déjà disponible sur Steam. En marge de cette présentation, nous avons pu poser toutes nos questions aux équipes de Seed by Seed représentées par leur narrative designer, Antonin Demeilliez.
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- ActuGaming : Bonjour et merci pour votre temps ! Pouvez-vous rapidement vous présenter ? Qui êtes-vous, quel est votre parcours et quel est votre rôle sur le jeu ?
Antonin Demeilliez : Bonjour, je m’appelle Antonin Demeilliez, je suis narrative designer sur le jeu. Avec la majeure partie du studio, nous nous sommes rencontrés à l’ENJMIN et avons formé notre équipe autour de notre projet de fin d’études : Pile Up! Nous avons co-fondé Seed by Seed dès la sortie de nos études en 2018 et avons sorti deux jeux sur consoles et PC : Pile Up! Box by Box en 2021 et Baladins en 2024.
- Après nous avoir présenté le très apprécié Baladins, vous avez révélé très récemment votre troisième jeu, Jump the Track qui sort par ailleurs le même jour que l’AG French Direct. Pour celles et ceux qui aimeraient en savoir un peu plus, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est Jump the Track et son concept ?
Jump the Track est avant tout une histoire interactive qu’on peut rapprocher du genre visual novel. Le twist vient du fait que la progression dans l’histoire se fait avec des plateaux de jeux inspirés du pachinko. Vous devrez débloquer différents choix de dialogue ou résoudre des situations grâce à votre habileté et à une part non négligeable de chance. Le jeu raconte l’histoire de Sam, un jeune galérien qui doit gagner la grande tombola de la ville avant minuit pour sauver sa peau. C’est une réflexion sur la notion de contrôle et de pouvoir qu’on peut avoir sur nos vies dans le monde d’aujourd’hui. C’est aussi une fable politique.
- Depuis combien de temps êtes-vous sur ce projet et comment s’est déroulé le développement ?
Nous travaillons à ce projet depuis la fin de l’année 2023, quand l’équipe créative avait terminé son travail sur Baladins et commençait à poser les jalons du projet tandis qu’une autre partie de l’équipe finalisait la sortie de Baladins. Cela représente donc un temps de développement relativement court pour notre équipe plus habituée à des productions d’au moins deux ans.
Ce développement rapide nous a contraints à adopter des designs éprouvés et à limiter le nombre de fonctionnalités pour aller à l’essentiel. Ainsi nous avons très vite prototypé le lien entre pachinko et visual novel pour éprouver le point le plus incertain du concept. Une fois les mécaniques de base et l’histoire validées, on a su quelle voie emprunter pour le reste de la production. Celle-ci s’est poursuivie vraiment jusqu’au dernier moment pour optimiser à fond le temps qu’on s’était imparti et polish le jeu, l’idée étant de sortir un jeu de qualité le plus rapidement possible.
Le jeu est 100% auto-édité et auto-financé, on a donc les mains libres, de comptes à rendre à personne d’autres que nous, mais aussi on doit s’occuper nous-mêmes de beaucoup de choses dont peut s’occuper un éditeur comme la localisation, l’assurance qualité, le playtest, le marketing et la communication, ce qui ajoute beaucoup à la masse de travail. Les choses ont été parfois difficiles, mais on a su continuer pour mener le projet jusqu’au bout et aujourd’hui nous sommes très fiers et fières du résultat.
- D’ailleurs, 3 mois seulement se sont écoulés depuis l’annonce du jeu en février dernier et sa sortie commerciale. Comment se prépare-t-on à une telle période de rush final et désormais public quand on est une petite équipe comme la vôtre ?
C’est effectivement une fenêtre de tir très resserrée, durant laquelle on s’assure avant tout que le jeu soit propre et le moins buggé possible. Ensuite on fait tout ce qui est en notre possible pour que le jeu trouve son public, en participant à des événements en ligne et en contactant la presse et les influenceurs. Mais pour un jeu comme Jump the Track, le bouche à oreille sera capital.
On espère que le public aimera le jeu et voudra la faire découvrir autour de lui. Pour une équipe comme la notre, ça signifie que les personnes qui ont terminé de travailler sur le jeu passent en mode « com » et produisent des visuels, écrivent des posts sur les réseaux ou répondent à des interviews. Mais pour ce qui est de chapeauter notre stratégie globale, nous avons une personne dédiée dans l’équipe en la personne de Jean Nicolas, et ce malgré la taille réduite du studio. Cela nous permet d’être efficaces, de rester organisés et bien compartimenter nos tâches.
Le courage de choix audacieux
- Sur le papier, on a l’impression que Jump the Track n’a pas beaucoup de points communs avec Baladins. Qu’est-ce qui vous a poussé à changer totalement de style ? Les deux jeux partagent-ils malgré tout des points communs ou easters eggs ?
Après une production longue et techniquement compliquée comme celle de Baladins, nous avions besoin de nous recentrer sur une proposition plus simple. Plus de multijoueur, plus de jeu en ligne, ça nous a déjà enlevé pas mal de problèmes ! Nous avons aussi à cœur de proposer des expériences renouvelées à chaque jeu, à la fois pour les joueurs et joueuses, mais aussi pour notre propre hygiène créative. Baladins n’avait déjà rien à voir avec Pile Up!
Je pense cependant que Jump the Track partage des points communs assez forts avec Baladins : dans les deux cas, il s’agit de proposer une histoire interactive, où le gameplay est avant tout concentré sur l’exploration d’une histoire à embranchements. La différence, c’est que dans Baladins on jette des dés et dans Jump the Track on joue au pachinko, mais au fond, ce n’est pas si éloigné.
Nous avons aussi voulu reprendre une des forces de Baladins, selon nous : proposer une galerie de personnages hauts en couleur, mais cette fois-ci en proposant d’incarner un personnage très caractérisé, contrairement aux baladins qui servaient de page blanche pour les joueurs et joueuses. Il y a aussi la thématique du vivre-ensemble et de la solidarité qui est transversale aux deux jeux. Quant aux easter eggs, il y a une référence très subtile à Baladins dans la cinématique d’introduction, et les plus attentifs entendront peut-être un clin d’œil à Pile Up! dans la bande sonore du jeu.
- Le pachinko est un genre très surprenant, et pourtant vous avez décidé d’en faire une facette importante de ce nouveau projet. Est-ce que vous avez eu des références dans le domaine qui vous ont inspirées ?
Une des inspirations premières de Jump the Track est le jeu Peglin. C’est un rogue-like RPG qui réemploie le gameplay du jeu Peggle pour régler ses combats. Peglin n’est d’ailleurs pas le seul jeu à s’inspirer de Peggle et aujourd’hui on voit fleurir quelques peggle-like sur Steam dans des genres très différents. C’est Thaïs Arias, notre game designer, qui a proposé l’idée de mixer le côté incontrôlable du pachinko à la Peggle avec un visual novel, pour créer un contraste qui nous paraissait original et intéressant.
Un petit mot sur la démo
- La démo nous permet de découvrir la surprenante Henriette, l’une des personnes avec qui Sam doit parlementer pour tenter de se sortir du pétrin, ainsi que sa mère très furtivement. Combien de PNJ composent cette galerie de personnages ?
En tout, c’est une dizaine de personnages hauts en couleur que Sam rencontrera tout au long de son aventure, allant du kébabier bricoleur au maître reiki hyper-anxieux, en passant bien sûr par le patron de Sam, le grand méchant de notre histoire.
- La démo nous permet d’apercevoir globalement une mécanique principale consistant à débloquer des choix de dialogues en fonction de notre score au jeu à terminer. Devons-nous nous attendre à d’autres mécaniques de ce type sur la globalité sur titre ?
Il y a deux types de plateaux de pachinko en jeu : ceux qui représentent l’espace mental de Sam et qui permettent de débloquer des choix de dialogue, et ceux qui représentent une action réalisée par Sam (jouer au blackjack, sauter à travers une fenêtre, réparer la broche d’un kebab etc.) et dont le résultat détermine si l’action est réussie ou non, ce qui peut mener à différents embranchements dans l’histoire. Tout le jeu repose sur ces deux types de plateaux de jeu et sur ce gameplay unique. Nous ne ne voulions pas multiplier les fonctionnalités de jeu pour garder une proposition simple et épurée.
Rejouabilité et contenu
- Vous évoquez une certaine rejouabilité avec plusieurs fins à découvrir. Mais faudra-t-il recommencer l’aventure dans son intégralité pour tout voir ou bien seulement quelques segments ?
L’histoire de Jump the Track est interconnectée : des événements au début du jeu peuvent avoir une incidence sur la fin ! Il est donc conseillé de rejouer tout le jeu, mais sa durée est pensée en conséquence.
- Dans le même esprit, vous avez annoncé que Jump the Track sera un jeu relativement court. C’était votre souhait dès le départ pour offrir une expérience plus digeste, ou c’est également parce qu’il s’adresse peut-être à un public qui n’a pas beaucoup de temps devant lui ?
C’est un mélange de plusieurs facteurs. En effet, dans un contexte culturel où les œuvres, et en particulier les jeux vidéo, se disputent le temps d’audience du public, il est stratégique de proposer un jeu plus court, moins effrayant qu’un jeu qui va aspirer des dizaines d’heures, mais c’est aussi, à notre sens, plus respectueux des joueurs et joueuses. Nous ne pensons pas que notre histoire a besoin d’être étirée artificiellement pour créer du playtime.
L’idée du jeu est de proposer une histoire qui peut être découverte comme un film, d’une traite, le temps d’une soirée, entre deux et trois heures. Cela nous a permis de faire ce jeu rapidement (en un peu plus d’un an) et cela permettra aux gens qui le souhaitent de le rejouer pour explorer plus facilement les embranchements de l’histoire !
Développement et avenir
- Durant le développement de Jump The Track, avez-vous vécu un événement rigolo ou une histoire insolite survenue pendant la conception à nous raconter ? Quelque chose qui vous a marqué ou une anecdote de développement sur le jeu ?
Fanny Marec, notre artiste 2D qui s’est occupée du character design, passe son temps à faire des dessins des personnages au-delà des limites de l’histoire du jeu, en imaginant leur enfance, leur futur etc. Ces dessins peuvent tenir de la blague mais mènent parfois à des idées qui finissent dans le jeu, comme le fait que Pat, la mère de Sam, conduise un bus. De nombreuses discussions ont eu lieu entre les membres de l’équipe, en partant de ces dessins, créant parfois tout un lore autour des personnages. Tout ce lore n’a pas fini dans le jeu, mais il nous a permis de nous attacher aux personnages et leur donner de la consistance à nos yeux. On a décidé de mettre quelques-uns de ces dessins dans le générique de fin du jeu.
- Au rayon des anecdotes, est-ce-que certaines situations ont été inspirées de scènes réellement vécues par votre équipe ?
Non, et heureusement ! Je me suis cependant inspiré d’un souvenir personnel pour écrire un dialogue entre Sam et son meilleur ami Axel, lorsqu’ils se remémorent leurs parties de jeu vidéo quand ils étaient plus jeunes. En tout cas, le jeu est définitivement inspiré par le monde réel. Que ce soit dans ses thématiques, dans les sujets politiques qu’il aborde, le jeu est une vision à peine exagérée du monde réel et je pense que beaucoup de joueurs et joueuses se reconnaîtront dans les aspirations de Sam et des autres personnages.
- Et d’ailleurs, après un repos bien mérité, avez-vous déjà une idée sur le prochain projet de Seed by Seed ?
Des idées, on en a toujours, ce n’est jamais ce qui manque ! Après il s’agit toujours de choisir l’idée qui est pertinente, qui plaît à toute l’équipe et qui peut nous permettre d’exister dans une industrie toujours plus difficile.
- Pour conclure, un dernier mot pour nos lectrices et nos lecteurs ?
J’espère que les lecteurs et lectrices d’ActuGaming auront la curiosité de laisser sa chance à notre jeu bizarroïde. Seed by Seed a toujours essayé de proposer des expériences de jeu innovantes, même si elles sont parfois un peu surprenantes, et nous avons tout fait pour que Jump the Track soit fun et accessible au plus grand nombre et surtout qu’il ait du sens, en apportant des thématiques trop rares dans le jeu vidéo à notre goût. Alors, si vous cherchez un jeu qui parle sans détours d’amitié, de lutte des classes, de kébabs et de révolte contre le monde capitaliste, Jump the Track est fait pour vous !
En tout cas nous, nous en sommes convaincus après notre session ! Nous remercions Antonin et toute l’équipe de Seed by Seed pour leurs réponses avisées. Le jeu est d’ores et déjà disponible puisque Jump the Track a décidé de sortir en même temps que notre AG French Direct 2025. Comptez 9,99€ pour vous offrir cette parenthèse originale mêlant visual novel et pachinko en version intégrale française bien entendu. On vous laisse foncer sur la page Steam du jeu pour découvrir tout ce qu’il faut savoir dessus et soutenir le studio.