Fondé en 2007 dans le quartier de Shibuya, à Tokyo, le studio Furyu est ce que certains appellent un artisan du jeu vidéo, au même titre que Nihon Falcom. Armée d’équipes de vétérans motivés, mais bénéficiant de peu de moyens, l’entreprise s’évertue à proposer des expériences simples, à qualité variable, mais faisant le plus souvent montre d’une passion évidente. The Legend of Legacy et The Alliance Alive en sont deux exemples très parlants : l’un est assez décevant, mais pose de solides bases pour le second, qui se révèle plus convaincant, mais ne rivalisera jamais avec les ténors du RPG japonais. Une expérience légère, en somme, mais pas dénuée d’intérêt.
Alors bien sûr, puisqu’il est rare que ses productions sortent du lot en terme de visuels, faute de finances, c’est avec ses concepts que Furyu se doit de titiller l’attention des joueurs. Ainsi, Trinity Trigger, leur dernier titre en date, s’annonçait comme une expérience résolument old school, mais permettant de jouer à plusieurs, en local comme en ligne. Ce qui est suffisamment rare pour être souligné dans le genre de l’Action RPG, même si certaines séries, comme Tales of, en font leur marque de fabrique. L’autre détail qui soulèvera l’intérêt des connaisseurs, c’est bien sûr les noms aux commandes du développement.
Trinity Trigger est en effet développé par une équipe en partie composée de Nobuteru Yuuki, un designer talentueux ayant notamment exercé sur Chrono Cross ; Atsuno Nishida, ancien designer sur la série Pokémon ; et Hiroki Kikuta, compositeur ayant œuvré sur quelques très gros titres, à commencer par Secret of Mana (l’original, pas le remake). Du beau monde, derrière un projet qui fleure bon les années 90, autrement dit l’âge d’or du RPG japonais. À première vue, tout était présent pour que le titre soit une réussite. S’adressant à un public très ciblé, certes, mais une réussite malgré tout. Mais alors, qu’a-t-il bien pu se passer ?
Conditions du test : Nous avons joué environ huit heures à Trinity Trigger dans sa version Nintendo Switch, principalement sur TV. Ce test est garanti sans spoiler majeur.
Premières impressions
Il faut le reconnaître, les premières minutes passées sur le jeu nous en mettent plein les yeux. On nous narre tout d’abord ce qui ressemble à des contes d’autrefois, et rappelle beaucoup l’introduction de The Legend of Zelda : The Wind Waker. Puis on passe sur une rapide cinématique animée, plutôt jolie, mettant l’accent sur un character design franchement réussi, avant de nous faire entendre un début de bande-son plutôt satisfaisant. Difficile de ne pas être enthousiaste, alors même que l’on n’a encore rien vu de concret et qu’aucune traduction en français n’est à prévoir.
Malheureusement, on déchante assez vite. Trinity Trigger nous place dans la peau de Cyan, une sorte de chasseur vivant avec une jeune femme qu’il considère comme sa sœur dans un village perdu en forêt. Et le début de ses aventures n’a rien de bien palpitant. Les dialogues sont creux, et parfois gênants, on décèle déjà des archétypes agaçants de personnages, et le visuel, en dehors des vignettes des protagonistes, manque cruellement de charme.
Quant à la prise en main, bien qu’elle soit immédiate, celle-ci souffre d’un petit quelque chose sur lequel il est difficile, en premier lieu, de mettre le doigt. Un certain flottement, que l’on attribuera à un manque de finition. Mais le plus grand ennui, au cours de notre première heure de jeu, tenait étrangement dans la quantité tout bonnement ahurissante de pop-up didactiques, nous expliquant ABSOLUMENT tout, comme à des enfants en bas âge, alors que Trinity Trigger affiche un PEGI 12… Le pire étant que cela continue au cours des quatre heures suivantes.
Mais tout joueur de RPG japonais sait qu’il faut souvent prendre son mal en patience, jouer une à trois heures avant de véritablement découvrir le plein potentiel d’un titre qui, avant cela, distillait ses mécaniques et son univers. Ce qui n’est pas le cas avec le titre de Furyu, malheureusement, puisque celui-ci nous propulse très rapidement dans le grand bain, en nous envoyant à la conquête d’un donjon visuellement plus décevant encore que tout ce que nous avons pu voir auparavant, même l’intérieur ridiculement vide de la maison de notre protagoniste.
Bref, on peut le dire sans aucune gêne, malgré une introduction et un character design soignés, les premiers moments passés sur Trinity Trigger ne se révèlent pas particulièrement emballants. Celui-ci ne semble pas raconter grand-chose d’intéressant de surcroît, ce qui se vérifiera effectivement par la suite, et souffre d’une mise en scène qu’on pourrait qualifier d’absente tant son niveau est abyssal. Remarquez que nous n’avons pas encore pleinement abordé la question du gameplay.
De quoi relever le niveau ?
Si les déplacements de notre protagoniste ont un petit quelque chose d’étrange, principalement parce qu’il possède deux vitesses de course mais aucune touche pour accélérer (autrement dit, s’il court plus de deux secondes, il se mettra à sprinter), les combats ont un feeling plutôt agréable. D’aucun dirait même jouissif, n’ayons pas peur des mots, ce qu’il doit à son dynamisme, son esquive rapide, et à ses armes agréables à prendre en mains.
Trinity Trigger bénéficie de quelques bonnes idées, parmi lesquelles nous ne compterons pas sa jauge de stamina, empêchant notre personnage d’enchaîner plus de six coups d’affilée (contre seulement quatre pour le dernier personnage rentrant dans l’équipe). Ou plutôt, rendant inefficaces ses attaques passé ce cap, en attendant que ladite jauge se remplisse à nouveau. C’est difficile de comprendre où a voulu en venir le développeur avec ce concept, qui freine purement et simplement le rythme des affrontements, et frustre plus qu’autre chose, sans apporter la moindre once de profondeur au gameplay.
Toutefois, il est possible de personnaliser ses coups, parmi une liste se débloquant d’elle-même au cours de l’aventure, et d’incarner chacun des personnages composant notre équipe, en switchant d’une simple pression de gâchette. De riches idées, que l’on a déjà vues ailleurs, certes, mais qui fonctionnent plutôt bien manette en mains. Dommage que l’on ne puisse pas enchaîner plus de trois coups, et qu’à côté de cela, l’IA alliée soit une catastrophe absolue, se jetant régulièrement dans les griffes des ennemis, ou sur les pièges du décor…
Et si la difficulté met un certain temps à atteindre un niveau raisonnable de challenge, force est de reconnaître que face aux boss nous serions plutôt d’avis de ne même pas prendre la peine de ressusciter nos partenaires une fois tombés. Leur utilité ne se ressentant que trop peu. D’ailleurs, puisque l’on parle des boss, ceux-ci manquent cruellement d’intérêt, avec leurs patterns incroyablement basiques, et leur jauge de vie bien trop volumineuse…
Mais il faut le rappeler, le principal argument de vente de Trinity Trigger demeure son aspect coopératif. Et si nous n’avons pas pu nous y essayer bien longtemps, malheureusement, nous ne pouvons qu’approuver : y jouer à plusieurs rendra assurément l’expérience plus sympathique. De là à la qualifier de pleinement recommandable, il y a un pas que nous ne franchirons pas.
Notamment parce que, comme à l’ancienne, les trois personnages évoluent sur le même écran, et ne peuvent donc pas beaucoup s’éloigner. Et ça ne paraît pas, dit comme ça, mais on nage rapidement en pleine frustration. On notera aussi que le jeu est beaucoup trop facile à plusieurs, or il ne propose aucun mode de difficulté pour contrebalancer ce fait. C’est dommage, parce qu’on sent que le titre est développé avec les meilleures intentions, mais celles-ci ne suffisent pas à en faire une pleine réussite. Les idées sont là, mais l’exécution laisse farouchement à désirer. Peut-être faudra-t-il attendre une suite pour un résultat pleinement convaincant.
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