« Rocket League est mort » : pourquoi le jeu de Psyonix et Epic Games traverse l’une des pires crises de son histoire
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Rédigé par Quentin
Dix ans après sa sortie, Rocket League reste l’un des jeux multijoueurs les plus populaires au monde. Avec ses matchs rapides mêlant football et acrobaties motorisées, son modèle free-to-play et une scène eSport suivie par des centaines de milliers de spectateurs, le titre de Psyonix continue d’attirer un grand nombre de joueurs chaque mois. Pourtant, derrière cette longévité impressionnante, la communauté tire aujourd’hui la sonnette d’alarme. Entre accusations de triche, invasions de bots en matchmaking et vagues d’attaques DDoS ciblant les joueurs pros et les créateurs de contenu, le jeu traverse une polémique sans précédent. Un contraste saisissant entre une base active toujours massive de joueurs amoureux du concept et un quotidien en ligne que beaucoup jugent désormais injouable. Alors, que se passe-t-il exactement sur Rocket League ? Pourquoi le titre est-il considéré par certains comme « en déclin » malgré sa popularité intacte ? Voici un point complet sur la situation.
Sommaire
ToggleUn gameplay toujours adoré et en perpétuelle évolution
Depuis sa sortie en 2015, ce mélange atypique de football et de voitures téléguidées s’est imposé comme un véritable phénomène mondial. Développé par Psyonix, Rocket League propose des matchs très courts (4 à 5 minutes) où deux équipes de voitures propulsées par des réacteurs tentent de marquer des buts dans une arène fermée.
Le concept est d’une simplicité désarmante, mais incroyablement difficile à maîtriser. Si Rocket League connaît une longévité exceptionnelle après dix ans d’existence, c’est grâce à son gameplay ultra-mécanique, qui n’a cessé d’évoluer. Flip Reset, Musty Flick, Zen Touch, Infinite Dash… Si ces termes ne parlent pas forcément au néophyte, ils illustrent l’inventivité et la profondeur mécanique qui se sont développées au fil des années.
Rocket League est un jeu particulièrement satisfaisant à pratiquer grâce à sa marge de progression gigantesque. Entre chaque rang, les progrès se font sentir, chaque mouvement ayant ses propres difficultés et possibilités. La créativité mécanique est telle qu’une catégorie entière de joueurs, les « Freestylers », se consacre exclusivement à l’art de réaliser des figures aériennes toujours plus spectaculaires.
De manière générale, Rocket League offre un concept ultra dynamique, quasiment dépourvu de temps morts, où l’on combine maîtrise de son véhicule (figures aériennes, acrobaties, contrôle du ballon sur le capot…) et stratégie collective (placement, rotations, passes…). Un équilibre rare qui explique son succès durable.
Un popularité qui se maintient grâce à une scène eSport très active

En 2020, le passage en free-to-play, associé au rachat de Psyonix par Epic Games, fait exploser la popularité du jeu. Plus d’un million de joueurs connectés en simultané dès le lendemain du changement de modèle, et un record historique à plus de 146 000 joueurs sur Steam seul à cette période. Dix ans après sa sortie, Rocket League affiche encore une base solide de joueurs bien qu’elle soit difficile à quantifier étant donné que le jeu n’est plus disponible sur Steam et qu’Epic Games ne communique pas ce genre de statistique en temps réel à l’instar de Valve.
En revanche, l’un des thermomètres fiables de la popularité d’un jeu est sans conteste sa scène eSport. Malgré son grand âge, celle de Rocket League reste très active et toujours aussi suivie. En effet, les Rocket League Championship Series (RLCS) ont enchaîné les records, avec une finale mondiale de l’édition 2025 dépassant les 150 000 spectateurs de moyenne (pour un pic d’environ 400 000 spectateurs), et des Majors récents flirtant avec les 200 000 à près de 300 000 en pic de spectateurs (via esports charts).
La France occupe aujourd’hui une place déterminante dans l’univers compétitif de Rocket League. Derrière ce constat se trouvent des structures emblématiques comme Team Vitality et Karmine Corp, qui ne se contentent pas de jouer. Elles imposent un modèle, rayonnent à l’international et attirent autant de fans que de talents. Au-delà du jeu en lui-même, ces structures bénéficient d’un phénomène d’influence avec des streamers et créateurs de contenu influents qui participent, commentent, et parfois dirigent, en nourrissant ainsi un écosystème franco-français puissant. La Karmine Corp via la figure de Kameto ou encore GentleMates, fondé par Squeezie, Gotaga et Brawks.
Mais la force de la scène française ne se limite pas aux logos des clubs, elle se lit surtout dans les trajectoires de ses joueurs. Zen, prodige de Team Vitality, est devenu champion du monde à seulement 16 ans et est considéré comme le meilleur joueur du monde par une grande partie de la communauté Rocket League. À ses côtés, des joueurs comme Vatira, pilier de Karmine Corp et multi-champion en Major, ou Alpha54, longtemps capitaine emblématique de Vitality, accumulent les trophées, tandis que Kaydop, triple champion du monde, reste l’une des légendes absolues de Rocket League. Il s’est d’ailleurs reconverti en tant que streamer et fait partie des créateurs de contenu les plus suivis et regardés sur le jeu. Sans oublier le français Mawkzy, joueur professionnel et streamer, qui a redonné de l’intérêt au mode 1vs1, longtemps délaissé au profit du 2vs2 et du 3vs3.
Bots, DDoS, triche : pourquoi la communauté parle d’un Rocket League « cassé »

Sur le papier, Rocket League est donc loin d’être un jeu abandonné. Il a fêté sa dixième année avec une Saison 19 anniversaire, un événement dédié, des récompenses gratuites et des mises à jour régulières. En outre, même si l’on est très loin du traitement du Battle Royale d’Epic Games en matière de contenu, le jeu de foot profite des principales collaborations opérées sur Fortnite. Actuellement, la saison 20 semble avoir franchi un cap dans le ras-le-bol général en raison de problèmes multiples qui donnent une très mauvaise image du titre.
Depuis plusieurs mois, la communauté multiplie les cris d’alarme. Sur les réseaux sociaux, le hashtag « RocketLeagueIsDead » (traduit par « Rocket League est mort ») circule, des pros dénoncent un jeu « injouable » en classé, et certains créateurs de contenu réduisent, voire arrêtent leurs streams à cause d’attaques répétées. Au cœur de la polémique actuelle, on retrouve trois symptômes qui, combinés, donnent l’impression d’un jeu laissé aux mains d’une minorité toxique.
Les bots : quand des IA volent les matchs classés
Les « bots » dont parle la communauté ne sont pas les robots officiels pilotés par le jeu, mais des intelligences artificielles créées par des joueurs malveillants pour grimper en classement à leur place. Dès 2022/2023, Psyonix a confirmé que des bots de type machine learning étaient utilisés en matchs classés. Malgré les vagues de bannissements et des solutions de signalement par les joueurs, ces bots reviennent régulièrement sur le devant de la scène.
New Ranked Bot is better than Nexto
byu/-quacksand- inRocketLeague
Régulièrement sur les réseaux sociaux, on peut observer des démonstrations de bots contrôlés par des IA capables de jouer parfaitement, de défendre chaque tir et de maintenir des comptes dans le top 100, au point que certains modes (notamment le 1v1) sont jugés « infestés ». Pour un joueur lambda, tomber sur ce genre d’adversaire, c’est avoir le sentiment de jouer contre un robot inhumain, qui ne rate rien, ne s’énerve jamais et transforme la progression des rangs classés en corvée. Au-delà de l’injustice, ces bots créent un marché parallèle de comptes « boostés ». Des joueurs paient pour monter artificiellement leur rang, ce qui déséquilibre encore davantage les matchmakings et abîme la crédibilité du système compétitif.
Les attaques DDoS : un jeu injouable pour les pros et les streamers (mais pas que)
La deuxième plaie, largement rapportée par la communauté, sont les attaques DDoS (Distributed Denial of Service). Concrètement, il s’agit d’attaques informatiques qui saturent la connexion d’un joueur ou d’un serveur pour le faire laguer, voire le déconnecter. Dans Rocket League, ces attaques touchent en premier lieu les joueurs pros et les créateurs de contenu très exposés.
Depuis au moins 2024, de nombreuses figures de la scène eSport se plaignent de matchs classés injouable, de live interrompus et de sessions d’entraînement gâchées par des « DDoSers » capables de cibler les mêmes joueurs match après match. En 2025, certains pros vont jusqu’à parler de DDoS dans « quasiment chaque game » en haut du classement et accusent les développeurs de ne pas réagir assez vite, malgré l’arrivée de tournois majeurs.
.@Vatira5 said the true. Rocket league is dead even with an update there is still ddoser. pic.twitter.com/xH6KCrwJ3V
— Vitality zen (@zenrll) November 21, 2025
Même si ce constat est surtout vrai à haut niveau, il arrive que les attaques DDoS touchent occasionnellement les rangs inférieurs où se concentrent la masse de joueurs. Pour le grand public, cela peut sembler lointain, mais l’impact est bien réel. Les pros ont du mal à pratiquer au plus haut niveau, certains refusent de stream Rocket League, la visibilité de la scène en pâtit, et la confiance dans l’infrastructure en ligne du jeu s’érode. Quand les visages emblématiques de l’eSport expliquent en boucle qu’ils ne peuvent plus jouer dans des conditions normales, l’image globale du jeu en prend un coup.
Fatalement, pour un joueur lambda, progresser dans les rangs du mode classé augmente aussi les chances de croiser ce genre d’individus. Une perspective peu reluisante.
Triche et hacks : aimbots, scripts et outils « tout-en-un »
Troisième problème, moins palpable cela dit car plus discret, la triche classique, mais boostée à l’ère de l’IA et des outils communautaires. On trouve aujourd’hui facilement des « hack packs » Rocket League promettant de l’aimbot sur le ballon, auto-drive (la voiture suit et joue la balle automatiquement), invisibilité, et même prédiction en temps réel de la trajectoire pour se placer parfaitement.
Techniquement, ces cheats fonctionnent en injectant du code dans le client ou en manipulant la mémoire du jeu, parfois couplé à des scripts d’IA qui calculent la meilleure action à lancer. Même si une minorité de joueurs utilise réellement ces outils, leur simple existence suffit à alimenter la paranoïa. Bien plus présent sur PC, certains joueurs consoles désactivent même le crossplay pour fuir les tricheurs au risque d’augmenter drastiquement le temps d’attente pour trouver une partie.
Des joueurs à bout de souffle et une communication restreinte de la part d’Epic Games et Psyonix

Malgré l’ampleur de sa communauté et son succès global, Rocket League est aujourd’hui miné par un problème de confiance entre les joueurs et les développeurs. Psyonix, filiale de Epic Games, est longtemps resté muet ou évasif sur ces problèmes. Jusqu’à récemment, où le compte officiel sur X (anciennement Twitter) « Rocket League Status » a répondu au message du joueur professionnel de la Karmine Corp., Axel « Vatira » Touret :
Les attaques DDoS et les bots sont partout, ce jeu est injouable et maintenant, en RLCS, certains joueurs disposent d’outils de triche pour gagner et voler les cashprizes aux joueurs légitimes.
OÙ ALLONS-NOUS…
Hey Vatira, we’re sorry for how disruptive this has been for players, and banning offenders is a high priority for us.
We know bots and DDOS attacks are high-impact problems for the community. We have a game update releasing tomorrow on all platforms that is going to further…
— Rocket League Status (@RL_Status) November 19, 2025
Nous savons que les bots et les attaques DDoS ont un impact considérable sur la communauté. Une mise à jour du jeu sera déployée demain sur toutes les plateformes afin d’améliorer la détection des attaques DDoS sur nos serveurs. Nous travaillons également à l’amélioration de nos méthodes de détection des bots. Nous vous donnerons plus de détails sur les changements que nous continuons d’apporter une fois qu’ils seront en place et que leur bon fonctionnement sera confirmé.
Malheureusement, quelques jours après la mise à jour du 20 novembre dernier, les joueurs ont signalé que le problème était toujours présent. Face à ce sentiment d’abandon, Le hashtag #RocketLeagueIsDead a émergé sur les réseaux sociaux. Au-delà du simple mécontentement, ce mouvement symbolise désormais le malaise d’une communauté qui demande non seulement des correctifs techniques, mais surtout une transparence régulière, une feuille de route visible et une protection effective de l’intégrité de la compétition.
🙅 La goutte de trop pour la communauté Rocket League ? Entre DDOS, bots et cheaters, la ranked est en miettes.
Porté par les joueurs pros, la commu’ lance le hashtag #ROCKETLEAGUEISDEAD pour envoyer un message fort à l’éditeur et essayer d'enfin faire bouger les choses ! 🙏 pic.twitter.com/eAmSOvWk0o
— Rocket Baguette (@RocketBaguette) November 24, 2025
Le plus inquiétant reste que ces dérives, autrefois uniquement limitées au matchmaking, commenceraient à toucher la scène compétitive. Plusieurs joueurs professionnels affirment que des bots et des attaques DDoS se sont invités dans des matchs officiels de RLCS, notamment lors des qualifications ouvertes. Le problème est presque insoluble car un serveur qui crash ne génère pas de replay (un fichier permettant de visionner un match disputé). Un joueur qui se fait DDoS ne peut pas prouver que l’origine de l’attaque ne vient pas de sa propre connexion, et la scène ouverte voulue par Epic Games (avec des récompenses financières distribuées même en atteignant un classement assez bas) rend impossible une surveillance administrative constante. Résultat, des joueurs peuvent être éliminés sans avoir pu vraiment jouer, et des « cashprizes » peuvent potentiellement être remportés par des tricheurs sans que personne ne puisse l’empêcher.
Psyonix s’exprime enfin sur les attaques DDoS et dévoile ses actions
Au moment de finaliser cet article, Psyonix a publié un long communiqué officiel sur les attaques visant les serveurs de Rocket League, reconnaissant l’ampleur de la situation et détaillant les mesures déjà mises en place. Le studio confirme que deux types d’attaques sont actuellement utilisées : des attaques DoS, qui poussent les serveurs à effectuer inutilement une énorme quantité de calculs, et des attaques DDoS, où d’immenses botnets inondent les serveurs de données pour empêcher les matchs de fonctionner normalement.
Selon Psyonix, les premières vagues d’attaques, apparues en 2023 et 2024, avaient été globalement contrées grâce à plusieurs optimisations internes. A savoir, des serveurs plus résistants, de nouvelles protections pour empêcher les victoires par forfait forcé, et une hausse du nombre de bannissements. L’équipe affirme même avoir constaté “une baisse massive” du nombre d’attaques impactant les matchs lors de cette période. Mais comme le souligne le communiqué, il s’agit d’un véritable « jeu du chat et de la souris ». Lorsqu’une méthode est bloquée, les cheaters en créent une nouvelle.
— Rocket League Status (@RL_Status) November 24, 2025
Les attaques observées aujourd’hui sont décrites comme beaucoup plus puissantes et équipées de botnets d’une ampleur bien supérieure. Pour y faire face, Psyonix indique avoir déjà élargi sa flotte de serveurs et leur capacité à encaisser davantage de trafic malveillant avant qu’il n’impacte les joueurs. Le studio affirme désormais identifier les attaques en temps réel, filtrer le trafic frauduleux avant qu’il n’atteigne les joueurs, et continuer à sanctionner massivement les comptes impliqués.
Surtout, Psyonix assure que l’expansion des outils de prévention et de détection est désormais une priorité absolue, tout en reconnaissant que certains assauts continueront de passer entre les mailles du filet. Le studio promet également d’accélérer les bannissements, de limiter le retour des attaquants via des comptes alternatifs, et encourage les joueurs à utiliser l’option de signalement “Cheating” (Tricherie) lors d’un match où une attaque serait suspectée.
Même si les joueurs saluent enfin un effort de communication qui rassure, certains regrettent qu’il faille un sursaut de la communauté pour obtenir des informations sur la situation. Outre les soucis techniques qui sont sans doute difficiles à résoudre du côté de Psyonix, la communauté est surtout affectée par l’absence de mise au point régulière, qui donne l’impression d’être complètement ignoré.
Vers un passage de Rocket League à l’Unreal Engine 5 qui règlera tout ?

Cela fait près d’un an que Psyonix a officiellement reconnu les bots et le besoin d’un anti-cheat plus robuste, mais aucun système réellement dissuasif n’a encore été déployé. Même si cela est encore à l’état de rumeur, certains affirment que Psyonix travaille actuellement sur une modernisation profonde de la tech du jeu, incluant un futur passage à l’Unreal Engine 5. Le studio collabore déjà avec Epic sur Rocket Racing, un mode de course intégré à Fortnite qui tourne nativement sur l’écosystème UE5. D’autres rumeurs parlent aussi d’une migration de Rocket League sur Fortnite. Bien que tout cela n’ait pas été annoncé officiellement par Epic Games, pour beaucoup de joueurs, le vrai tournant se jouera là.
Pour finir sur une note positive, sachez qu’en dehors des RLCS, les amateurs de compétitions pourront bientôt profiter de la la FIFAe World Cup featuring Rocket League 2025. Pour les néophytes, la compétition est tout simplement la Coupe du monde officielle de Rocket League organisée par la FIFAe. Les meilleures nations du monde y envoient une sélection nationale, comme en football.
Pour cette édition, l’équipe de France a été reconstruite autour de plusieurs des meilleurs joueurs tricolores du moment : Zen (Vitality), Vatira (Karmine Corp) et Juicy (Karmine Corp). La France fait partie des nations favorites, notamment après sa place de finaliste l’an dernier. Notre équipe tricolore s’est d’ailleurs qualifiée en octobre dernier. Les 16 pays en lice se disputeront le titre de champion du monde à Riyadh (Arabie saoudite) du 15 au 19 décembre prochain.