Silent Hill revient de loin, très loin même. En 2012, après la sortie de Downpour, on pensait la série morte. Book of Memories ne relèvera pas le niveau et l’annulation de Silent Hills de Kojima n’a fait que renforcer ce sentiment. Mais voilà que, depuis peu, Konami s’est souvenu qu’elle avait une licence en or entre les mains. Les projets s’enchaînent et le succès du remake de Silent Hill 2 n’a fait que renforcer les attentes autour de Silent Hill F. Le titre est là, on y a passé beaucoup de temps, mais est-il le digne héritier des grands épisodes ?
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ToggleUn Silent Hill dans le Japon des années 1960
Silent Hill, c’est d’abord une ville. Mais la terreur peut frapper partout et même avant les événements narrés dans les premiers épisodes. Silent Hill f ne nous emmène pas dans une sombre ville américaine, mais dans le Japon des années 1960, au sein de la ville fictive d’Ebisugaoka. Pas d’adulte torturé à la recherche de la rédemption ou de son déni, mais une jeune lycéenne.
Dans cette nouvelle production signée Konami et NeoBards, on se retrouve aux commandes de Hinako Shimizu, une étudiante autrefois joyeuse et très active qui s’est petit à petit renfermée sur elle-même à cause de parents dysfonctionnels et d’une pression sociale de plus en plus lourde. Hinako est en effet amie depuis toujours avec un jeune homme nommé Shu, ce qui donne naissance à de nombreuses rumeurs et incompréhensions. Décidant d’aller prendre l’air suite à une nouvelle dispute avec ses parents, Hinako descend la colline menant à la ville.
Sur le chemin, elle ne rencontre personne et s’étonne de la situation. Elle finit par retrouver son ami Shu devant la supérette servant de rendez-vous, après quoi deux autres lycéennes viennent les rejoindre. Soudainement, l’ambiance change, le vent souffle et une épaisse brume apparaît. Elle s’accompagne de racines et de plantes rouges, et là, tout bascule. La fuite est obligatoire, après quoi une première créature faite de chair et se mouvant comme un pantin apparaît. Silent Hill f commence…
Pour autant, et c’est un léger défaut du jeu à notre sens, l’esprit Silent Hill n’apparaît pas tout de suite dans Silent Hill f. L’esthétique est là, mais on ne retrouve pas immédiatement les ressorts narratifs de la franchise. Le questionnement sur ce qu’il se passe, la part de réalité et de cauchemar, et l’implication du personnage principal prennent du temps à se mettre en place. Rien de problématique, tant l’ensemble est solide, mais les premières heures ressemblent plus à un très bon jeu d’horreur dans un Japon à la frontière entre l’urbanisation et le traditionalisme qu’à Silent Hill. Siren fait clairement partie des inspirations. Rassurez-vous, quand tout se met en place, on est en plein dans Silent Hill, et ce n’était pas gagné avec le changement de cadre et d’époque.
Les fleurs du mal
Silent Hill a toujours souhaité nous perdre tout en étant en réalité extrêmement linéaire dans sa progression. NeoBards l’a parfaitement compris et on erre toujours un peu dans le dédale qu’est Ebisugaoka, dans le collège, en forêt ou dans les secteurs cauchemardesques habités par un homme au masque de renard avant de trouver sa route. Les passages en intérieur cachent toujours de petites choses à récupérer comme des ressources, des documents ou encore de petits puzzles annexes.
Tout au long de l’aventure qu’est Silent Hill f, on cherche un peu son chemin sans vraiment le chercher. Bref, du Silent Hill. Autant dire que la progression dans tous ces environnements est un bonheur, tant tout est très travaillé et détaillé. Artistiquement, Silent Hill F frappe fort tout en conservant ce côté décrépit.
Au cours des différentes présentations, NeoBards affirmait que sa ligne directrice était, globalement, « le beau dans l’horreur ». Intention réalisée pleinement, car tout ce qu’on visite est beau, détaillé, doté d’une ambiance folle et d’éléments renforçant constamment le côté oppressant de la formule.
Seule ombre au tableau, les zones cauchemardesques, essentiellement tournées vers les énigmes, qui peinent à se renouveler et à offrir de la surprise. À certains moments, on s’est même dit « tiens, cela a été mis là parce qu’ils ne savaient pas comment l’utiliser autrement ». On arrive d’ailleurs là à un autre petit problème de Silent Hill f : sa structure. Au bout de quelques chapitres, on sait parfaitement comment les choses vont s’enchaîner. Jouer cet enchaînement n’est pas un problème, car tout est réalisé avec soin.
Mais on voit le squelette, et ça, c’est un peu dommage quand on a entre les mains une franchise de 25 ans qui revient en force. Pour la faire courte, on a parfois le sentiment que des éléments ou des séquences ont été rentrés au chausse-pied et que l’équipe a souhaité, de façon peut-être trop visible, être prudente vis-à-vis de la franchise. Quitte à changer d’époque et de lieu, on aurait apprécié, sans que cela ne remette en cause la qualité de l’ensemble, un peu plus de folie dans la structure.
Ambitions et frustrations
Passons désormais au gameplay de Silent Hill f, un point qui a beaucoup fait parler, notamment après les premières previews. Pour cet opus, NeoBards et Konami ont choisi d’un peu plus miser sur l’action. Au début armée d’un simple tuyau et en l’absence d’armes à feu, Hinako est dépendante du corps-à-corps et, fatalement, le rendu est lent. L’ajout d’une jauge d’endurance, censée apporter de la nuance et souligner la fragilité du personnage, ne fait en réalité qu’alourdir les sensations, du moins au début : les esquives sont bridées et le système de verrouillage n’est pas toujours très heureux, surtout dans les petits environnements.
Heureusement, de nombreux combats peuvent être évités, et l’approche discrète s’impose souvent. Une capacité de concentration, activable via L2 pour ralentir le temps au prix de santé mentale, permet toutefois de se préparer au mieux et de placer un contre dévastateur au meilleur moment. Car oui, en plus de sa jauge de santé et d’endurance, Hinako dispose d’une jauge de santé mentale. Elle permet donc de se concentrer, mais permet aussi d’absorber certains dégâts. Avoir moins de santé mentale rend de fait les ennemis beaucoup plus dangereux. Au final, le jeu multiplie les mécaniques étoffant son gameplay et apportant une certaine variété, mais cette ambition se heurte à une rigidité parfois handicapante et une exécution pesante.
Ce système de combat, fonctionnel, globalement réussi mais parfois frustrant, fonctionne de concert avec le système de ressources et les mécaniques de progression. Pleinement intégré à la narration globale, ce duo voit Hinako disposer d’un inventaire limité et collecter des pilules rouges pour gérer les blessures immédiates, des kits de soin, des kits de réparation (les armes s’usent et se brisent), des bandages ou divers consommables.
Parfois, ces consommables peuvent être utilisés pour se soigner mais également être donnés en offrande aux autels servant de points de sauvegarde manuels. En vendant ces consommables et quelques objets, on récolte de la foi qui peut être utilisée aux côtés d’ema débusqués (de petites tuiles peintes) pour faire progresser les statistiques du personnage (santé, endurance, etc.) mais également pour piocher des amulettes. Pas forcément évident à prendre en main au début, ce système ajoute une dimension tactique à la progression qui est bienvenue.
Un bestiaire et des énigmes travaillés mais pas toujours habilement exploités
Pour combattre, il faut des ennemis, et de ce côté-là, NeoBards a bien travaillé, même si le bestiaire reste limité et qu’à certains moments, on nous ressert à la chaîne les mêmes adversaires ou des versions légèrement modifiées de ceux-ci. Parmi les créatures dérangeantes et viscérales présentes dans ce Silent Hill f attendu au tournant, on croise notamment les kashimashi, poupées désarticulées et violentes ; les ayakakashi, figés tels des épouvantails corrompus ; des oi-omoi, un amas de poupées reflétant des traumatismes ; ou encore les ara-abare, masses de chair putréfiées recouvertes de fleurs rouges.
Quelques boss accompagnent la progression sans devenir trop imposants, mais on regrette quand même que le soin apporté au design ne soit pas mis au service d’une meilleure répartition des menaces. La peur et le sentiment de malaise habituellement générés par ce type de créature s’effacent assez rapidement. Fort heureusement, la beauté esthétique du jeu, le soin apporté à la mise en scène et l’excellence du sound design viennent largement compenser un côté parfois trop scolaire.
Restent les énigmes, extrêmement cohérentes avec le reste du jeu, mais versant parfois un peu trop dans l’ésotérisme et le mystère pour être pleinement compréhensibles. Peut-être est-ce la faute à une traduction imprécise, mais on s’est quelquefois retrouvés à tâtonner pour finalement trouver la solution sans qu’on en comprenne la logique. En dehors de ça, on se retrouve face à de l’observation et de la déduction à travers des puzzles classiques mais efficaces.
Doutes, violence, craintes, remords, duplicité : Silent Hill f s’inscrit pleinement dans la franchise
Reste enfin à aborder le sujet de la narration. C’est particulièrement difficile dans le cadre d’un Silent Hill car, vous le savez, chaque petit élément peut en réalité éclairer un pan entier de l’histoire au fil des runs et des fins débloquées. Sachez d’ailleurs que NeoBards n’a pas oublié d’inclure dans Silent Hill f de nombreuses fins, invitant les joueurs à relancer une partie pour découvrir de nouveaux dialogues, des scènes inédites ou des modifications dans le monde du jeu. Sachez que si les éléments de l’intrigue tardent un peu à se mettre en place, les personnages sont très bien écrits, l’univers du jeu offre plein d’éléments de compréhension et d’interrogation supplémentaires, et le titre parvient à merveille à nous balader. En bref, Ryukishi07 a réalisé un excellent travail.
On se demande toujours si on comprend bien ce qu’on croit comprendre, que la duplicité des personnages est constante, que la méfiance est de mise ou encore que le propos est assez intimiste, explorant comme souvent les traumas intérieurs. Il est difficile de savoir à quoi s’en tenir avec Hinako, et cela jusqu’au bout. Une vraie réussite, même si cela induit parfois quelques menus soucis de rythme qu’on pardonne tant les choix faits servent l’histoire dans son ensemble. C’est simple, à la fin de la première partie, on a tout de suite eu envie de relancerpour découvrir d’autres éléments et tenter de démêler tous le fils de la trame narrative de Silent Hill f.
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