Ce qui était hier une catégorie si niche qu’elle n’était véritablement représentée que par une minuscule poignées de titres, parmi lesquels l’histoire ne retiendra vraiment que Harvest Moon, a fini par devenir un véritable genre à part entière, aux côtés des jeux de course ou de combat par exemple. La simulation agricole a même étendu son lectorat, en passant des expériences douces et colorées à quelque chose de beaucoup plus concret, brut, avec le rouleau compresseur commercial qu’est Farming Simulator.
Aujourd’hui, toutefois, c’est bien d’un jeu coloré et, d’une certaine manière, doux, que nous allons parler. Super Farming Boy, jeu mobile payant faisant la transition vers le PC, a tout, à première vue du moins, du Harvest Moon-like auquel les joueurs d’expériences relaxantes sont habitués. Toutefois, il peut se targuer d’une autre composante, tout aussi importante que l’ensemencement et la récolte : la réflexion. Un programme qui ne nous a pas laissé de marbre, malgré quelques lacunes qu’on devine héritées de son format initial.
Conditions de test : Nous avons passé environ 18h sur la version Steam du jeu, ce qui nous a permis de boucler une très grosse partie de son contenu. Le jeu le recommandant dès le lancement, nous avons joué exclusivement à la manette Xbox.
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ToggleHarvest Moon au rabais ?
Les premiers instants passés sur Super Farming Boy sont un brin déroutants. Notre petit héros, un jeune garçon dont l’activité principale, hormis dormir, semble visiblement être l’agriculture, possède toute une myriade de capacités que l’on découvre très vite. Capacités qui nous seront toutes enlevées par un étrange et mystérieux être nuageux, symbolisant le grand patronat, le capitalisme régressif et d’une manière générale le rouleau compresseur pécuniaire s’en prenant aux agriculteurs de tous bords. Une velléité politique qui disparaît avant d’avoir délivré le moindre message.
Et quelque part, c’est tant mieux, parce que Super Farming Boy ne semble pas destiné à faire réfléchir à l’aide de son propos, que l’on qualifiera volontiers de prétexte sans grand intérêt. Ici d’ailleurs, pas de fil rouge autre que la récupération de nos pouvoirs, qu’il faudra payer, et le rachat de notre petite maman, elle aussi emportée par l’étrange nuage anthropomorphe cité précédemment. En dehors de cela, pas la moindre bribe d’histoire, pas le moindre pote nous rendant visite pour nous redonner le sourire et pas la moindre intrigue amoureuse à lier, contrairement à la grande majorité des simulations agricoles colorées.
Un mal pour un bien, puisque Super Farming Boy se concentre finalement sur l’essentiel de sa proposition, comme le laissait assez clairement présager son statut originel de jeu mobile premium vendu moins de dix euros. Statut qui ne l’empêche pas de briller sur des points où on ne l’attendait pas vraiment, d’ailleurs. À commencer par la réalisation graphique qui, bien que souffrant sur notre petite configuration de quelques ralentissements parfois agaçants, surtout en début de journée (rappelons que nous avons joué à une version encore en développement), bénéficie d’un aspect plutôt agréable à l’œil et d’animations surprenantes. La bande son nous a aussi tapé dans l’oreille, au point qu’on en sifflote encore quelques airs.
Astral réactions en chaîne
Comme tout Harvest Moon, Rune Factory ou Stardew Valley qui se respecte, Super Farming Boy découpe son année en quatre saisons bien distinctes, qui ne permettront pas de faire pousser les mêmes produits. Si l’on commence par un genre de printemps très classique, ne laissant rien présager de bien original pour la suite à ce niveau, il faut reconnaître que les trois suivantes sont beaucoup moins conventionnelles et ont le bon goût de modifier en profondeur l’aspect de notre champ, mais aussi des décors alentours. Le plaisir de la découverte est assez intense en premier lieu.
Pourtant, à première vue, nous sommes sur quelque chose d’extrêmement classique : il va falloir arroser, arracher et planter différents légumes ou fruits et bien sûr se débarrasser des mauvaises herbes, bûches et autres rochers qui encombrent notre parcelle. Tout ce que l’on a déjà pu faire en boucle dans la majeure partie des jeux du genre, en somme. La grosse subtilité, c’est qu’ici, il sera question de combos à réaliser pour récolter plus efficacement et plus que prévu, afin de faire toujours plus d’argent, d’être toujours plus rentable. Et à ce niveau, Super Farming Boy fait assez fort.
Ces combos, ils dépendent intégralement des produits que l’on fait pousser. Dans un premier temps, le jeu nous propose des légumes simples, qui viendront taper les cases les touchant directement lorsqu’on les arrachera. Le maïs, par exemple, tape la case directement à sa droite lorsqu’on le récolte, ce qui a pour effet de récolter ce qui se trouve sur ladite case. Ainsi, faire une ligne de 10 pieds de maïs, c’est s’assurer qu’il ne faudra pas appuyer plus d’une fois sur la touche servant à récolter pour tout faire rentrer dans notre sac en une fois.
L’autre avantage, c’est que les combos remplissent une jauge dédiée, qui permettra, une fois par jour, de déclencher un état de surpuissance un peu particulier, faisant repousser quasi-instantanément tout fruit ou légume récolté. Ainsi, pendant quelques secondes on ramasse en boucle des quantités ahurissantes de produits, histoire de faire gonfler la quantité de piécettes qui nous seront redistribuées en fin de journée. Une mécanique extrêmement jouissive, qui demande elle-aussi un brin de réflexion pour être le plus efficace possible.
Très vite, cela se complique, avec des légumes et des fruits qui vont avoir des patterns beaucoup moins intuitifs, venant taper des cases éloignées. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est pas nécessaire de rentrer dans une intense réflexion pour prendre du plaisir, même s’il est vrai qu’on perd vite pied quand il s’agit de faire des combos efficaces. Mais ceux qui ont poncé d’autres titres du genre à la recherche de productivité et de rendement, ceux-là même qui avançaient l’heure sur leur Nintendo DS pour tricher dans Animal Crossing, ne risquent que de prendre leur pied. Pour les autres, il reste quelques végétaux assez originaux, comme ceux qui dispersent des semences lorsqu’on les arrache.
À la recherche du temps perdu
Dommage qu’à côté de cela, le titre soit un peu moins efficace quand il s’agit de maniabilité et de gameplay. Une seule touche permettra d’arroser nos plantations, récolter les fruits et légumes sur notre passage et récupérer les différents items précieux jonchant le sol. Or, on comprend vite que, comme souvent dans ce genre de productions, notre pire ennemi n’est ni l’adversité, ni le temps, mais bien l’endurance de notre personnage. Une ressource qu’il est bien sûr possible de faire grandir, ou de contrer en achetant des consommables (au tarif raisonnable), mais qui agace un peu dans un premier temps pour la rapidité à laquelle elle s’évapore. Surtout couplée à un manque de précision dans les actions, qui pousse souvent à perdre de l’endurance bêtement.
Rien de dramatique, bien sûr, et Super Farming Boy est loin d’être le premier simulateur agricole à souffrir du même problème, que les fans du genre ont certainement fini par intégrer comme une composante nécessaire. Toutefois, ceci couplé à un vrai manque de précision dans les contrôles, surtout quand il s’agit de planter nos fruits et légumes (ne pouvant pas être arrachés pour être replantés plus loin), finit par faire souffler du nez par moments. C’est peut-être le problème du jeu à la manette, et on ne doute pas que sur un écran tactile de smartphone, c’était moins agaçant. Mais il aurait peut-être été bon de revoir certaines mécaniques pour ce portage, justement.
À côté de cela, Super Farming Boy ne souffre finalement que d’un brin de manque de profondeur. Manque qui n’est pas gênant en tant que tel, mais que le titre semble vouloir combler en axant un peu trop son expérience autour du grind, ou en proposant des mécaniques parfois un peu trop chronophages. On pense par exemple à ces rochers qui nécessitent plus de 20 coups de marteau pour être détruits, ce qui prend un temps fou. Or, comme on ne contrôle pas leur apparition sur notre parcelle, et qu’ils ont la fâcheuse tendance à prendre beaucoup de place, ça peut devenir ennuyeux sur le long terme.
Nous n’aurions pas été contre des saisons un peu plus longues aussi, parce que 15 jours ça passe à une vitesse folle, et ce n’est pas évident de mettre en place des stratégies sur une période aussi courte. Toutefois il faut reconnaître que cela ajoute un certain sentiment d’urgence à la recette, qui n’est pas pour nous déplaire, et qui colle finalement assez bien au contexte de Super Farming Boy. Et puis, au moins, on tient pour une fois un titre du genre plutôt coriace.
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