En octobre dernier sortait Silent Hill 2 Remake, un travail de longue haleine pour les polonais de Bloober Team qui tenaient là l’occasion de montrer leur talent dans le genre survival-horror. Mais le studio cachait en réalité qu’en parallèle de ce développement phare, une autre production, cette fois originale, était en train de prendre forme, comme nous l’ont confié les développeurs que nous avons pu rencontrer récemment.
Cronos: The New Dawn reprend les codes de jeux comme Dead Space ou encore, on vous le donne en mille, Silent Hill, pour proposer une aventure entre deux temporalités et où prédomine une ambiance glaçante au sein d’environnements visuellement sanglants.
Cette nouvelle production qui sort le 5 septembre sur PC, PlayStation 5, Xbox Series X/S et Nintendo Switch 2 est assurément un projet très ambitieux pour le développeur polonais, qui joue ici sa place de studio d’exception dans ce genre assez niche et fortement représenté par ses prédécesseurs. Alors, coup de maître ou bain de sang pour le nouveau jeu des créateurs de The Medium et Layers of Fear ?
Conditions de test : Nous avons arpenté les terres contaminées de la Pologne durant près de 20h sur PlayStation 5 Pro. À noter que durant la phase de test, l’éditeur nous a conseillé de recommencer le jeu depuis le début suite à la mise à jour d’une version majeure collant mieux aux standards de qualité attendus, nous permettant par la même occasion de réaliser divers choix. Le jeu étant hautement narratif, nous n’aurons pas le choix que d’aborder quelque peu l’histoire, surtout dans notre première partie, mais sans spoiler narratif majeur, rassurez-vous. Nous avons volontairement limité les illustrations pour ne pas trop spoiler les environnements, notamment de fin de partie.
Sommaire
ToggleBienvenue en Enfer
Pologne, dans les années 80. Une étrange maladie, la Conversion, semble toucher les habitants d’un quartier ouvrier. Une maladie qui s’élèvera au rang d’épidémie, quitte à décimer la ville ou le pays entier. Plusieurs dizaines, voire centaines d’années plus tard, une mystérieuse organisation se faisant appeler le Collectif envoie des Voyageurs pour tenter de se battre pour leur avenir en sauvant le passé. Des Voyageurs à la coque intégrale grise ignifugée, qui ne laisse transparaître aucun indice sur l’origine de ces êtres.
Vous incarnez l’un de ces Voyageurs, la Voyageuse ND-3576, fraichement débarquée sur les lieux, avec pour première mission de retrouver la trace de sa Sentinelle (un autre Voyageur ayant tenté sa chance avant elle), tout en poursuivant sa tâche afin de trouver la cause de toutes ces anomalies et perturbations. S’ensuivent alors une visite de divers lieux hautement infectés par ce mal qui a rongé le pays il y a longtemps, mais qui continue de se nourrir des corps encore présents, comme l’hôpital, l’aciérie (siège du départ de l’épidémie), des quartiers résidentiels, une station de métro, etc.
Votre but sera de trouver tout un panel de cibles bien documentées et identifiées par le Collectif comme étant des personnes clés dans l’évolution de l’épidémie pour qu’elles vous rejoignent au sein du Collectif à travers leur essence aspirée grâce à une Ancre spéciale. Vous devrez d’ailleurs faire des choix sur les essences que vous souhaiterez extraire, puisque votre Voyageuse ne pourra en contenir que trois sur la petite dizaine au total présentes dans le jeu.
Des choix primordiaux, car ces essences vous donneront des avantages en jeu, tout en vous faisant de plus en plus sombrer dans la folie à mesure que vous les extrayez avec un dévissage complet et une dissociation de la réalité par moments façon Alan Wake II. Ces essences devront être insérées dans le Terminal pour obtenir de grosses avancées narratives, notamment en ce qui concerne le Gardien, un mystérieux personnage qui vous rejoindra à un moment de l’aventure.
Vous le constatez à la lecture de ces premiers paragraphes, le lore de Cronos: The New Dawn est complexe, complet et extrêmement intéressant. Même après plusieurs heures de jeu, il nous a semblé encore obscur de définir nos réelles motivations, notre but final, ou même de déterminer si nous nous trouvions dans le camp des « gentils » ou des « méchants ». Sans absolument tourner autour de ces valeurs manichéennes, le jeu parvient à semer le doute à de nombreuses reprises, mais nous vous laisserons le soin de découvrir tout cela par vous-même. Comptez d’ailleurs environ 15 à 17 h pour terminer l’histoire une première fois en fonction de vos capacités, ce qui classe le jeu dans la moyenne de son genre. Si vous voulez le platine, ils vous faudra finir le jeu au moins deux fois, pour pouvoir assumer tous les choix.
Pour vous aider à comprendre la complexité de cet univers et le destin des familles ravagées par cette épidémie, vous pourrez trouver dans les appartements visités ou les bâtiments traversés une multitude de documents, enregistrements audio et photographies, relatant de la vie à cette époque, les peurs, angoisses, mais également des preuves d’affection et autres souvenirs. Vous aurez aussi à loisir d’écouter des journaux de bord d’anciens Voyageurs relatant ce qu’ils ont vu ou compris. Des trophées vous attendent même si vous trouvez toutes les bandes-dessinés ou les journaux de bord, donc nous vous conseillons de tout fouiller, sans compter la dizaine de chats qui se cacheront ci-et-là et leurs récompenses alléchantes. Et oui, vous pourrez les caresser.
L’occasion d’aborder une des particularités du jeu, hormis ses combats et son aspect survie, la reconstitution d’un passé opaque, à travers des sauts dans le temps. Votre Voyageuse étant en capacité de retourner dans le passé via des anomalies sous forme de failles, vous parcourez parfois certains environnements à deux époques différentes : le présent (aux teintes bleutées) et le passé (plutôt rougeâtre) des années de la pandémie, pour retrouver vos cibles encore en vie à cette époque. Mais, par moments, vous tomberez sur d’autres types d’anomalies sous forme de boules noires reliées à des filins rougeâtres.
C’est à ce moment-là que vous devrez utiliser un outil spécial capable de reconstituer l’objet en question ou le passage détruit, permettant votre progression en utilisant la gestion du temps. Un système de puzzle environnemental parfois même utile en combat et qui permet de varier les plaisirs dans un gameplay qui ne tournera donc pas qu’autour du combat et de la gestion des ressources. Un très bon point donc.
Memento Mori
De toutes les manières, Cronos: The New Dawn entrant dans la catégorie des survival-horror, fouiller deviendra votre premier réflexe… à vos risques et périls. Dans chaque recoin, dans les véhicules abandonnés ou même dans de grosses caisses surmontées d’une croix jaune bien discrète (non), vous trouverez plusieurs ressources : des munitions, des patchs de soin pour votre coque (la santé étant représentée par une ligne de vie façon électrocardiogramme en bas à gauche de votre écran) ou encore de l’énergie, la monnaie du jeu.
Cette énergie vous permettra entre autre d’acheter des améliorations pour votre coque ou pour toutes vos armes (au nombre de sept dont certaines bien cachées), mais aussi d’acheter des munitions, soins et autres éléments de craft. Cette énergie étant disponible en très grande quantité dans le jeu, vous n’aurez que peu de mal à en trouver, mais nous vous conseillons de tout ramasser, celle-ci ne prenant pas de place dans votre inventaire.
Pas comme vos munitions, très (très) limitées et qui prennent quant à elles une place. Munitions que vous pourrez crafter (y compris à la volée) si vous disposez d’assez de matières premières, à ramasser sur le terrain également. Qui dit survival-horror dit forcément inventaire limité, que vous pouvez améliorer par la suite, mais qui ne vous permettra d’ajouter qu’une demi-douzaine d’objets au début, armes comprises, dans votre arsenal. Il vous faudra donc faire les bons choix, prioriser tel ou tel objet, en stocker d’autres dans vos coffres, quitte à regretter ce choix par la suite.
Toutes ces décisions, vous pourrez notamment les prendre dans des safe-zones bien reconnaissables à leurs lumières vertes et aux multiples postes (sauvegardes manuelles avec neufs emplacements, coffre, console d’amélioration, etc.), renforçant une fois de plus l’aspect survival-horror bien connu. Fort heureusement, des sauvegardes automatiques vous permettront également de reprendre moins loin, mais par moments, revenir au point de départ vous sera bien plus profitable, pour changer d’approche afin de ne pas finir en chair à pâtée. Et croyez-nous cela vous arrivera souvent, notre personnage ne mourant qu’en quelques coups malheureux.
Cette pièce vous semble bien alléchante et semble regorger de récompenses ? Attendez-vous à y trouver aussi quelques copains. Et pour le coup, Bloober Team maîtrise son sujet à la perfection, en nous proposant une ambiance calibrée de bout en bout, avec une utilisation fine et non abusive des jumpscares, préférant miser sur l’appréhension, la suggestion ou encore la probabilité qu’une situation délicate survienne.
Une ambiance absolument sanglante
Tout miser sur la suggestion. Nous venons de le dire, Bloober Team joue à fond la carte de l’imagination et des peurs du joueur pour faire germer l’angoisse et la sensation d’oppression constante. Oppression maintenue par une très faible luminosité dans la majeure partie du titre (merci la lampe torche), mais également sur les centaines de pièces recouvertes de cadavres fusionnés, dont la biomasse créée un nouveau papier peint.
Une sensation d’étouffement qui pourrait par ailleurs gêner les plus sensibles, puisque vous aurez à loisir de contempler des milliers de corps mutilés, méconnaissables, en attente d’un réveil qui ne saurait tarder. Pour les créatures qui émergeraient pour vous affronter, celles-ci revêtent des formes peu variées finalement, allant du simple monstre sans tête et sensible à vos balles, aux plus grands énergumènes nécessitant bon nombre de vos balles. Mais ne vous fiez pas à l’aspect peu dangereux des plus petits, puisque émerge alors l’une des nouveautés caractéristiques de Cronos: The New Dawn : la Fusion.
Le slogan du jeu le martèle d’ailleurs : ne les laissez pas fusionner. Et pour le coup, vous pourrez très vite vous en rendre compte, même si, soyons honnêtes, si vous pigez rapidement le truc, il se peut que vous soyez très rarement confrontés à des monstruosités fusionnées, quitte à mourir pour recommencer et empêcher cela. C’est donc dommage qu’une de ces facultés inédites se retrouve assez peu dans le gameplay global du jeu. Cette Fusion se déroule en réalité en plusieurs étapes : si l’un de vos ennemis se pare de sortes de lianes faites de boyaux autour de son corps, visez la tête pour interrompre la fusion et finissez de l’achever. Si vous les laissez fusionner, autant vous dire que vous aurez affaire à de véritables monstres de puissance impossibles à battre.
Concrètement, une seule solution vous permettra d’empêcher cette Fusion : incinérer les corps tombés au combat. Là aussi, nous avons trouvé dommage que cette fonctionnalité clé ne soit finalement pas tant mise en avant que cela en provoquant volontairement un faible volume de munitions nécessaires à cette incinération. Votre torchère ne pouvant accueillir qu’une ou deux recharges en prenant une place dans l’inventaire et vos bûchers en prenant également.
Nous aurions, par exemple, aimé disposer de munitions « illimités » mais avec un temps de recharge long avant de faire feu, ou encore de la possibilité de détruire réellement les corps en enchaînant les écrasements de pieds, mais il n’en est rien, et cela peut s’avérer finalement assez frustrant. Puisqu’une fois une zone nettoyée, vous pourrez circuler sans risque, on se retrouve alors à faire de trop nombreux allers-retours entre les safe-zones pour aller récupérer des munitions de torchère pour cramer les corps (bien que l’intérêt soit moindre une fois la zone nettoyée) ou refaire son stock en prévision d’un nouvel affrontement, cassant un peu le rythme narratif.
Pour le coup, certains choix des équipes se sont avérés étonnants, notamment en ce qui concerne la place d’éléments obligatoires à l’intrigue. Comme la récupération de clés, de passes magnétiques ou de composants chimiques nécessaires à la préparation d’un produit dans le niveau de l’hôpital, prenant, eux aussi, cette place précieuse dans votre inventaire, vous forçant parfois à gâcher une munition de torchère, de soin ou carrément à lâcher des munitions pour vous éviter un énième aller-retour au coffre de la safe-zone. Cela reste en lien avec le gameplay de notre Voyageuse, qui s’avère assez lourd dans certaines circonstances.
La Voyageuse a besoin de vacances
La Voyageuse ne dispose en réalité que de quelques mouvements ne pouvant être améliorés : de la marche, de la course, un coup de poing, un coup de pied et des bottes anti-gravité, récupérées au milieu de l’aventure et vous permettant de traverser des zones dédiées qui font varier le gameplay mais qui servent surtout de pont entre deux zones trop éloignées, et c’est tout… Pas d’esquive, pas d’accroupissement (les phases d’infiltration n’existent de toute manière absolument pas — un vrai manque sur ce point à notre goût). Le corps à corps est de toute manière à proscrire, sauf pour décrocher un trophée spécifique ou casser les caisses jaunes, puisque vos coups vous exposeront à coup sûr aux attaques ennemies. On regrettera surtout le manque d’esquive ou de dash qui auraient pu dynamiser un gameplay trop lourd par moments, vous forçant à garder vos distances à tout instant.
Un gameplay volontairement lourd donc, qui nous rappelle que nous sommes en danger à chaque instant dans Cronos: The New Dawn, et qu’un mouvement loupé, une attaque pas assez anticipée ou même un coup dans le vent peut nous être fatal. Tout dans le jeu vous fait ainsi croire que vous êtes sur la corde raide en matière de ressources et de survie. Un pas de travers dans une salle infestée ou un gaspillage de munitions incontrôlé et c’est la mort assurée. Rassurez-vous, le jeu n’est pas insurmontable en termes de difficulté, mais sachez aussi qu’aucun niveau de difficulté n’est présent, que ce soit pour les plus aguerris ou pour les novices en la matière, rendant le jeu un peu abrupt pour le public peu habitué à ce genre de production. Un mode New Game + est présent pour vous permettre de changer vos choix, trouver de nouveaux collectibles ou même de nouvelles armes, si vous en aviez loupé.
Ce qui nous permet de faire un zoom sur l’arsenal de notre Voyageuse. Sans rentrer dans les détails pour ne pas tout dévoiler, vous devrez là aussi faire des choix. Au total, sept armes sont à trouver, sans compter la torchère assurant l’incinération des créatures, dont par exemple, des armes de poing, une carabine ou encore un fusil à pompe et quelques surprises. Chacune de ces armes disposant de munitions spécifiques, vous devrez faire des choix sur les munitions ramassées ou construites, grâce à des ressources dénichées sur le terrain. Vous pouvez aussi les acheter grâce à l’énergie amassée, mais là aussi un choix cornélien s’impose : construire des munitions, fabriquer des soins ou améliorer notre équipement ? Prenez une décision et survivez.
Les armes sont toutefois extrêmement bien calibrées, elles ont du recul et disposent d’une vraie force d’impact grâce à la canalisation des coups. Vous pouvez tirer à la volée, ou bien maintenir le bouton de tir pour charger la balle et la tirer ensuite, majorant largement vos dégâts, mais vous exposant d’autant plus pendant ce laps de temps. Tout sera une fois de plus une question d’équilibre à trouver entre prise de risque et tenter le tout pour le tout, tout en sachant que chaque pas peut être le dernier.
Une démonstration technique
Côté technique sur PlayStation 5 Pro (nous ne pouvons nous exprimer sur les autres plateformes, dont la Nintendo Switch 2), le jeu est absolument magnifique, surtout ses panoramas en extérieur. On regrettera cependant une trop forte présence de brume par endroits, bien que cela serve la narration, nous empêchant de profiter du beau spectacle de reconstitution réalisé par les équipes de Bloober Team sur cette Pologne dystopique.
L’équipe s’est fortement inspirée d’un quartier de Cracovie, Nowa Huta, que connaissent très bien certains développeurs. Un quartier dévasté par la pandémie dans lequel la production d’acier donnait du travail à chacun dans les années 80, et disposant de nombreux points d’intérêt visités durant le jeu. En intérieur, les murs étant largement recouverts de corps en décomposition, on peut admirer l’aspect poisseux des lieux à en dégouter certains.
Petite déception cependant sur les quelques visages humains rencontrés dans l’aventure — puisque nos Voyageurs sont enveloppés d’une coque résistante — qui sont en deçà de ce que l’on peut trouver aujourd’hui. Le jeu ne souffre par ailleurs d’aucun ralentissement majeur ni de bugs trop présents, hormis quelques soucis de collision dans des endroits trop exigus et quelques chutes de framerate sans conséquence. On notera aussi des hoquets des animations dans certains escaliers exigus mais cela reste à la marge.
Cela dit, il est bien plus facile, même sous Unreal Engine 5, de maîtriser ce genre d’écueil quand il s’agit de jeux couloirs comme Cronos: The New Dawn, que dans des mondes ouverts, mais tout de même, Bloober Team a fait un sacré boulot sur la qualité technique de son titre.
Vous comprenez ici qu’en lançant le jeu, vous n’aurez que peu de choix sur le chemin à parcourir. Le titre est en réalité une succession de zones où un seul chemin est possible, avec quelques chemins de traverse vous menant à des affrontements optionnels pour obtenir de belles récompenses. Ce n’est absolument pas une critique, puisque cela permet aux équipes de maîtriser leur narration, les éventuels jumpscares et surtout de produire une progression logique, mais certes, cela laisse peu de place aux surprises, surtout quand une pièce à quelques mètres vous semble affreusement dangereuse.
Reste l’aspect sonore, tout simplement magistral. Le sound design a été incroyablement étoffé pour procurer tantôt la surprise, tantôt l’angoisse ou l’appréhension de ce qui va se passer. Ça grouille de partout, ça gargarise ou ça souffre, tout s’entend dans Cronos: The New Dawn, ce qui nous permet d’imaginer les zones dans lesquelles un événement devrait se produire. L’occasion de rappeler qu’il vous faudra absolument jouer au casque pour profiter convenablement de l’expérience, même si l’on regrettera l’absence de doublage polonais pour accroître l’immersion. D’autant plus qu’à mesure que l’histoire avance, votre Voyageuse sera confrontée à des sauts de réalité absolument saisissants quand vous êtes immergés dans le jeu, lors de séquences glaçantes.
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