Pas facile de s’attaquer à une légende. Street of Rage, l’un des monuments du jeu vidéo qui approche de ses vingt années d’existence nous revient aujourd’hui avec une nouvelle mouture, modernisée et dynamique, qui aura la lourde tâche de respecter les codes de la licence tout en propulsant celle-ci dans la modernité.
Conditions de test : Nous avons joué plus d’une douzaine d’heures avec un PC doté d’une configuration récente (AMD Ryzen 5 3600X, Processeur 3.79 GHz, 16 Go de RAM) aussi bien en mode Histoire qu’en mode Arcade.
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ToggleAu cœur de la légende
Pour comprendre l’enjeu de ce défi, il faut sans doute proposer un bref rappel de ce qu’est la licence Streets of Rage et de ce qu’elle représente pour bon nombre de joueurs. Paru pour la première fois en 1991 sur la très célèbre Mega Drive, Streets of Rage, beat them all dans la lignée de Double Dragon (sorti en 1987 sur borne arcade) et Final Fight (joyau de Capcom sorti en 1989 sur arcade également) voulut dès les premiers instants marquer les esprits et frapper fort dans l’univers des jeux de baston.
Les créateurs de Shinobi sorti en 1987 avaient déjà déployé leurs talents et fait leurs armes dans le style de la bagarre de rue mais avec le projet Streets of Rage, il s’agissait de mettre tout le monde d’accord et de faire école.
Dès la sortie du premier opus, le succès est au rendez-vous. Plus besoin d’arpenter les salles arcade pour se donner des sensations fortes dans le street fight. Pour s’affirmer comme référence, le titre misait sur quelques ingrédients bien percutants. D’abord, des personnages avec leurs propres histoires, leurs propres styles. À cela venait s’ajouter un scénario certes au ras des pâquerettes mais somme toute bien efficace : la lutte acharnée d’une bande de justiciers contre la pègre locale. Pour ajouter du piquant à la recette, la bande-son de Yuzo Koshiro venait retentir inlassablement dans les oreilles des joueurs pour ne plus jamais les quitter.
Près de vingt ans après, la même formule est de mise. Si les graphismes ont bien sûr pris un bon coup de jeune et le gameplay a été clairement hissé jusqu’au XXIe siècle, l’ambiance globale est restée la même. D’ailleurs, la volonté est de rester fidèle à la licence et de puiser dans ses racines pour en tirer la substantifique moelle est saillante. Il ne s’agit pas ici d’un remake mais bien d’une suite.
La licence n’est pas morte, et comme les uppercuts d’Axel Stone, l’un des personnages principaux du jeu, elle est capable d’enflammer la scène vidéoludique actuelle en attisant les braises de la nostalgie tout en proposant du nouveau contenu, de nouveaux défis. Le premier opus de la saga s’attachait à poser les bases de l’intrigue, en mettant en scène Axel Stone, spécialiste des arts martiaux en tout genre, Adam Hunter boxeur endurci et Blaze Fielding adepte du judo se déplaçant aussi vite que l’éclair, face au terrible Mr. X, redoutable chef du syndicat du crime à New York.
Dans une ville corrompue jusqu’à l’os, les trois représentants de l’ordre avaient décidé d’unir leurs forces pour lutter face à cette menace rampante qui avait même infiltré les rangs de la police. L’épisode de 1992, quant à lui, tirait le fil de la vengeance des forces du mal en introduisant de nouveaux personnages parmi les gentils. Ainsi, alors que nos valeureux combattants avaient raccroché après le tumultueux épisode 1, Adam Hunter (seul à être resté dans la police) est sauvagement kidnappé à son domicile. Son jeune frère, Eddie Hunter, dit « Skate », met alors tout en œuvre pour reconstituer l’équipe et retrouver son aîné. Outre Axel et Blaze, Skate fait appel à Max Hatchett, bon pote d’Axel et redoutable catcheur.
En 1994, le troisième volet ravivait une fois encore les tensions entre le terrible Mr. X et nos combattants aguerris. Bien décidé à asseoir son empire, Mr. X s’était cette fois mis en tête de placer de sordides robots à la tête de la ville en lieu et place de ses dirigeants officiels. Là encore, l’équipe de choc était au rendez-vous, accompagnée de nouveaux acolytes.
L’épisode 4, qui nous arrive enfin aujourd’hui (après de nombreuses rééditions sur différents supports mais aussi de nombreux projets focalisés sur un seul personnage) avec dans ses bagages un vent frais de changement et une envie tonitruante de dépoussiérer la licence en enrichissant ses mécaniques et son gameplay.
Streets of Rage 4 : La renaissance
Après tant d’attente (près de 16 ans) et tant de souvenirs amassés, l’enjeu d’un nouvel épisode avait clairement les allures d’un challenge de taille. Comment, en effet, poursuivre l’aventure tout en gardant les codes de la série, en préserver sa sève originelle, tout en lui incorporant les rouages de la modernité ? La tâche est complexe.
Pour préserver au mieux la belle réputation du titre, les développeurs de trois studios français (Dotemu, Guard Crush et LizardCube) ont mutualisé leurs compétences pour échafauder un épisode solide, sérieux et fier de ses racines old school. Ainsi, au niveau graphique, le titre a véritablement connu un bon en avant avec un style très punchy faisant la part belle aux couleurs vives. Les décors en arrière-plan sont également bien pensés et les 12 niveaux qu’il faudra franchir ont tous une identité propre.
Niveau déplacement dans l’espace et gameplay, c’est un beau mélange d’acquis et de nouveautés qui est proposé. S’il est toujours question d’alterner entre déplacements horizontaux et verticaux comme dans les premiers opus, le gameplay s’est quant à lui enrichi de nouveaux combos du plus bel effet. Pour ne citer que l’exemple d’Axel, ce dernier s’est vu affublé d’une attaque spéciale digne de Ken dans Street Fighter.
Toutefois, comme auparavant, ces attaques spéciales vous coûtent de la vie, vous obligeant à diversifier vos approches et à toujours attendre le bon moment pour enchaîner les attaques pieds/poings. Pour les plus jeunes d’entre nous, il ne sera pas nécessaire de rejouer aux versions Mega Drive de la licence pour se rendre compte de ce qu’était le gameplay au cours des années 1990. En effet, les personnages des anciens opus sont déblocables une fois les niveaux achevés dans différents modes de difficulté.
Dès lors, si jouer avec ces personnages d’origine fait clairement plaisir, cela permet également d’éprouver le chemin parcouru et de mieux apprécier l’ampleur du travail accompli dans ce Streets of Rage 4. Pour les plus nostalgiques d’entre nous, sachez qu’il est toujours question de chiper les armes des voyous qui vous attaquent (tesson de bouteille, batte de baseball, couteau et autres joyeusetés) et de détruire certains éléments du décor pour récupérer de la santé (un bon poulet ou une pomme).
La structure des niveaux est aussi toujours la même : on avance bille en tête sur le bitume (la plupart du temps, sans vous spoiler) vers l’ultime boss du niveau en affrontant pêle-mêle moult ennemis aux compétences diverses déferlant sur vous par vagues successives. Si là encore le timing est essentiel, il convient à présent, comme évoqué plus haut, de bien gérer sa santé et ses attaques ultimes pour arriver bien armé face au boss.
Chaque personnage dispose de son propre style et de ses propres enchaînements, plus ou moins destructeurs. Par exemple, Axel a clairement plus de punch que Blaze mais celle-ci est sans doute plus vive et rapide. Floyd est un vrai tank qui détruit tout sur son passage et son gameplay est sans doute le moins subtil des 5 personnages jouables. Reste à voir si le plaisir de jeu est intact et si la densité du titre suffit à assouvir notre soif de baston.
Un épisode de belle facture
Si le titre parvient assez bien à concilier héritage du passé et exigences du présent, il convient également de souligner que le jeu déploie plusieurs arguments assez convaincants. Même s’il n’y a que 12 niveaux à parcourir, l’architecture d’ensemble du soft s’articule autour de la notion de défi. Pour preuve, s’il est assez aisé de terminer le jeu en mode facile (il faut compter entre 4 et 5 heures pour cela), il en sera tout autrement dans les autres modes (normal et difficile, très difficile et mania) puisque le nombre de vies sera drastiquement réduit et les coups coûteront cher.
C’est sans doute en cela que Streets of Rage 4 s’adresse directement aux fans. Comme à l’époque, il vous est donc possible de partir à l’aventure en prenant le risque de tout perdre en cas de game over. Autant dire qu’il faut avoir le cœur bien accroché et les nerfs suffisamment solides pour affronter ce type d’épreuves.
À cela s’ajoute d’autres modes de jeu donnant la possibilité soit de jouer en ligne pour affronter des joueurs du monde entier, de se refaire les combats de boss ou d’affronter des potes dans des combats endiablés. Cet épisode ne manque donc pas de ressources pour soumettre les joueurs au défi permanent de se dépasser encore et encore.
Mais tout le sel du titre est bien entendu l’exigence technique, qui, au fil des parties se fait plus criante, surtout dans les modes de jeu supérieurs. L’esthète cherchera ainsi le perfect et enchaînement de coups ne laissant aucunement respirer l’adversaire. Le puriste voudra quant à lui tirer le meilleur de son personnage et jouer sur ses qualités tantôt de déplacement, tantôt de punch par exemple. En un mot, le fan traquera inlassablement toutes les subtilités de ce Streets of Rage 4 en dénichant ça et là toute la profondeur de jeu voulue par les développeurs.
Les plus fous d’entre nous s’amuseront pour sûr à enchaîner les attaques spéciales imposant une mise en balance du niveau de santé du personnage et sa capacité à foudroyer son adversaire. En cas de réussite, le joueur sera clairement récompensé et aura cleaner la portion de niveau avec brio. En cas d’échec, lorsque par exemple le joueur prend un coup, la santé du personnage en sera particulièrement affectée. C’est donc bien une logique de prime de risque qui est mise en œuvre, nous incitant perpétuellement à faire des choix stratégiques assez savoureux.
Il va sans dire que les attaques ultimes (symbolisées par des étoiles sous la jauge de vie du perso) imposent également une prise de décision parfois corsée tant les possibilités de looter des étoiles dans le jeu sont rares. Toutefois, l’exigence d’un joueur actuel surpasse sans nul doute celle d’un joueur des années 1990. Si à l’époque, on acceptait sans doute plus facilement les défauts d’un jeu, force est de constater qu’aujourd’hui tout est scruté à la loupe et certains manquements se font assez pesants.
…mais quelques éléments additionnels auraient été les bienvenus
Le plus cruel d’entre eux est sans doute l’impossibilité de contrer les coups ou d’opérer une véritable esquive intentionnelle ou calculée. On pourrait arguer que cette dimension n’est pas dans l’ADN de la licence. Malgré tout, puisque certains ennemis sont capables de le faire (les combattants boxe thai, les « raven »), il pourrait être tout à fait envisageable de l’introduire dans la panoplie de gestes disponibles pour nos personnages jouables. Une remarque similaire pourrait être faite au sujet des déplacements latéraux dont usent et abusent les ennemis « big ben ».
Autre point important, exit les attaques combinées qui mobilisaient deux personnages à la fois dans le premier opus de la saga par exemple. S’il est possible, moyennant un enchaînement impeccable, d’envoyer valser un adversaire vers un allié pour que celui prenne le relais, la combinaison à proprement parler a tout simplement disparu de ce volet. Certains n’y verront pas de problème majeur, d’autres ressentiront un certain manque.
De manière plus générale, et pour faire écho à l’attente colossale qui auréolait le titre, on peut se dire après plus d’une douzaine d’heures de jeu en solo que c’est bien la prudence qui a été de mise dans la conception d’ensemble du titre. Cherchant assez peu à quitter les sentiers battus, Streets of Rage 4 a le mérite de sa seule existence mais guère celui de l’audace.
Arguons peut-être avec bienveillance que cet opus se place ici pour prendre le pouls du public et éventuellement sonder les attentes de la communauté, aujourd’hui bien plus éclectique qu’il y a 20 ans. Si tel était le cas, on pourrait s’attendre soit à du nouveau contenu à moyen terme, soit, ce qui serait encore mieux, à une véritable relance de la licence dans les années à venir après avoir largement bénéficié des retours des joueurs. C’est tout le mal que l’on souhaite à ce volet très agréable à jouer mais aussi très accessible au plus grand nombre.
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