Lorsqu’il s’agit d’adapter des licences super héroïques de son catalogue au cinéma, l’écurie Marvel a le don de faire n’importe quoi, de donner des projets à quarante scénaristes, à des équipes techniques dépassées par des directives douteuses, tandis que des réalisateurs dits « mercenaires » sont engagés pour faire, tout simplement. Sans expression créative. En revanche, lorsqu’il s’agit de s’aventurer dans le domaine vidéoludique, les tentatives sont déjà plus appréciables, et respectables. La collaboration de longue date avec Capcom pour produire des jeux de combat en témoigne. Et si l’on attend patiemment de voir ce qu’il en sera avec Marvel Tokon courant 2026, terminons l’année sans prise de tête avec un beat ’em up 2D qui mise fort sur la nostalgie des 90’s : Marvel Cosmic Invasion. Sachez qu’une édition physique Deluxe est prévue, avec son lot de cadeaux, mais il faudra patienter plusieurs mois.
Condition de test : nous avons joué 10 heures, le temps de terminer l’aventure, de tester l’ensemble du casting et d’essayer des parties en mode arcade avec modificateurs.
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Dotemu laissant la réalisation à l’acolyte Tribute Games, ce Marvel Cosmic Invasion va logiquement tendre vers ce que les équipes ont fait dans le réussi Teenage Mutant Ninja Turtles : Shredder’s Revenge. Autant le dire, les défauts comme les qualités sont plus ou moins les mêmes. Plus ou moins, car les expériences divergent sensiblement : de par leurs univers respectifs déjà, mais aussi dans le gameplay. En effet, cela ne vous aura pas échappé à la vue des trailers, plus que dans TMNT, le nouveau jeu de Tribute et Dotemu vise à mettre en avant l’esprit d’équipe. De la coopération jusqu’à 4, rien de nouveau, mais où chaque joueur choisit deux personnages – et peut s’incruster dans la partie n’importe quand, puis repartir aussitôt, un peu à la manière d’un héros qui passait par là.
Nous pouvons switcher à la volée en plein combat, mais aussi utiliser son partenaire comme un assist de jeu de combat afin d’étendre ses combos, de gérer la foule, car le gameplay se focalise là-dessus : la gestion de foule. Une véritable synergie apparaît en jeu, mais, aussi, une cohérence narrative. À l’instar de Marvel Tokon prévu – misant sur des affrontements par équipes – le beat’em up de Tribute Games s’inscrit dans cette vision. S’il existe des aventures solo, personne n’ignore, à fortiori avec les adaptations Marvel au cinéma, entre autres, que les super-héros de l’écurie travaillent souvent par équipe. C’est cohérent avec le récit proposé et repris de l’intrigue du comics Annihilation (2006). Une narration sans ambition particulière mais qui sert de transition entre deux stages.
Comme dit, les développeurs souhaitaient mettre l’accent sur la gestion de foule plus que sur du un contre un, comme c’est souvent le cas dans le genre. Marvel Cosmic Invasion est un jeu bourrin et généreux visuellement. Au même titre que TMNT : Shredder’s Revenge, l’expérience est pensée pour renouer avec l’essence des comics et des jeux d’arcade Marvel des années 90. Non pas pour transcender l’approche comme l’a tenté Dotemu en développant SOR 4 par exemple. Non, l’idée ici reste la même que pour TMNT. Toucher des adultes nostalgiques et, pour certains, maintenant devenus parents, qui pourraient voir dans le jeu de Tribute Games une excellente manière de partager avec sa progéniture.
Les années 90 étaient le berceau de l’expérimentation, les technologies évoluaient rapidement, en particulier l’arcade. La notion du temps n’était pas la même, les jeux étaient moins complexes, moins longs à développer, etc. La décennie était aussi marquée par un chaos ambiant, un constat que l’humanité arrivait peut-être au bout de quelque chose, artistiquement du moins. Cela se ressentait au cinéma et dans le comics (débuté dans les années 80 pour le comics). Le changement de design de Spidey par Todd McFarlane (qui opta pour une approche plus animale) est un bon exemple. Le monsieur a par ailleurs grandement contribué à faire de Venom ce qu’il est, en plus d’avoir fait trembler l’industrie en fondant Image Comics et en lacérant la concurrence avec la publication de Spawn dès 1992.
L’Escouade Infernale

Une décennie qui, pour le comics, fit évoluer le médium vers des visuels et un ton globalement plus sombre et chaotique, plus désespéré. Et ce après les importants bouleversement opérés dans les années 80 (Watchmen, The Dark Knight Returns en tête). Les graines d’une époque dont les fruits se récoltent toujours aujourd’hui. Parmi les inspirations confirmées pour le jeu, citons la run mémorable sur Jean Grey, La Saga du Phénix Noir, débutée fin 70 et terminée aux débuts des années 1980 et essentielle dans la caractérisation du personnage. Une œuvre marquante en son temps, traitant de puissance cosmique et de la fatalité qui l’accompagne. Dans un jeu titré Marvel Cosmic Invasion, Jean Grey avait sa place. Black Panther, quant à lui, fut imaginé dans le but de renouer avec l’inspiration martiale qui le caractérisait davantage dans les 90’s.
En ce temps, T’challa tirait son aisance au combat des arts martiaux asiatiques, tout en faisant écho aux mouvements des Black Panthers dont des membres étaient proches de cette culture asiatique et martiale (le comics comme le mouvement sont apparus la même année, en 1966, et ne se sont pas mutuellement inspirés, Marvel changea même le nom de son héros pendant un temps pour éviter toute confusion). Cela s’est perdu dans les années 2000, bien que le personnage regagna en popularité. Yannick Belzil, narrative designer sur Marvel Cosmic Invasion, parle carrément d’un archétype ninja pour le personnage. Et pas seulement parce qu’il peut lancer une sorte de kunai. Vous l’aurez compris, les équipes de Tributes Games ont fait leur devoir, en plus d’être passionnées. Et cela se voit et se ressent en jeu. Le soft s’inscrit en héritage. Une passerelle entre deux âges.
De fait, le généreux casting de 15 personnages (certains se débloquent en jeu) vise autant à exploiter des noms qu’à offrir des super héros à sa mesure. Des archétypes différents pour varier les plaisirs, qui plus est avec des personnages capables de voler et d’autres non. Au contraire des BTA habituels, dans Marvel Cosmic Invasion combattre peut se faire au sol comme dans les airs, littéralement. Pour ne pas que la quantité paralyse, le mode histoire incite à changer de personnage d’une mission à l’autre, ce qui passe par des défis sommaires à réaliser (vaincre un nombre d’ennemis avec telle attaque, vaincre le boss avec un héros spécifique, etc.) Une manière efficace de nous faire découvrir le roster.
En revanche, c’est regrettable de ne pas débloquer de compétences au fil du jeu. Il y a bien une composante RPG, mais il s’agira surtout d’augmenter sa santé et de rendre active la compétence passive de chacun des héros. Pas d’évolution au fil de la progression, si ce n’est que l’on se familiarise avec le casting et les synergies entre personnages. Le système de combo trop simpliste et permissif n’offre pas de réelle motivation au skill; bourrer à l’aveugle peut suffire, tandis que le bestiaire manque un peu de variété. C’est l’envie de découvrir le roster et de trouver son duo de choc qui motive à rejouer plusieurs parties. La courbe de progression ne semble pas si généreuse, cela dit nous manquons d’heures de jeu pour être catégorique.
Comics Bizness

Quoi qu’il en soit, d’après les développeurs, Marvel n’a imposé qu’une poignée de personnages emblématiques, le reste fut laissé au plaisir des équipes créatives. La présence d’Iron Man, Spidey, Captain America, Logan, Storm ou Black Panther parlera à tous, notamment aux plus jeunes. D’autres, Miss Hulk, Venom et Rocket Raccoon ne manquent pas de représentations culturelles récentes. Le commun des mortels sera tout de suite moins renseigné au sujet de Phyla-Vell ou du Cosmic Ghost Rider (qui n’est autre que Frank Castle). Ou encore Beta Ray Bill, issu du one-shot centré sur lui, Beta Ray Bill : Etoile d’argent (2021). Le comics l’introduit comme le premier individu digne de manier Mjöllnir après Thor. L’occasion de mettre en avant un héros peu commun, plus imposant que son comparse aussi, avec qui il sympathise, avant d’obtenir son propre marteau, Stormbreaker. Un archétype lourd et lent dans la veine de Miss Hulk, bien que cette dernière officie en tant que choppeuse.
En outre, rajouter une tête aussi populaire que le fils d’Odin aurait peut-être desservi l’éclectisme du casting. Pour nous, Beta Ray Bill est un excellent choix. Il y a des héros présents par logique narrative, c’est le cas de Phyla-Vell – elle est au centre de l’intrigue du comics Annihilation, avec Nova, également jouable – , d’autres sont surtout là pour les promesses de leur gameplay. C’est le cas de Venom, réalisé par un unique artiste de l’équipe, de Raccoon dont l’armement et la petite taille le font sortir du lot, ainsi que du Ghost Rider, pour ne citer que les plus marquants. Si le motard original, Johnny Blaze, impose par sa classe et ses capacités uniques, la version Cosmic ici présentée est sans doute plus dégénérée. De surcroît, son chara design ne manque pas de classe.
Côté expérience de jeu, Marvel Cosmic Invasion s’inspire des BTA Marvel des années 90, en particulier, de Marvel Super Heroes : War of the Gems sorti en 1996. Un soft qui mettait en scène Spider-Man, Captain, Iron Man, Logan et Hulk. Certains mouvements sont repris du jeu, bien que modernisés pour cette mouture. Le comparatif s’arrête là puisque l’opus de 1996 ne pouvait proposer plus que de la bagarre au corps à corps et clouée au sol. La vraie force du titre de Tribute Games, c’est de pouvoir proposer un gameplay plus riche et prenant que ses prédécesseurs (pas de la concurrence actuelle entendons-nous bien). L’épisode de 2025 se veut plus accessible aussi, ne serait-ce que par sa plastique et son dynamisme.
Agréable, facile à prendre en main, le gameplay coule de source et nous en met plein les mirettes grâce à ses animations de toute beauté. Un soft dans la droite lignée du travail de Tribute Games sur TMNT Shredder’s Revenge, y compris visuellement, pour le répéter une fois de plus. Du pixel art célébrant un style néo-rétro dont on ne se lasse décidément pas. En revanche, la lisibilité est vite mise à mal dans le feu de l’action. L’amour des explosions d’un Rocket Raccoon ou le simple fait de combattre avec deux héros ne pouvaient conduire qu’à tel constat. Heureusement peut-être, le challenge étant peu relevé, ce manque de lisibilité ne pénalisera pas tant – moins que chez nos amies tortues –, sauf quand le level design est parsemé de trous ou d’éruption de magma. Ou bien quand la perspective nous joue des tours en voulant frapper un insecte volant.
Bébé Thanos doit mourir

Pour trouver du challenge il faudra augmenter la difficulté au max ou jeter son dévolu sur le mode arcade. Dans ce mode, il faut terminer le jeu avec un nombre de crédits limité. Des modificateurs se débloquent en jouant, il en va de même pour les palettes de couleurs de personnages. Ces modificateurs viennent complexifier et pimenter l’expérience d’une bonne manière, bien que l’on souhaitait plus. Cependant, rappelons que Marvel Cosmic Invasion s’adresse à un public large, aux jeunes papas nostalgiques des BTA de leur enfance. À ces enfants qui veulent eux aussi leur jeu de bagarre dans l’univers Marvel. Dans cette optique, les développeurs proposent des archives exposant (trop) brièvement la bio des personnages rencontrés dans le jeu, ainsi que des lieux, des ennemis. L’intention est là.
Ce que nous n’enlèverons pas à Tribute Games c’est son talent dans le pixel art, Marvel Cosmic Invasion le démontre à son tour. Le soin accordé aux animations et aux environnements nous a séduits à plusieurs reprises. Les animations de Venom parlent d’elles-mêmes, convoquant la gestuelle du symbiote dans Marvel vs. Capcom 2, en même temps que le chara design souligne la dualité à l’œuvre entre l’entité et son porteur, Eddie Brock. De son côté, nous en parlions, Spidey brille par sa posture empruntée aux designs de Todd McFarlane. Le casting profite de ses animations de qualité pour parfaitement se personnifier en jeu. Autant par leur chara design que par leurs gestuelles et leurs attaques. La puissance de Miss Hulk, écrasante de par son physique et de par son poids manette en mains. La grâce déployée par Storm lorsqu’elle invoque les éléments, le plaisir procuré par les lancers de bouclier de Captain America, etc.
Le plaisir se cache aussi dans tous ces détails apparents et qui donnent de l’envergure au soft. Nous ne l’avons pas dit, mais les transitions narratives profitent d’un doublage intégral en anglais et de qualité. Cela conforte ce sentiment de jouer des personnages vivants, dotés d’une identité, d’une personnalité affirmée. Et puis les fans les plus attentifs ne manqueront pas de remarquer la pléthore de clins d’œil au sein des décors, au premier comme à l’arrière-plan, de cette aventure qui nous fait voyager au travers d’une dizaine de stages : de New York, au Wakanda, en passant par Klyntar la planète des symbiotes.
Des boss charismatiques font aussi partie de ces petits plaisirs : Thanos, Knull, Taskmaster, mais les confrontations n’ont rien de transcendant. Elles sont même décevantes. Le projet à l’avantage d’être joli et généreux, de respirer la passion. Le fan service est omniprésent, mais reste bien amené et ne gâche pas l’expérience. La partie musicale est parfaitement dans le ton. Le fidèle Tee Lopes prouve son talent pour se réapproprier des sonorités d’époques pour les moderniser. Sans jamais trop en faire. On ne prend pas une claque musicale, on ne sort pas du jeu avec une musique spécifique en tête, comme ça pouvait l’être dans Shinobi : Art of Vengeance – il collaborait cela dit avec Yuzo Koshiro. Néanmoins, les compositions s’intègrent à l’ambiance 90’s recherchée dans Marvel Cosmic Invasion.
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