Un autre grand nom de l’industrie nous gratifie de son retour cette année. L’un des papas du beat’em up 2D. Avec plusieurs titres au compteur, des adaptations transmédia et une posture de pionnier que personne ne lui enlèvera, Double Dragon: Revive porte malgré lui un lourd héritage, et les responsabilités qui vont avec. Le terme « Revive » prend tout son sens au vu des derniers épisodes peu mémorables parus. Si découvrir la série via ses deux premiers opus fondateurs peut être ardu compte tenu de leur ancienneté, ce nouvel épisode développé par Yuke’s, studio connu pour ses jeux de catch, peut au moins se targuer d’être une parfaite porte d’entrée.
Conditions de test : Nous avons joué sur PS5 durant huit heures, le temps d’effectuer plusieurs runs. Nous n’avons malheureusement pas pu partager nos sessions en coopération.
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La légende de Double Dragon débuta en 1987, rapidement suivie par une version améliorée devenue un jeu à part entière : Double Dragon II : The Revenge. Ce dernier sortira en premier en France puisque la version NES fut distribuée chez nous en 1990, avant même l’épisode fondateur. La licence est née de l’esprit fertile de Yoshihisa Kishimoto, déjà à l’origine de Renegade (1986), dont Double Dragon se veut le successeur spirituel. L’ambiance inspirée de films de série B populaires, puisant autant dans le cinéma américain — avec les figures de Stallone et Schwarzenegger — que dans les films d’arts martiaux.
Kishimoto n’a jamais caché ses inspirations pour Double Dragon, s’étant nourri à la fois du film Enter the Dragon (Opération Dragon) avec Bruce Lee, et de The Warriors (Les Guerriers de la Nuit), réalisé par Walter Hill en 1979, que Rockstar Games adaptera brillamment sur PS2 et PSP en 2005. Autant dire que l’ambiance se voulait brute, typée 80’s, gonflée à la testostérone aussi. De quoi parler à une génération entière. Cela étant dit, ce qui fit entrer Double Dragon dans la légende, c’est son gameplay révolutionnaire pour l’époque. La série fait partie des pionnières du genre beat’em all – avec Kunio-Kun/River City, également imaginé par Yoshihisa Kishimoto. Genre que la série fit évoluer grâce à divers ajouts significatifs.
N’ayons pas peur de dire que le fondement même de tout BTA 2D, encore aujourd’hui, n’est qu’un héritage de ces deux séries. Avec Double Dragon, c’est tout simplement l’intégration du mode coopération locale. Un argument qui pourrait justifier à lui seul le succès du soft. Pourtant, la licence s’est aussi employée à rajouter des coups, à autoriser l’usage de diverses armes, mais également à intégrer des ennemis désormais capables d’exécuter plusieurs attaques – jusqu’à présent, un archétype de personnage équivalait à un type d’attaque –, tandis que les jeux reprenaient à leur compte l’idée d’un level design permettant des déplacements sur plusieurs plans, comme dans Renegade, et pas seulement de manière linéaire et horizontale.
À l’instar de la licence Shinobi, qui contribua à l’évolution du genre par des ajouts qui, de nos jours, paraissent mineurs, Double Dragon fit de même pour le beat’em all. Fort heureusement, le gameplay suivait. Ajouter de la coopération, des armes et des coups offraient une expérience plus généreuse en comparaison de ce qui faisait dans le paysage vidéoludique de l’époque. Double Dragon : Revive suit l’héritage de ses aînés, à défaut de briller par sa direction artistique qui, avouons-le, est un repoussoir à elle seule. Le premier constat est évident : Double Dragon : Revive n’est pas beau.
L’Uppercut Mortel du Dragon

Les personnages ? En déficit de charisme et de style. Les trailers annonçaient la couleur : visuellement, le rendu 3D ne prend pas. Et pas parce que le jeu est foncièrement moche — d’un point de vue technique, c’est convaincant, toujours plus que son prédécesseur Double Dragon: Neon (dont la direction artistique était peut-être encore plus discutable) — mais parce que ça ne résonne pas avec l’univers, bien qu’on apprécie l’idée de dépoussiéré la licence. Au moins, la bande-son présente un rendu plus proche des attentes, avec la modernisation de musiques emblématiques et des morceaux globalement dans le ton.
Malgré l’absence d’Arc System Works au développement — leur rôle se restreignant ici à l’édition —, et donc malgré l’absence de leur patte héritée de l’animation japonaise de qualité (et appréciée), on retrouve des cut-scenes au design inspirées de l’animation. Quand bien même le doublage intégral du soft, les saynètes en images fixes manquent de vie et de mise en scène. Si le design des héros tend vers celui d’un River City Girls (les frères Lee sont d’ailleurs en guest dans River City Girls 2), il dénote avec la patte graphique du soft, et avec l’image qu’on pouvait s’en faire.
Le parti pris animation ne fonctionne pas non plus, Billy et Jimmy avaient davantage de prestance dans RCG 2. L’opportunité était pourtant toute donnée pour soutenir une narration appréciable pour le jeu. Au moins, il y a un peu de narration, ce qui n’est jamais pour nous déplaire. Tout accable ce Double Dragon : Revive avant même d’y jouer concrètement. Qui n’était pas déjà convaincu de son échec en voyant les trailers ? Et pourtant, manette en main, la magie opère. Les combattants sont lourds (nous ne savons pas si c’est un choix délibéré ou non des développeurs), parce qu’en l’état, nous avons l’impression que les équipes cherchaient à convoquer des sensations d’époque.
Pour nous, un tel choix ancre le dans une sorte d’archaïsme auquel on s’accoutume, finissant même par lui conférer un minimum de charme. En revanche, si l’intention était de se rapprocher des standards imposés par Dotemu et consorts, le résultat laisse à désirer. Offrons-leur le bénéfice du doute, car pour nous un dialogue s’opère avec les anciens opus, ce qui est appréciable. Et puis Double Dragon : Revive gagne en maturité avec ce parti pris esthétique, dirons-nous. En termes de gameplay, c’est très satisfaisant. Les coups portent, les feedbacks fonctionnent très bien et chaque personnage (quatre au total) possède ses propres coups.
Dragon Récalcitrant

Les deux frères se ressemblent un peu trop, mais les deux invités compensent tant ils sont différents. Au point que ces derniers sont parfois moins à l’aise avec une composante majeure de l’expérience Double Dragon: Revive : les interactions avec le décor. Outre les armes, les personnages peuvent shooter dans un ballon, un pot de peinture ou un sac de farine, passer par-dessus un obstacle et attaquer, s’accrocher à certains points donnés ou tout bonnement envoyer valser un ennemi dans un élément du décor qui le tuera sur le coup (au travers d’une fenêtre, d’un frigo, dans un panier de basket, etc,).
Du pur bonheur. Les niveaux s’enchaînent avec des lieux bien connus et clichés des BTA, mais avec ce qu’il faut de dépaysement pour passer un bon moment. Dommage que le level design n’aille pas plus loin. Le jeu aurait gagné à rallonger un peu l’expérience – qui reste dans les clous du genre, puisque l’accent est mis sur la rejouabilité avec les différents personnages – afin de mettre davantage d’éléments interactifs en avant. On notera aussi des placements pas toujours pertinents : des barres ou objets pouvant servir mais placés à des endroits sans ennemis. Double Dragon: Revive n’exploite pas toute sa richesse ni ses qualités comme on l’espérait une fois plongé dans l’action.
On s’amuse, ce qui est déjà une bonne nouvelle. Puis, le jeu révèle ses lacunes. On découvre de violents pics de difficulté, même en mode normal, générant frustration et colère. Difficile de savoir si le problème vient réellement de la difficulté ou de l’accumulation d’imprécisions rendant le tout plus compliqué. Car malgré le plaisir de jeu, certains affrontements, généralement des boss, peuvent causer des défaites injustes. L’absence de frame d’invincibilité à la relevée pose souci (nous n’avons pas trouvé de relevée rapide non plus), tandis que le personnage a souvent du mal à saisir un objet – la touche étant la même que celle de la choppe – quand les touches n’ont pas décidé de rester muette.
Parfois les coups sortent sans toucher de cible. Trouver le bon angle d’attaque n’est pas toujours évident non plus, nous sommes loin de la précision de game design de la concurrence. Autre problème : les phases de plateforme, déjà présente dans les épisodes fondateurs. Heureusement qu’elles sont rares, car la lourdeur de la maniabilité ainsi que le manque d’inertie ne rendent pas ces passages agréables. Double Dragon : Revive propose également un mode de jeu supplémentaire consistant à enchaîner des combats sous certaines conditions. Une bonne idée pour ajouter un peu de variété, à défaut d’un challenge là aussi mal équilibré. Les boss ont le mérite d’être créatif et d’avoir bénéficié d’un soin particulier.
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