Outward 2 : On a pu essayer la suite du monde ouvert exigeant et atypique de Nine Dots Studio
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Rédigé par Quentin
Après le succès surprise d’Outward, le studio canadien Nine Dots voit plus grand pour Outward 2. Déjà à l’époque, son approche rafraichissante du RPG en monde ouvert avait conquis énormément d’aventuriers désireux de sortir des poncifs du genre. Bien qu’imparfait sur bon nombre de points, le titre nous avait conquis par son originalité et ses choix assumés. C’est donc avec une certaine ferveur que nous avons pu approcher la suite en compagnie du CEO de Nine Dot Studio : Guillaume Boucher-Vidal. En plus de notre session de jeu, nous avons pu lui poser un tas de questions sur ce que ce nouvel apporte à la licence. Voici tout ce qu’il faut savoir sur Outward 2.
Sommaire
ToggleOutward : l’anti-monde ouvert aseptisé qui a cartonné
En sortant Outward en 2019, le studio indépendant Nine Dots Studios visait 250 000 ventes sur la durée. Le mois de son lancement, le titre affichait déjà 400 000 exemplaires écoulés, et atteint aujourd’hui les 3 millions. Une prouesse pour un jeu indépendant qui ne coche absolument pas les cases habituelles du monde ouvert pensé pour toucher le public le plus large possible.
Ce qui a fait le succès d’Outward, c’est justement ce contre-pied aux open-world aseptisés, souvent symbolisé par les productions Ubisoft de l’époque (Assassin’s Creed, Far Cry…) qui abreuvaient ses productions de points d’intérêts, et de remplissage en tout genre. Un style alors largement repris par de nombreux éditeurs et studios.
Ce qui rend Nine Dots Studio unique dans l’industrie c’est cette approche artisanale avec cette envie de garder un savoir-faire spécifique à ce genre de production. À l’époque du premier Outward, l’équipe comptait environ 10 personnes. Pour Outward 2, ils sont désormais environ 20 nous confie Guillaume Boucher-Vidal. Il précise d’ailleurs qu’une équipe de 50 personnes serait normale pour un jeu comme Outward, ce qui signifie qu’ils restent encore sous-staffés.
Malgré l’énorme succès d’Outward, leur croissance est progressive et prudente, pas explosive. Même si le terme peut aujourd’hui sonner péjorativement en France, ils appliquent un véritable modèle « start-up ». Autrement dit, chaque nouveau département ou projet doit se débrouiller avec peu pour rester agile, éviter le gaspillage et trouver des solutions efficaces rapidement : « Accomplir plus avec moins ».
Outward 2 : une philosophie inchangée, mais une exécution totalement revue

Pour Nine Dots, Outward 2 n’a pas vocation à simplifier la formule. L’objectif est clair : préserver cette proposition atypique où le joueur n’est jamais un héros prédestiné, mais bien un citoyen ordinaire qui doit composer avec des moyens limités. Une philosophie qui lui donne toute sa saveur, mais qui ne lui permet pas d’être apprécié par tout le monde. Le studio veut néanmoins corriger les zones de friction du premier épisode, notamment sur le plan technique et sur certains systèmes jugés trop rigides.
Je veux refaire le niveau d’exécution, pas la proposition. Outward 2 ne cherche donc pas à devenir plus accessible, mais plus cohérent, plus immersif et plus agréable à pratiquer au quotidien, sans renier sa difficulté ni son approche réaliste.
L’une des grandes nouveautés d’Outward 2 est la possibilité de choisir trois lieux de départ, chacun dans une région différente du continent politique d’Horaï. Pour que ces débuts restent cohérents, Nine Dots a dû revoir entièrement l’équilibrage de la difficulté. Par exemple, les premières rencontres avec un ennemi dangereux seront encore plus intimidantes que dans le premier jeu. En revanche, les ennemis faibles deviennent plus abordables. Selon Guillaume Boucher-Vidal, chaque région propose ainsi une courbe de difficulté progressive tout en conservant cette pression propre à la série.
Ce choix des trois régions de départ vise avant tout à encourager la rejouabilité. Le studio assume pleinement qu’un bon RPG « doit fermer des portes » pour donner envie de recommencer. La licence conserve son approche « à l’ancienne » de la navigation, sans carte précise ni marqueurs. Pas question de trahir cet esprit, mais plutôt d’améliorer la lisibilité générale pour renforcer l’immersion et la cohérence visuelle.
Le passage à Unreal Engine : une transition difficile mais salutaire

Le studio ne cache pas que l’abandon de Unity pour l’Unreal Engine 5 a été une décision « très difficile ». Outre les polémiques autour de Unity, Nine Dots juge que le moteur ne tenait plus ses promesses techniques et ralentissait le développement. Le passage à Unreal représente un énorme défi étant donné que l’équipe avait dix ans d’expertise sur Unity et se retrouve désormais « néophyte » sur UE5.
Mais ce changement ouvre la porte à un rendu plus fin, des outils plus modernes et un monde plus vivant. Mieux encore, il s’agit d’un investissement durable pour l’avenir du studio :
Le prochain jeu après Outward 2 sera encore meilleur grâce à tout cet apprentissage
Ayant pu prendre en main une version du jeu encore en cours de développement, Outward 2 n’a visuellement pas à rougir malgré ce qui vient d’être évoqué. Il est vrai que les graphismes du premier opus figuraient parmi ses plus gros défauts, avec un rendu souvent pauvre et des décors assez vides, malgré quelques fulgurances esthétiques et une direction artistique marquée.
Le passage à l’Unreal Engine 5 fait ici un bien fou. Les environnements gagnent en détails, les jeux de lumière sont nettement plus prononcés, et les zones extérieures paraissent bien plus vivantes. On est loin de la claque graphique, mais le rendu est clairement plus acceptable pour une production actuelle par rapport au premier jeu. L’essentiel est aussi que cette suite conserve la patte artistique du premier jeu. Lorsque l’on évoque le moteur d’Epic Games, on pense généralement à certaines productions qui finissent par se ressembler visuellement, mais au premier coup d’œil, on reconnaît immédiatement le style Outward en plus abouti.
Pour être totalement transparent, il n’était même pas prévu que l’on puisse jouer directement au jeu. Pourtant, Guillaume Boucher-Vidal a eu la gentillesse de sortir un PC portable de sa sacoche pour nous lancer une version interne. Il s’agissait clairement d’une build de travail (non destinée à la presse) et, malgré les soucis évidents propres à un « work in progress », le RPG affiche déjà un rendu solide. Au passage, on apprécie ce niveau de transparence, devenu rare dans l’industrie. Chose que vous pouvez constater si vous traînez sur le discord du studio ou encore la chaîne Youtube qui propose parfois des compilations de bugs d’une version en cours de développement.
Une suite qui assume peaufiner et faire évoluer la formule

Si l’on reste dans l’univers d’Horaï, Outward 2 n’explore que de nouvelles régions, situées plus à l’est. Une fois l’avatar créé (avec choix de traits à la Fallout), nous sommes faussement accusés de meurtre, banni de notre village et contraint de survivre par nos propres moyens. C’était le seul des trois scénarios de départ proposés par Outward 2 lors de cette session, mais même si les autres conservent la même structure narrative, le résultat est déjà bien plus clair que dans le premier opus. Les débuts de l’aventure ont l’air bien moins rudes que précédemment.
Les équipes ont longuement travaillé sur l’un des reproches majeurs du premier épisode : son monde parfois trop vide. Le studio promet désormais une densité accrue, plus de points d’intérêt, davantage d’éléments interactifs et une meilleure mise en scène visuelle des paysages. L’objectif est simple, chaque panorama doit donner envie d’explorer.
Clairement, Outward 2 ne va pas bousculer les codes du premier opus, mais il vient aboutir la vision première des développeurs après un premier essai concluant. Il y a souvent deux écoles lorsque l’on évoque la suite d’un jeu. Soit il doit chambouler ses mécaniques et ses codes pour surprendre, soit il améliore drastiquement une formule en se basant sur les critiques du précédent. Nine Dots Studio a opté pour le second choix et on ne peut qu’être d’accord avec cette vision.
On avait appris beaucoup de choses en faisant Outward, mais c’était trop tard pour les mettre en application.
Pour autant, cela ne signifie pas que le titre restera figé. En témoigne le système de combat entièrement transformé. C’est l’un des plus grands chantiers de cette suite. Là où Outward imposait un rythme très délibéré, parfois rigide, Outward 2 mise sur un système bien plus réactif avec la possibilité d’annuler (cancel) les animations via blocage ou esquive. Pour contrebalancer ces changements en gardant cette sensation de danger et cette difficulté impitoyable, les ennemis sont plus rapides et agressifs. Pour l’avoir nous-mêmes essayé après un long moment sans avoir touché au premier, on peut vous dire qu’il ne fait aucun cadeau, mais offre un gameplay plus permissif.
En combat, tu peux changer d’idée très rapidement. Il est plus réaliste, plus immersif d’avoir cette opportunité d’annuler une action ou de faire autre chose.
Le studio veut que chaque combat soit à la fois plus fluide et plus punitif. Si le joueur échoue, ce sera davantage sa propre erreur que la faute du système. Vous n’êtes pas au bout de vos peines, car les célèbres “scénarios de mort” (dans Outward, mourir déclenchait un évènement aléatoire comme être sauvé par un PNJ ou être capturé par des bandits) de la licence seront de retour et encore plus appuyés. Le studio estime que le premier jeu était finalement « trop gentil » sur les pertes.
Bien loin de punir gratuitement le joueur, le studio souhaite avant tout renforcer le rôle-play, le danger, mais aussi les improvisations en plein voyage. La survie reste un pilier central dans cette suite, et cela exige une gestion permanente de la faim, de la soif et de la fatigue. Outward 2 introduit ainsi un tas de nouveautés qui vont renforcer le réalisme de cette aventure atypique. Par exemple, nous aurons :
- De la confiscation d’objets
- La possibilité de retrouver un bandit équipé de notre propre matériel
- Un système de blessures persistantes (entorse, commotion, poignet foulé…),
- Des restrictions réelles selon l’état du personnage (impossible d’utiliser une arme à deux mains avec un poignet blessé).
Coopération et Outward 2 sur Switch 2 : des ambitions mesurées

Bien entendu, Outward 2 reprend sa coopération à deux joueurs en local largement plébiscitée par les fans. Pour cette suite, la coop reste basée sur le même modèle que le premier Outward. Nous avons un joueur hôte et un joueur invité. Malgré tout, quelques critiques étaient adressées à ce système, notamment que le second joueur n’avait pas accès aux mêmes récompenses que le joueur hôte.
Guillaume Boucher-Vidal nous explique qu’il existe deux façons de jouer en coop : amener son personnage dans la partie d’autres joueurs (coop “nomade”) ou vivre une aventure fixe à deux sur une seule sauvegarde. Il affirme ne pas pouvoir satisfaire pleinement ces deux philosophies en même temps. Néanmoins, le studio a décidé de modifier la nature des récompenses. Il y aura ainsi beaucoup moins de récompenses liées aux aptitudes du personnage et plus de récompenses sous forme d’objets, ce qui facilite le partage entre les deux compagnons. Encore une fois, la rejouabilité est cœur de la vision des développeurs. La coop reste donc un système pensé pour soutenir la multiplicité des runs, plutôt qu’une aventure parfaitement égalitaire entre les deux joueurs.
Nous avons également posé la question concernant le crossplay sur Outward 2. Le studio voudrait inclure le cross-play, mais ils insistent sur les contraintes techniques que cela posent à une si petite équipe.
Il faut qu’on détermine exactement sur quelles consoles nous allons aller. Je ne suis pas prêt à se prononcer là-dessus et c’est vraiment pour cause d’incertitude en ce moment. Mais est-ce que c’est souhaitable ? Oui.
Nous avons également demandé si la Switch 2 était une option envisageable pour Outward 2. Le studio regarde la Switch 2 d’un œil intéressé, car techniquement, elle semble proche de la configuration minimum PC visée. Toutefois, Nine Dots tempère pour plusieurs raisons. Premièrement, la version Switch du premier Outward s’est mal vendue, notamment en raison du rendu visuel qui n’était pas satisfaisant. De ce fait, leur décision dépendra en grande partie de la collaboration avec Nintendo et de la capacité à reproduire l’expérience sans compromis.
Si on sent qu’on ne peut pas livrer l’expérience voulue, on préfère ne pas sortir le jeu sur cette console.
Avec Outward 2, Nine Dots ne cherche pas à révolutionner sa formule, mais à la sublimer. Le studio canadien capitalise sur tout ce qu’il a appris ces dernières années pour offrir une suite plus cohérente, plus immersive et nettement mieux maîtrisée techniquement, sans renier l’ADN qui a fait le succès du premier épisode. En assumant une approche toujours aussi exigeante, artisanale et farouchement indépendante, Guillaume Boucher-Vidal et son équipe entendent livrer un RPG à part, fidèle à ses convictions et affûté dans son exécution. On vous avoue que, sans être posé calmement chez soi, Outward 2 est difficile à jauger de but en blanc, surtout en ce qui concerne le système de combat qu’il va falloir bien décortiquer lors du test. Mais, si toutes les promesses entrevues se confirment, Outward 2 pourrait bien devenir l’aboutissement de la vision initiale du studio et c’est tout ce que l’on espère.




