Gradius Origins – Le plaisir des choses simples
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Rédigé par Neomantis Dee
Konami est inarrêtable. À défaut de proposer de nouvelles licences, les compilations pleuvent, ravivant un passé glorieux tout en jouant habilement sur la fibre nostalgique. L’entité expose ses gloires d’antan à la manière d’un musée. Un musée qui brille par sa diversité, c’est un fait. Cette fois-ci, cap sur l’espace et le shoot’em up, avec un classique du genre : Gradius. En plus des six opus emblématiques de la licence (avec leurs différentes versions, parues à l’international comme exclusivement au Japon), Gradius Origins inclut les spin-off Salamander, ainsi qu’un nouvel épisode conçu pour l’occasion, Salamander III. Au total, ce sont donc sept jeux et 18 versions que nous propose Konami, de quoi rassasier les joueurs et joueuses les plus déterminés.

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Comme toute compilation qui se respecte, Gradius Origins embarque son lot de fonctionnalités bien senties : sauvegarde rapide, mode invincible (anecdotique et sans réel intérêt), et surtout le salvateur rembobinage, sans lequel venir à bout de la collection frôlerait le masochisme. Pour un humain normalement constitué, cela va sans dire. Sans être la série la plus nerveuse de l’industrie en termes de difficulté, Gradius, au même titre que Salamander d’ailleurs, n’en est pas moins impitoyable. Se frotter aux nuées de projectiles de ces titres peut rapidement tourner au cauchemar.
Il faut dire que le shoot’em up, et plus encore les fameux Bullet Hell, est souvent associé – à juste titre – à la notion de difficulté extrême. Cela découle évidemment d’une époque où les bornes d’arcade régnaient en maîtresses absolues. Disons-le franchement : ces machines étaient clairement là pour vous vider les poches et vous torturer mentalement. Paradoxalement, cette initiation brutale aiguisait des réflexes chez les joueurs les plus aguerris. Et tous les genres du jeu vidéo étaient plus ou moins concernés.
C’est peut-être encore plus flagrant dans le shoot’em up. Le game design se construit de manière à défier nos réflexes, notre vivacité d’esprit, notre compréhension de l’espace et des patterns d’attaques. Dans le chaos absolu incarné à l’écran, où tout – ennemis comme décors – est mortel, il faut répéter et mémoriser. Jusqu’à être capable, dans les pires situations, d’investir les interstices. Trouver refuge dans les zones mortes, juste assez grandes pour survivre au déluge.
Puis, une fois l’orage passé, une accalmie trompeuse, vite rompue par l’apparition d’une entité que l’on espérait ne pas croiser. Un boss, venu mettre à l’épreuve nos compétences, dont l’issue du combat dépendra largement des power-up accumulés au préalable. Comme le démontre Gradius Origins, les boss sont toujours des pics d’intensité. Ils calment le jeu pour mieux convoquer notre sens tactique et notre capacité d’adaptation. Chaque affrontement donne naissance à une nouvelle chorégraphie mortelle qu’il faudra décrypter puis déjouer. C’est l’apanage d’un bon shoot’em up – et c’est exactement ce que propose la licence de Konami.
Dans l’espace, il y a des méchants
Si le premier opus, sorti en 1985, pose les bases de la série – héritées en partie de Scramble, un jeu de Konami paru en 1981 – les suites se chargeront de polir et sublimer une formule déjà gagnante. Détruire, c’est de la dopamine immédiate. Les doses s’accumulent, l’addiction s’installe. On la sent monter. Que ce soit par le plaisir de découvrir un nouveau niveau, d’affronter le prochain boss, ou simplement par orgueil, dans l’envie de battre son score, autant Gradius que Salamander nous appellent. Et puisque les options de facilité sont là, que les sessions sont globalement courtes, la boucle d’addiction finit par grignoter les heures.
C’est dans l’ADN du shoot’em up. À l’origine, Gradius fait partie des shmup 2D à défilement horizontal. Pour autant, certains opus fusionnent habilement les deux formats, tandis que les épisodes plus récents n’hésitent pas à intégrer des éléments 3D pour renouveler les situations de jeu. Encore aujourd’hui, se faire bousculer par un bon choix de design, ça fait toujours son petit effet. Malgré la présence des poncifs du genre déjà présents, la collaboration entre M2 et Konami permet ici de rappeler à quel point la série a contribué à poser certains standards du shoot’em up. Ce que la collection Gradius Origins nous donne justement à voir.
Le système d’armement est un bon exemple. Bien que cela ne soit pas toujours resté en l’état, au départ Gradius imposait un arsenal évolutif plutôt original, bien qu’il n’en soit pas le fondateur. Quand il est coutume de récupérer un power-up prédéfini affiché à l’écran, Gradius uniformise tous les bonus. Ce ne sont plus « des » power-up, mais un seul et même objet. Ici, les power-up sont une forme d’énergie qui alimente une barre segmentée en plusieurs paliers. Chaque palier correspond à un bonus : le premier augmente la vitesse, tandis que le précieux bouclier ne s’obtient qu’aux derniers niveaux de la barre, par exemple.
Le fonctionnement est simple : un power-up récupéré débloque un palier. Le bonus suivant fait progresser vers le palier d’après, et ainsi de suite. La subtilité, qui ajoute une touche stratégique, c’est que les paliers s’enchaînent dans un seul sens, et qu’en activer un réinitialise la barre au premier segment. Ce faisant, les développeurs nous imposent des choix et offrent davantage de contrôle sur notre vaisseau et sa gestion. Un espace d’expression, toujours bienvenu. Nous sommes libres de choisir quand booster la vitesse, au détriment des canons, ou inversement, nous laissant un champ d’expérimentation restreint mais satisfaisant.
1985, l’Odyssée Gradius
Salamander premier du nom, déployé en 1986, puis Gradius III quelques années plus tard, proposent plus de personnalisation de l’arsenal de départ. Cependant, une version différente de Salamander, intitulée Life Force, reprend la mécanique des paliers d’armements et perfectionne l’univers et le gameplay du jeu original. Les spin-off ne sont pas à négliger, leur présence au sein de ce Gradius Origins en témoigne. Ces digressions créatives autour de la série ont permis aux équipes d’expérimenter sur le game design. D’affiner leurs compétences également.
Ainsi, dès le premier épisode Salamander, l’affiliation est à la fois évidente et déconcertante. À tel point que des éléments de gameplay seront ensuite intégrés pour améliorer, raffiner le game design de la série principale. Les spin-off se distinguent d’abord par leur orientation artistique, délaissant le mécanique au profit de l’organique, bien plus explicite dans la version de 1987, Life Force. Ils donnent naissance à un univers qui, à bien des égards, se révèle plus marquant que celui de Gradius (cela n’engage que nous). Le fait de ne pas reprendre le nom de la licence met en avant ces différences. Des choix artistiques qui convoquent également R-type, autre licence majeure du genre, démarrée en 1987.
Ce sont le level design et le gameplay, malgré leurs variations, qui soulignent la parenté, quand bien même des modifications mineures apportées au gameplay. Tandis que la partie esthétique confère une singularité à Salamander. Et puis, l’argument de la coopération était imparable. L’atout était de taille. La popularité et la richesse de cet univers conduiront à la réalisation de trois OAV par le Studio Pierrot, diffusés de 1988 à 1989. Enfin, Gradius Origins propose des artworks et documents d’époque, avec leur lot de croquis. Des pages de guides – en japonais – mais riches en illustrations et schémas, sont également de la partie aux côtés des OST des jeux. Le véritable bonus reste Salamander III, créé spécialement pour cette compilation et qu’il faudra conquérir à la loyale.
Le Shoot’em up, c’est sans doute le genre par excellence pour illustrer ce qu’est le jeu vidéo au départ. Ce n’est pas la simulation qui est visée, mais bien le ludisme pur. Or, déplacer son vaisseau, esquiver, canarder pour détruire une multitude de cibles, offre un engagement réel, véritable porte ouverte à une addiction un brin sadique. Les jalons de l’ensemble des jeux d’action se sont construits avec ce genre, popularisé au cœur des fumeuses salles d’arcade. Une recette au gameplay simple et efficace, nécessitant peu de touches et un minimum de compréhension, capable, dès lors, de parler à tout le monde et de procurer du plaisir même quand les jeux semblent vouloir notre peau. N’importe qui peut apprendre, et s’amuser, sur un Shmup. Et Gradius Origins se charge de nous le rappeler.