LavaLoop : Notre inteview avec Louis Rigaud, développeur solo de ce joli shooter 2D rythmique et frénétique
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Rédigé par Fauchinou
Le mélange des genres, surtout quand ils sont originaux ou plus rares que d’autres, sont particulièrement marquants lorsqu’ils s’avèrent réussis. Dans le domaine de la musique et de l’action, un exemple assez récent qui nous vient d’abord à l’esprit est Hi-Fi Rush, véritable pépite. Un statut et un destin d’estime que l’on souhaite à LavaLoop, un shooter 2D embrassant lui aussi l’art de la musique pour servir son gameplay et son ambiance. Un Space Invaders rythmique, c’est presque ainsi que le définit Louis Rigaud, son créateur. Le titre étant particulièrement intrigant, nous avons donc posé plus d’une dizaine de questions au développeur solo dans le cadre de l’AG French Direct 2025, où LavaLoop a été révélé.

En tant que shooter 2D, LavaLoop mise sur une vibe très arcade avec des vagues d’ennemis de plus en plus nombreuses et/ou redoutables à mesure que l’on progresse. Mais son intérêt principal reste la composante rythmique, où attaquer et bouger dans le bon tempo favorise des actions encore plus puissantes. Ce gameplay, la place primordiale de la musique et d’autres aspects encore sont abordés avec Louis Rigaud au cours de cette interview, après le reveal trailer commenté qu’il a composé pour l’AGFD.
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ToggleUn trio musical pour sauver le monde
- Bonjour et tout d’abord, merci pour votre temps ! Pouvez-vous rapidement vous présenter ? Qui êtes-vous, quel est votre parcours et quel est votre rôle sur le jeu ?
Je suis Louis Rigaud, j’ai une formation d’illustrateur et je travaille depuis 16 ans dans le livre pop-up, le graphisme ou l’animation 2D. Enfant, je créais mes propres jeux de plateau, et quand on a eu un PC, j’ai rapidement cherché à coder des jeux. C’était l’époque des jeux Flash et des forums, j’ai tout appris en autodidacte.
Après plusieurs applications pour enfant réalisées avec notre éditeur de livre jeunesse, je publie Iris And The Giant, avec Goblinz Studio. Fort de cette expérience, je me lance sur LavaLoop. Comme sur mes précédents projets, je suis en solo de la conception à la programmation en passant par la direction artistique.
- Lorsque l’on voit LavaLoop, et surtout après un premier aperçu sur le jeu, on pense très rapidement à Hi-Fi Rush qui rencontrerait Space Invaders. On sait que le deuxième fait partie des différentes inspirations que vous avez pu avoir, mais êtes-vous d’accord avec le premier ? Sinon, quels seraient les jeux et/ou les œuvres concernées ?
En fait, je ne suis pas joueur de jeu de rythme. Je voulais faire un shoot’em up et le côté rythme est venu petit à petit par la narration et mon goût pour la musique. Mon inspiration de ce côté-là est plutôt Crypt of the Necrodancer ,même si j’ai trouvé l’exigence rythmique trop pesante dans ce titre. Avec LavaLoop, j’essaye de faire du rythme un ingrédient parmi d’autres au service d’un gameplay original, qui ajoute du fun et du dynamisme.
- Il y aura trois héroïnes dans LavaLoop, dont Noë, que l’on a pu découvrir. Celles-ci disposeront toutes d’un gameplay distinct. De quelle nature sont ces particularités ?
Imaginer de nouveaux gameplay est ce qui me plaît le plus. Là, j’ai imaginé trois personnages qui auront trois façons différentes de se battre contre les mêmes vagues d’ennemis. C’est un petit défi de game design mais ça permettra de redécouvrir le jeu dans son entièreté comme dans un hack’n’slash qui proposent différentes classes de personnages.
En plus de Noë, qui dans la démo joue en rythme pour enchaîner les combos, il y aura Manita, qui ne se bat qu’au corps-à-corps et peut s’élever dans les airs pour faire des coups de pieds sautés, comme un personnage de beat’em all. Enfin, Léonie est inspirée des twin-stick shooter, elle pourra tirer dans toutes les directions et n’aura pas de contrainte rythmique, j’imagine un perso plus simple à prendre en main, mais tout ça est en phase de test, ça peut aussi bien évoluer ces prochains mois !
Une gamme de contenu pour débutants et virtuoses
- Vous avez parlé de compétences ou d’objets et, précédemment sur votre page Steam, vous mentionniez également des instruments, amplis et autres éléments permettant d’apporter des synergies variables. Auriez-vous quelques exemples à nous donner ?
On pourra par exemple activer de nouvelles compétences liées au rythme qui seront plus puissantes, mais rendront l’aspect jeu de rythme plus complexe. Ou renforcer la fréquence des power-up si on préfère le côté shooter. Je ne parlerais pas vraiment de synergie, mais plutôt de choix stratégiques en amont d’un run selon ses objectifs (rapidité, scoring) et ses affinités.
- Trois modes de difficultés seront prévus, pour contenter un maximum de joueuses et joueurs, allant de Promenade à Arcade. Vous dites que pour le mode Promenade, le rythme n’est pas pris en compte or les ennemis avec bouclier ne semblent pouvoir être défaits qu’avec l’usage du rythme. Pouvez-vous nous préciser les subtilités entre chaque mode ?
Le mode Promenade est vraiment là pour les personnes qui n’ont pas l’habitude de jouer, mais qui voudront découvrir l’histoire et les musiques du jeu. La quantité d’ennemis et la difficulté seront réduites au minimum. En effet, dans ce mode, certains ennemis doivent être détruits avec l’usage du rythme, mais ici tous les déplacements sont considérés comme en rythme – il suffit qu’ils soient suffisamment espacés dans le temps. Quant au mode arcade, ce sera un vrai défi à l’image des jeux de bornes d’arcade dont on ne finissait jamais le premier niveau ! Cela signifie un gameplay irréprochable qui met de côté tout sentiment d’injustice ou de frustration pour le joueur, et là, j’ai probablement encore du travail.
- En sachant qu’une durée de vie entre 5 et 10 heures est estimée, vous avez aussi prévu un mode Infini pour pousser le challenge à un cran supérieur. Développer un tel mode n’est-il pas un casse-tête au niveau de la lisibilité, à mesure que les ennemis s’ajoutent et compte tenu d’un affichage plutôt fourni via les tirs et explosions qu’offre le titre, rien qu’avec son premier chapitre ?
Très bonne question, la lisibilité est un des gros enjeux depuis le début du développement. Je ne peux en effet pas ajouter plus d’ennemis que ce que l’on voit dans le dernier tableau de la démo ! Mais beaucoup d’entre eux sont inoffensifs. Dans la suite du jeu, les ennemis auront plusieurs types d’attaque à connaître, et qui pourront se combiner dans un esprit bullet hell. La difficulté viendra aussi de pièges (rayons, piques) qui obligeront le joueur à se déplacer en permanence.
De l’importance d’une musique au service du style
- En tout les cas, la part belle est faite à l’esprit arcade, en témoigne le système de combo et de scoring. Est-ce d’ailleurs uniquement un indicateur ou vous comptez lier des récompenses et autres surprises lors de rang S par exemple ?
Oui ! Il y aura un système de récompense. La démo montre un chapitre avec la boucle de jeu très arcade que je recherchais. Mais je n’ai pas encore intégré la progression globale. Il y aura pas mal de compétences, d’objets, de niveaux à débloquer petit à petit grâce à ses exploits en jeu.
- La musique est évidemment au cœur du titre. Vous avez choisi Raphaël Joffres pour la composition, artiste que l’on a pu voir notamment sur Foretales. Pourquoi ce choix et comment s’est passé le rapprochement ?
J’avais des intentions mais pas de certitudes quant aux styles recherchés. Je voulais surtout quelqu’un qui comprenne l’univers et la vision artistique du projet mais, aussi, quelqu’un capable de créer un système de musique complexe. Car il ne s’agit pas d’une simple bande originale, c’est une musique évolutive qui se compose dynamiquement selon trois paramètres : la ligne de base et les ambiances sonores qui évoluent au fil des décors, des lignes rythmiques qui se lancent en fonction des types d’ennemis présents à l’écran, et la mélodie qui est créée par le joueur lorsqu’il se déplace en rythme.
J’ai rencontré Raphaël Joffres et ses collègues de Fractal Edge Music sur plusieurs salons. De fait, Raphaël, qui a récemment assuré le music design de Clair Obscur: Expedition 33, a fait un super boulot tant sur la composition que sur le moteur Wwise. Tout se synchronise, le moindre effet sonore tombe sur les temps de la musique. C’est un défi de rendre toutes les couches audibles entre musique, rhythmique des ennemis, et sfx nécessaires à la compréhension du shooter, et la démo fonctionne très bien. Raphaël a aussi fait appel à Romain Raynal pour le sound design, qui travaille sur la série The Green Room Experiment.
- On a pu noter des petites sonorités spéciales comme une note supplémentaire qui se joue quand le timing est parfait. On sait que ce sont les détails qui font la différence, alors y a-t-il d’autres petits indices ou subtilités sonores de ce genre ?
Alors c’est un des aspects qui me tient le plus à cœur. Je voudrais en effet que ce genre de détail définisse LavaLoop. L’idée est que le joueur soit comme un instrument soliste dans un morceau de jazz, qu’il improvise une mélodie chaque fois différente en fonction de ses déplacements et attaques. Les instruments utilisés pour cette mélodie vont varier selon l’ambiance musicale du niveau mais aussi selon le personnage choisi. Cela n’apporte rien au gameplay mais, je l’espère, sera un élément-clé, créatif et surprenant de l’expérience de jeu.
Dans la même idée, chaque ennemi possède sa partition rythmique. Et pour les boss les plus importants, qui seront seuls en scène, toutes leurs actions seront synchronisées avec une musique intense.
Une perceuse géante pour creuser notre réalité
- Outre l’emphase sur la musique, il y en a également une sur l’esthétique, et on sent d’ailleurs l’âme d’illustrateur qui s’exprime pleinement avec un aspect visuel très cartoon. Vous dites que Miyazaki et Jules Vernes vous ont inspiré. Racontez-nous un peu la partie visuelle de votre processus créatif de ce monde dystopique, et particulièrement l’idée de cette perceuse géante comme élément central.
Comme inspiration, je citerais également la BD Transperceneige (d’où est tiré le film SnowPiercer), un monde dystopique déjanté où le train est une allégorie de notre monde moderne. C’est la même idée pour la Perceuse : une ville-machine qui représente notre société de plus en plus informatisée, où les machines imposent leur rythme et puisent les ressources de la Planète.
Sur le processus créatif, je fais énormément de croquis de personnages, de décors, mais aussi de gameplay et de level design. J’alterne le dessin et la programmation pour que les deux s’imbriquent petit à petit. Je garde les bonnes idées, celles qui résonnent entre le jeu et la narration, pour trouver une cohérence entre le gameplay, la direction artistique et l’histoire racontée.
- Cette perceuse géante creuse donc le cœur de la Planète. Vous avez intégré dans le menu une jauge qui indique sa progression et descend peu à peu. Un Game Over arrive au bout de 0 ? Le jeu serait donc en quelque sorte soumis à un timer ? Comment comptez-vous mettre à l’œuvre ce système ?
Mon idée est d’imbriquer la narration dans le gameplay pour faire comprendre l’enjeu principal de l’histoire sans passer par de longues cinématiques : La technologie détruit la planète et il est urgent d’agir pour l’arrêter. De plus, beaucoup de jeux d’arcade ont ce système de timer avec des checkpoints pour limiter la durée des parties en salle d’arcade. Je trouvais ça intéressant d’avoir cette référence. À voir si cela ne sera pas trop frustrant pour les joueuses et joueurs.
- Et via l’image de cette fameuse perceuse, vous souhaitez faire de LavaLoop une fable écologique, qui fait évidemment écho avec notre monde, tout comme le fait que cet engin héberge aussi une société qui privilégie les riches par rapport aux autres. Pensez-vous que, derrière la frénésie de l’arcade, la portée du message puisse faire son chemin, ou le contexte scénaristique reste surtout une toile de fond ?
Très bonne question, la narration est très importante pour moi. Le gameplay et le fun priment, mais si je crée, c’est aussi pour raconter des histoires, faire passer des idées. Je pense d’abord faire passer beaucoup d’informations scénaristiques via les décors, les personnages et les mécaniques de jeu, sans faire de long dialogue. La « frénésie de l’arcade » colle au thème de l’accélération de nos vies par la technologie et le joueur découvrira l’univers et ses enjeux au fil de sa progression dans les chapitres. Je compte ensuite faire quelques séquences animées, dont un final surprenant qui viendra remettre le scénario au cœur du projet, comme j’avais essayé de le faire sur mon précédent jeu.
L’expression de sa passion, une affaire de famille
- Avant LavaLoop, il y avait donc Iris and the Giant. Un tout autre registre, vu qu’il s’agit d’un deckbuilder RPG roguelike, mais similaire dans cette envie de partir d’un principe très simple pour ensuite donner lieu à quelque chose de plus fourni. À quel point Iris and the Giant vous a apporté personnellement mais aussi pour aborder le développement de LavaLoop ?
Iris And The Giant a été une super expérience pour moi. Tout comme LavaLoop, c’est un projet-passion, sur lequel j’ai passé des années sans compter mes heures. Le plus difficile, surtout en solo, est d’arriver à arrêter des choix, et de mettre un point final au projet. On est toujours tenté de revenir en arrière, tester de nouvelles idées, car c’est ça qui fait le fun du développement. C’est vrai que sur Iris (et comme sur LavaLoop finalement) l’idée de départ était vraiment très simple et au fur et à mesure de la conception ça s’est beaucoup complexifié. J’essaye de ne jamais perdre de vue l’intention initiale pour garder un jeu accessible et facile à prendre en main.
- Pendant la conception du jeu, avez-vous vécu un événement amusant ou une histoire insolite que vous pourriez nous raconter ? Quelque chose qui vous a marqué ou une anecdote de développement sur le jeu ?
Mon fils de 6 ans me voit souvent en train de programmer, faire mes images sur Illustrator… il a été mon premier playtesteur, mais il a vite lâché la manette pour aller dessiner à son tour son propre jeu vidéo. Je n’ai pas résisté longtemps à l’envie de découper quelques-uns de ses dessins pour venir intégrer ses insectes aux crayons de couleur à la place des ennemis du jeu ! Qui sait, peut-être qu’un jour, je lui confierais tout le design d’un niveau secret de LavaLoop !
- Un dernier mot pour nos lectrices et lecteurs ?
D’abord, merci à ActuGaming et l’AG French Direct. N’hésitez pas à venir suivre le jeu sur Steam et Discord. J’aimerais petit à petit construire une communauté qui m’accompagne sur la suite du développement, m’aide à garder les meilleures idées, les pousser le plus loin possible et faire un bon jeu !
Le message est passé, vous êtes toutes et tous les bienvenus pour suivre le développement de ce très sympathique LavaLoop. Et on ne peut que vous encourager à vous intéresser à ce titre qui nous a beaucoup plus dans sa première approche, avec une vibe arcade effectivement bien ressentie et un principe de jeu très prometteur. Nous remercions chaudement Louis Rigaud pour avoir répondu à nos questions et nous lui souhaitons bon courage tout au long de la conception de son shooter rythmique que vous pouvez wishlister sur sa page Steam.