Né sous l’impulsion d’un seul homme, Yang Bing, il y a plus d’une décennie, Lost Soul Aside est petit à petit devenu le porte-étendard du China Hero Project (le programme de curation des jeux chinois chez PlayStation), en plus d’être sa plus grande arlésienne. Récupéré sous la bannière PlayStation après une démo technique qui avait bluffé, le jeu a n’a cessé de revoir ses ambitions depuis sa première apparition en 2016. Ce qui apparait aujourd’hui comme une erreur, tant l’expérience aurait gagné à se débarrasser de tout le superflu qu’elle nous présente dans sa version finale.
Conditions de test : Nous avons joué à Lost Soul Aside sur une PS5 standard, en ayant terminé le jeu en 20 heures. Nous avons ensuite essayé les modes endgame (et le mode Difficile) durant environ trois heures supplémentaires. Nous avons principalement joué dans le mode Performances.
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ToggleLe Final Fantasy Versus XIII « à la maison »
On se souvient encore du petit impact qu’avait causé Lost Soul Aside lors de sa première démo technique il y a presque dix ans. L’ère où les beat’em all étaient rois n’était pas très loin, tout comme le fantôme de Final Fantasy Versus XIII. Yang Bing s’inspirait de tout cela pour créer le jeu d’action de ses rêves, avec un système de combat qui semblait trop bien exécuté pour être réalisable avec les moyens de l’époque. Une décennie plus tard, les standards ont évolué et il semblerait que Ultizero Games (le studio derrière le projet) se soit senti forcé de rentrer son jeu dans un moule qui ne lui allait pas. Et ça se voit.
Derrière le travail de précision effectué sur le cœur du gameplay (dont on reparlera plus bas), des tas de choses ont été placées au chausse-pied pour que Lost Soul Aside ressemble à un jeu d’action AAA qui n’aurait pas la philosophie d’un jeu de l’ère PS2. C’est-à-dire un soupçon de mécaniques de RPG qui ne le servent pas forcément, du remplissage pour atteindre un certain quota d’heures pour justifier son prix (70 € on le rappelle), et tout un récit et une galaxie de personnages dont on se fiche royalement, mais qui permettent de standardiser l’expérience pour la rendre moins brute de décoffrage.
On ne s’attardera guère sur ce dernier point tant Lost Soul Aside n’a rien à raconter. Des histoires clichées dans ce genre de jeux, on en voit par douzaines, mais le titre d’Ultizero Games ne fait même pas l’effort de rendre ne serait-ce qu’un personnage attachant. Dans toute cette histoire d’aliens mystiques revenus du passé pour détruire l’Humanité, d’empire malfaisant et de révolutionnaires gentillets qui tirent des feux d’artifices plutôt que de combattre (si si), on peine à trouver un point d’ancrage qui ferait en sorte que l’on s’intéresse à ce que l’on nous raconte lorsqu’une ligne de dialogue apparait à l’écran.
Kaser – protagoniste dont le charisme est resté en 2007 – n’a rien à offrir à ce sujet et le dragon qui l’accompagne, Arena, ne cesse de déblatérer des éléments de lore que l’on ignorera assez vite, et ce n’est pas l’antagoniste aux allures de Sephiroth qui aurait mangé un Chevalier d’Or qui va nous tenir en haleine. L’inspiration Final Fantasy se ressent, mais avec tout le pire de ce que la saga de Square Enix a pu offrir dans ce domaine. Le tout n’est pas aidé par un doublage anglais à la limite du comique, compensé par un doublage japonais et un doublage chinois bien plus corrects.
On apprend vite à faire fi de tout cela, même si le prologue du jeu fera tout pour vous décourager à ce sujet. Les deux premières heures de Lost Soul Aside sont probablement ses pires, en grande partie à cause de toute cette exposition plus que barbante. L’autre point qui rend cette introduction pénible, c’est le système de combat qui démarre comme un diesel, alors qu’il est la plus belle chose que le jeu a à offrir.
Jackpot
En s’inspirant autant de Final Fantasy que de Devil May Cry, Lost Soul Aside aurait sans doute gagné à ne prendre exemple que du deuxième. Car ce qu’il démontre ici, lorsque l’action démarre réellement, est très solide. Kaser dispose d’un arsenal qui peut s’étendre à quatre armes avec lesquelles il peut jongler à la volée entre deux combos. Ces derniers, simples à exécuter sur le papier, laissent une grande marge de manœuvre pour faire place à votre créativité. Si la plupart des combos de base se contentent de nous faire marteler la touche Carré ou la touche Triangle, d’autres demandent de jouer avec la touche R2 en appuyant au bon moment pour que Kaser rajoute une attaque supplémentaire qui fera beaucoup de dégâts.
Jouer avec ce timing tout en manœuvrant les différentes armes devient alors un véritable plaisir de technicité, qui assure le spectacle en continu. Certes, Kaser est si vif et déclenche tant de réactions à l’écran qu’il peut être difficile de le suivre sur le terrain (vous prendre des screenshots clairs était un exercice complexe), mais la sensation reste grisante même lorsque l’on ne comprend pas tout ce qui se passe. Chaque arme est agréable à manier (mention spéciale pour la faux) et dispose d’un grand arbre de compétence faisant évoluer le gameplay au fil des heures. On prend alors plaisir à trouver différents combos entre l’épée de base et la double lame, la grande épée et la faux, et ainsi de suite.
À cela s’ajoutent les pouvoirs d’Arena, notre dragon de compagnie, qui donnent accès à des compétences spéciales qui demandent un certain coût en énergie. Là encore, la diversité est de mise et vous aurez assez de pouvoirs à disposition pour créer des combos ravageurs via des attaques qui permettent de jongler avec les adversaires, ou bien vous contenter de la puissance brute bête et méchante, comme avec des tourelles ou une zone d’énergie qui inflige des dégâts en continu.
Derrière ce qui ressemble à du bourrinage de touches en règles, Lost Soul Aside ne veut pas non plus rendre Kaser intouchable. Vous devrez donc manier avec une grande prudence l’esquive, qui est limitée à une jauge d’endurance, tout comme une parade qui peut être difficile à prendre en main. Celle-ci va vous octroyer un bouclier limité, qui n’aura d’effet que s’il est déclenché avant une attaque ennemie. Un contre bien placé vous aidera ainsi à réduire l’endurance de votre opposant, pour qu’il soit ensuite plus vulnérable et donne accès à un combo spécial d’Arena, qui dépend de l’arme que vous portez sur le moment.
Chose essentielle pour venir à bout des boss, qui montrent la meilleure facette de ce système de combat. La plupart d’entre eux offrent des affrontements dantesques avec des mécaniques singulières, qui proposent parfois un sacré challenge avec une maitrise de l’esquive qui devient primordiale. Et si l’on n’ira pas jusqu’à dire que tous sont réussis, la grande majorité des boss offre de jolis moments, aidés par une bande-son qui fait étonnamment bien le travail (et dont le thème principal a été composé par Yoko Shimomura). Dommage qu’ils se terminent presque tous de la même manière, avec un Kaser virevoltant qui enchaine les pirouettes dans des chorégraphies qui manquent d’impact et qui virent de temps en temps au ridicule. Ne faites pas un jeu à boire en comptant ses saltos inutiles.
Quand on tire trop sur la corde
Réussir son système de combat, c’est bien le plus important pour un jeu d’action. Encore faut-il avoir une science du dosage pour ne pas nous en dégoûter. La structure très répétitive des niveaux va vous demander d’enchaîner arènes sur arènes avec un bestiaire que vous finirez par connaître sur le bout des doigts. La formule devient vite épuisante, pour ne pas dire éreintante lors du dernier tiers du jeu. Vous l’aurez compris, vous profiterez surtout du jeu après son prologue, et avant l’entame de sa dernière partie.
Si l’on met de côté sa dernière heure qui est une suite de boss épiques (parmi ses meilleurs), Lost Soul Aside arrive clairement à bout de souffle dans sa dernière partie. C’est là qu’il va multiplier les sous-boss aux PV incroyablement hauts, étirant ainsi des combats qui jouent pourtant sur une sensation de vitesse et de puissance. Lorsque Kaser n’arrive plus qu’à enlever un petit pixel de la barre de vie d’un ennemi après un combo qui en met plein la vue, on perd tout le charme de l’expérience. Cette difficulté mal dosée est couplée à ce scénario qui nous fait vagabonder bien trop longtemps, rendant les derniers donjons interminables.
Et ces derniers ne sont pas toujours sauvés par des phases de plateformes… dispensables. Certes, quelques puzzles bien sentis jouant avec certaines mécaniques arrivent à offrir une pause bienvenue entre quatorze combats, encore fallait-il que les sauts ne soient pas aussi imprécis. Cela vient du fait que Kaser est très flottant, rendant chaque saut très aléatoire. De quoi causer quelques crises de nerfs entre deux bonnes (simples) idées qui fonctionnent.
N’ayons pas peur de la simplicité
En parlant de chose dispensable, adressons un cri du cœur qui n’engage que nous : tous les jeux d’action modernes n’ont pas forcément besoin d’une composante RPG. Dans Lost Soul Aside, elle a beau être légère, elle vient s’immiscer dans un système qui pourrait parfaitement s’en passer. S’il est amusant de pouvoir rajouter des breloques sur nos armes pour en modifier l’apparence, l’ajout d’un bonus de +1,3% de brise-défense ou de 2% de taux critique ne change pas tellement la donne en mode Normal.
Il faut attendre la partie endgame du jeu – assez riche en combats bonus (tout en débloquant un mode Difficile) – ou bien aller dénicher des défis optionnels dans des arènes pour comprendre qu’il faut optimiser son build comme il se doit, étant donné que la difficulté monte d’un cran. Si vous perdez trop souvent, vous recevrez de l’équipement permettant de réduire les dégâts tout en étant vous-mêmes plus dangereux, mais que les amateurs de défis se rassurent, tout cela est optionnel. Il est cependant dommage de voir que ces combats deviennent petit à petit plus dépendants de notre équipement que de notre maîtrise des rouages du gameplay, surtout dans un jeu qui s’inspire autant de beat’em all.
Et puis, toute cette partie n’est jamais vraiment passionnante et semble avoir été rajoutée comme une condition sine qua none pour coller au paysage actuel des jeux d’action, tel un God of War (et le fait que le jeu soit édité par PlayStation n’est sans doute pas un hasard). Le système de craft d’objets ne semble quant à lui exister que pour justifier l’envie d’aller ramasser tous les points lumineux à travers un niveau, tel un Final Fantasy XVI (et ce n’était pas la meilleure chose à retirer de cet épisode).
Cela donnera au moins l’occasion d’apprécier les décors du jeu, qui manquent parfois d’inspiration (dans les donjons) mais qui savent aussi offrir de beaux panoramas. Sur le plan technique, Lost Soul Aside s’en sort étonnamment bien sur une PS5 standard, avec un framerate qui ne vacille que dans une partie du monde très spécifique. Sur PC, le résultat est plus mitigé à la vue des premiers retours, laissant penser que le jeu a d’abord été conçu pour la machine de Sony. Ce résultat visuel très correct est sans doute lié à cette économie de moyens réalisée par des niveaux relativement vides malgré l’effet de grandeur des décors, qui laissent peut-être encore apparaitre les stigmates d’un développement qui n’a cessé de changer de cap.
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