Pourquoi on aimerait un retour de Marc Ecko’s Getting Up ?
Publié le :
1 commentaire
Rédigé par Neomantis Dee
Adepte de peinture murale réalisée à la bombe, bienvenue à New Radius. Aujourd’hui pas de rollers, nous attendrons le reboot annoncé de Jet Set Radio pour cela, mais du graffiti et une ambiance hip-hop pour un retour au début des années 2000, quand les graffeurs s’apparentaient à des artistes ninjas errant dans l’ombre, prêts à investir toute paroi s’y prêtant bien. Marc Ecko’s Getting Up : Contents Under Pressure, est un projet imaginé par l’artiste Marc Ecko et développé par le studio The Collective, connu pour les adaptations vidéoludiques Men In Black The Game, Star Wars épisode III ou encore Da Vinci Code, ce qui parlera aux plus anciens d’entre nous. Si le soft était édité par Atari Inc lors de sa parution en 2006 sur PC, Xbox et PS2, avant de venir taguer sur mobile, Devolver a depuis récupéré la propriété, rééditant le jeu fin 2013 sur Steam.
Sommaire
ToggleReady to Graff
Peu connu à l’époque, aujourd’hui encore moins, qui plus est au vu de l’évolution du milieu hip-hop dans sa globalité, Marc Ecko’s Getting Up était un jeu sorti de nulle part, mais qui avait su faire bonne impression à celles et ceux ayant eu l’occasion de s’y essayer. Car ce n’était pas juste une œuvre totalement ancrée dans son époque, et dans un mouvement artistique atypique, c’était aussi un jeu vidéo qui, à l’instar d’un Tony Hawk pour le skate, parvenait à capter l’essence d’un monde, d‘une culture, tout en parvenant à cohabiter avec un gamedesign en adéquation avec son sujet.
Alors attention, on n’atteint pas ici la maîtrise ludique d’une licence comme celle du plus célèbre des faucons, la cause principale étant les affrontements présents dans Getting Up. Plus les années passent, et plus les combats paraissent ratés, sachant qu’à l’époque ce n’était déjà pas mémorable. En revanche, concernant sa structure, son level design et, globalement, son gamedesign, le jeu force tout de même le respect à plus d’un titre.
Si le gameplay va tourner autour des combats et surtout du graff, le soft sait comment renouveler les situations, sur le graffiti précisément, exploitant intelligemment toutes les facettes de cet art. Taguer sur des hauteurs impossibles de buildings ou les parois latérales d’un métro lancé à pleine vitesse, il y a de quoi jouer les Banksy aux quatre coins de la ville de New Radius, et on le vit avec un certain plaisir. D’autant que notre protagoniste n’est pas loin de l’aisance athlétique du prince de Perse.
Un plaisir indéniable nous parcourt tandis que nous appréhendons les environnements, et ce avec toute la verticalité attendue dans un titre de la trempe de Marc Ecko’s Getting Up. Ce sentiment agréable manette en mains existe aussi grâce au level design, bien pensé, et clairement embelli par la direction artistique du soft. Bien que l’on traverse plusieurs niveaux segmentés, les zones sont parfois suffisamment grandes et, le plus souvent, agencées de manière tellement organique qu’on croirait se balader sur une map bien plus ouverte qu’elle ne l’est véritablement.
Tag on Earth
Une ville vivante de par un souci du détail efficace, de surcroît avec des graphismes satisfaisants et un casting de doubleurs, doubleuses de bonne facture. Ainsi, dans les rues jalonnant Getting Up nous pouvons croiser la route de Shepard Fayrey, alias Obey, Futura, profiter des voix reconnaissables d’un Talib Kweli, un P.Diddy ou bien Rosario Dawson, Brittany Murphy et RZA, parmi d’autres. Du beau monde venu crédibiliser le soft imaginé par l’artiste Marc Ecko lui-même.
La bande son ne va pas démériter non plus, loin de là, avec des morceaux hip-hop dans la pure veine du boom bap des années 90 et du début des années 2000. On sera peu surpris d’entendre des musiques emblématiques qui n’auraient pas dépareillé dans un titre comme Def Jam : Fight for NY. Mais vous entendrez également de la soul avec Isaac Hayes par exemple, au milieu de morceau comme Shook Ones de Mobb Deep ou encore Helicopter de Bloc Party, pour n’en citer qu’une petite fraction…
Du grand art à n’en pas douter, de quoi se refaire une petite culture musicale en jouant à Marc Ecko’s Getting Up, et de rester abreuvé des mélodies les plus appropriées pour venir graffer au nez et à la barbe des forces de l’ordre et autres agents de nettoyage. Le soft nous embarque d’ailleurs dans un récit qui a le mérite d’être sympa à suivre, en particulier grâce à l’apport de cinématiques à la mise en scène réfléchie. Il faut voir cette introduction stylée sur les premières secondes de jeu.
De quoi mettre à l’amende des softs bien plus récents aussi. Et puis, plus que les qualités d’écriture, c’est le contexte autoritaire qui résonne. Parce que, rappelons-le, mais dans les années 90 et au début de la décennie 2000, le graffiti était encore très mal vu, clairement pas considéré à sa juste valeur. Les artistes de rue n’étaient souvent que des vandales aux yeux du commun des mortels et, surtout, des sociétés et de leurs élites.
Capital Punishment
De nos jours, le sujet ne pourrait pas se vanter d’avoir un poids suffisant et de mettre le doigt sur un réel problème de société. Sauf qu’en 2006, quand Marc Ecko’s Getting Up vit le jour, c’était tout autre. Encore une fois, nous pourrions faire un parallèle avec la franchise chapeautée par Tony Hawk et le porte étendard indéniable qu’elle fut dans ses premières années, quand le skateboard n’avait pas encore touché le monde entier et qu’imaginer ce sport au J.O relevait de la folie.
Getting Up n’aura clairement pas cet impact, la faute à une visibilité moindre, cependant il y avait là ce qu’il faut pour. Par ailleurs, notons que le souci de contexte narratif et de crédibilité de l’univers fictif dépeint a récemment amené l’idée d’un film. En effet, un pilote sous forme de court métrage promotionnel existe, destiné à convaincre pour la réalisation d’un film pour le grand écran.
Globalement les retours critiques n’étaient pas mauvais. Et si le jeu n’est pas exempt de défaut, précisément sur toute la composante combat du titre, la passion et la sincérité qui en émanent, couplées à la multitude de bonnes idées qui traversent l’expérience, font de Marck Ecko’s Getting Up un jeu qui ne s’oublie pas si facilement. Typiquement une œuvre méritoire , dont la seconde chance afin de corriger les approximations fait sens.
Bien qu’une suite fut envisagée et mentionnée en 2013 sur le compte twitter (X) de Marc Ecko, l’artiste, rien ne fut concrétisé. Le projet de film, réapparut dans une publication Instagram du graffeur, semble encore d’actualité et, Ecko, n’a pas manqué de rappeler qu’il espérait toujours une suite à Getting Up. Pourtant, du fait du discours moins actuel, d’un hip-hop bien loin de ses racines, il paraît complexe de revoir l’œuvre sans qu’elle perde de sa superbe.
Pourquoi un retour ?
Évitons les jugements de valeur, mais imaginer perdre Rakim et Pharaohe Monch au profit d’artistes musicaux plus récents à l’instar de Drake ferait terriblement mal aux oreilles, autant qu’à la légitimité et à la pertinence de cet univers, de cette culture. Et ce n’est pas tant par une remise en question des talents musicaux, c’est un autre débat, que par rapport à l’évolution de la scène, dorénavant majoritairement orientée vers d’autres considérations et avec un état d’esprit, une âme hip-hop, considérablement dilué. Bonne ou mauvaise chose, ce n’est pas la question.
La licence doit revenir, pas parce qu’elle n’est plus accessible, mais bien pour se refaire une jeunesse, pour nous permettre de rêver une fois de plus, mais dans les proportions attendues aujourd’hui. Et avant d’envisager une suite, j’estime que le jeu doit d’abord réinvestir nos salons via un remake capable de faire honneur aux visuels, mais aussi et surtout, dans le but de recalibrer l’expérience de jeu et les combats pour ne pas faire fuir le public logiquement habitué à certains standards.
Les fans de cet art de rue pourront sans doute prendre sur eux et ainsi profiter de Marc Ecko’s Getting Up, néanmoins, les nombreuses qualités du soft sont, selon moi, suffisantes pour toucher un nouveau public et mettre en avant tout un pan de culture urbaine qui, quoi qu’on en dise, réapparaît ci et là, subtilement, à l’image de la dernière itération des Tortues Ninja au cinéma, sans parler de l’oscarisé Spider-Man: Into the Spider-Verse.
Cet article peut contenir des liens affiliés