Cathares 1198 – Présentation et avis sur le roman de chez Bragelonne
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Rédigé par Nathan Champion
Si vous suivez ne serait-ce qu’occasionnellement notre chronique dédiée à la littérature, et plus généralement aux livres, alors vous n’êtes pas sans savoir que nous traitons globalement des ouvrages plutôt grands public, ou bien sur la culture pop et le jeu vidéo à l’image du roman Miles Morales. Un parti pris qui découle de la nature même de ActuGaming, il va sans dire. Mais, pour cette édition, laissez nous sortir quelque peu des sentiers battus, afin de vous parler exceptionnellement d’un roman historique, traitant de l’une des heures les plus sombres de l’histoire de France.
Cathares 1198, roman de Olivier Taveau, s’inscrit à une époque sanglante où l’église part à la chasse aux hérétiques. Un terme qui désigne alors quiconque ayant une façon de penser la religion, de s’adresser à Dieu, qui ne soit pas exactement celle dispensée par Rome. Permettez-nous de vous mettre en garde en préambule, il s’agit d’un ouvrage qui romance évidemment l’histoire, mais n’en oublie pas d’être destiné à un public adulte, plus à même de comprendre les rapports de force et les références véridiques. Vous voilà prévenus !
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ToggleUne volonté louable
Qu’elles peuvent paraître loin, une fois sorti du cadre scolaire, ces nombreuses heures passées à apprendre l’histoire avec un grand H, assis en salle de classe. Pas toujours captivante, c’est vrai, et pourtant d’aucun dirait que celle de France revêt un intérêt tout particulier, dépassant d’une certaine façon les événements sanglants d’un Game of Thrones. Alors c’est un peu exagéré dit comme ça, mais quiconque connaît bien l’histoire du pays, et celle de l’Europe en général d’ailleurs, saura de quoi nous parlons : le sang a littéralement bâti la civilisation telle qu’on la connaît ! Et il est vrai que n’importe qui se penchant assez longtemps sur cette même histoire finira par voir une véritable saga littéraire captivante au travers de ces jeux d’influence et de ces têtes coupées.
À première vue, rien ne prédisposait Olivier Taveau à s’engager sur la voie du roman historique. Son premier ouvrage, Les Âmes Troubles, paru en 2015, lorgne plutôt du coté du thriller. Réussi, il remporte d’ailleurs le prix du premier roman au festival de Beaune. Une belle incursion dans le milieu de la littérature pour l’auteur, qui remet le couvert en 2017 avec Depuis L’Abîme, toujours dans le même genre, mettant l’accent encore un peu plus sur le suspens. Après ces deux succès critiques, Olivier Taveau a visiblement eu envie de changer un peu d’air. C’est ainsi que, cette année, il accouchait de Cathares 1198, aux éditions Bragelonne, un roman qui conserve la dimension sanglante et le suspens de ses précédents, mais dont le dénouement est toutefois connu à l’avance d’une certaine façon !
Qu’on se le dise, au-delà du fait qu’il s’agisse d’un roman historique ce qui, par nature, le place dans une position toute particulière, Cathares 1198 ne traite pas non plus d’une période de l’histoire aisée à entendre. Tout comme elle n’est pas facile à écrire d’ailleurs ! Ainsi, nous vous le disions plus haut, celui-ci s’adresse avant toute chose à un public adulte, mais aussi désireux d’en apprendre plus sur la période sanglante que nos manuels d’histoire nomment l’Inquisition. Ce dernier point n’est évidemment pas un prérequis, puisqu’il s’agit malgré tout d’un roman ; mais il est vrai qu’avec son contexte et tout ce qu’il contient de fascinant, Cathares 1198 semble bel et bien pensé pour apprendre quelque chose au lecteur, plutôt que pour être vu comme simple divertissement.
XIIIème siècle, l’Église se sent menacée
Si Cathares 1198 revient plusieurs siècles en arrière en préambule, débutant son récit en l’an 846, ce n’est que pour mieux prendre son envol par la suite. En effet, le cœur de l’histoire se déroulera plutôt au XIIIème siècle. Cela fait alors plusieurs décennies que différents dogmes s’étendent en France, défiant par leur existence seule le tout puissant pouvoir de l’Église. Pour son roman, Olivier Taveau a choisi d’écarter tous ces courants de pensée au profit des Cathares. Une communauté alors bien en place, qui dispense un enseignement de la foi très différent de Rome, mais aussi qui ne contribue pas à la richesse de cette dernière.
Nous y suivons en premier lieu Guilhabert de Castres, un Parfait chez les Cathares. Comprenez qu’il travaille à dispenser la parole de son ordre, mais se contraint aussi à une vie saine et pure. D’où le nom de Parfait, vous l’aurez compris. Notez que ce personnage, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, a réellement existé. Bien sûr, l’auteur romance énormément autour de ces différentes têtes marquantes de l’histoire. Mais il est intéressant de constater que, dans les grandes lignes, il ne s’écarte que peu, ou pas, des événements ayant vraiment eu lieu au cours de ces décennies sombres qu’a connu la France. Mais nous digressons !
Outre Guilhabert de Castres, que nous suivrons tout au long du roman et qui devra participer à l’organisation de son ordre au cours de la croisade lancée par l’Église au début du XIIIème siècle, plusieurs autres protagonistes historiques sont à noter. Bien sûr, difficile de parler de la politique religieuse à cette époque sans évoquer le Pape alors en place. Un certain Innocent III, que les historiens connaissent pour avoir lancé plusieurs croisades… notamment une en France contre les dogmes différents de la pensée de l’Église évidemment. Mais surtout, un pape qu’on nous décrit comme étant arrivé au sommet de la pyramide grâce à des pots de vin et autres jeux d’influence…
Nous suivrons enfin plusieurs personnalités religieuses, parties en France pour ordonner les affaires de Rome, en préparant le terrain pour l’Inquisition, mais aussi plusieurs têtes politiques importantes, notamment Raimon VI de Toulouse. Pour ce qui est du reste des personnages, une grosse partie est inventée pour permettre une consistance au récit. Nous vous laisserons les découvrir par vous-même. Sachez en tout les cas que les petites gens dont nous parle le récit baignent dans une vie peu enviable, souvent dans des cahutes médiocres, où la maladie semble omniprésente, au même titre que le froid.
Avant toute chose, il convient de saluer le travail de recherche qu’a effectué l’auteur. Non content d’ancrer son roman dans une époque sur laquelle la documentation n’est pas évidente, il a en plus été dénicher certaines personnalités pas toujours très connues, sur lesquelles nous apprenons beaucoup au cours de ces quelques 330 pages. D’ailleurs, comme pour Richard Morgan avec Market Forces, dont nous parlions récemment, Olivier Taveau nous laisse de nombreuses pistes en fin de lecture pour étendre la recherche, nous faire une idée plus précise des différents événements de l’époque, ou juste pour comparer entre sa version et les faits décrits objectivement.
L’auteur pousse le vice de la fidélité à l’époque jusque dans ses dialogues, aux tournures alambiquées et au vocabulaire très soutenu. Un fait supplémentaire qui écartera les plus jeunes évidemment. Ce que l’on retient une fois avoir fermé le livre, c’est avant tout le pouvoir de l’église à cette époque, que l’on ne soupçonnerait guère sans avoir ouvert un livre d’histoire décrivant cette période. Il est sidérant de lire tous ces jeux de pouvoirs, et de constater qu’ils ne sont pas juste là pour offrir du suspens et de la consistance au récit. Et il faut bien avouer que malgré ce caractère historique, Cathares 1198 a quelque chose de fascinant.
Le style de l’auteur y contribue beaucoup. Assez aéré, d’une certaine façon, Olivier Taveau ne décrit que ce qui doit l’être, ne se répandant pas en explications inutiles. Ce qui peut parfois être handicapant pour la compréhension globale, il est vrai. Cela étant, c’est un gros plus pour les nombreux dialogues, qui vont chaque fois à l’essentiel, et dont aucune parole ne semble laissée au hasard. Enfin, il va sans dire que si vous êtes allergique aux termes, alors vous pouvez passer votre chemin les yeux fermés, puisqu’en plus de son contexte même, Cathares 1198 va jusqu’à faire référence à des passages de la bible au début de chaque chapitre.
Faut-il craquer pour Cathares 1198 ?
Chroniquer un roman historique tel que Cathares 1198 n’est pas un exercice aisé. Dans les faits, ne connaissant pas ou peu la période décrite, on sort grandi de cette lecture fascinante par bien des égards. Cela étant, son contexte et son mode de progression lui confèrent une certaine austérité qui ne s’estompe guère à mesure que l’on progresse dans le récit. Ainsi, et cela semble assez évident étant donné son genre singulier, ce roman est à conseiller avant toute chose aux lecteurs adultes, et de préférence véritablement intéressés par l’histoire avec un grand H.
Acheter Cathares 1198 sur AmazonEnfin, son contexte peut aussi avoir quelque chose de séduisant pour quiconque apprécie les récits se déroulant sur ces époques lointaines, ou est intéressé par l’histoire de l’Église. Le résultat n’est pas spectaculaire, mais reste malgré tout captivant pour peu que l’on rentre dans son récit, et ses personnages sont bien écrits, à défaut de véhiculer des émotions. Bref, une lecture mature, pas forcément très accessible, qui porte un regard intéressant sur une période tout aussi fascinante de l’histoire, et c’est déjà pas mal !
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