Vingt-cinq ans après Donkey Kong 64, le célèbre gorille signe enfin son grand retour dans un véritable jeu d’aventure en 3D avec Donkey Kong Bananza. Pour ce projet, Nintendo a confié les clés à l’équipe derrière Super Mario Odyssey. Une simple information qui suffit à rassurer quant à la qualité et aux ambitions du titre. Pourtant, cette nouvelle formule, taillée sur mesure pour Donkey Kong, casse radicalement les codes de la plateforme traditionnelle que l’on connaît à travers le plombier moustachu. Un changement de style brut, mais rafraîchissant. Nintendo tient là l’un des jeux les plus solides de la Switch 2, même si la roche peut parfois s’avérer un peu dure.
Conditions de test : Nous avons terminé le jeu et ramassé plus des trois quarts des collectibles. Nous avons joué principalement en mode docké en 1440p mais aussi en mode portable pendant un petit moment dans chacun des mondes. On précise également qu’en raison des restrictions de Nintendo sur les test (et aussi pour ne pas divulgacher des surprises), nous ne pourrons pas rentrer en détails sur certains éléments du jeu.
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Grâce aux nombreuses interviews récentes des développeurs, nous savons que le développement de Donkey Kong Bananza a commencé immédiatement après la sortie de Super Mario Odyssey en octobre 2017, et est dirigé par Kenta Motokura et Kazuya Takahashi. Un cycle de production extrêmement long, assez rare dans l’industrie en dehors d’exceptions comme GTA 6. Imaginer un concept 3D intelligent pour un personnage aussi massif que Donkey Kong, reposant essentiellement sur sa force, n’était pas une mince affaire. Pourtant, Nintendo est parvenu à exploiter brillamment ce potentiel destructeur.
Initialement conçu sur Switch de première génération, avec l’idée de voxels (des pixels en 3D sous forme de cubes et destructibles pour résumer simplement) pour creuser et détruire, le projet a ensuite basculé sur Switch 2, pour bénéficier de sa puissance et permettre un monde destructible plus vaste. Pour compenser le manque de subtilité du gorille, DK est accompagné de Pauline, ici représentée comme une adolescente de 13 ans. Un duo riche en symboles, puisque Pauline fut la toute première demoiselle en détresse dans le Donkey Kong original de 1981, avant d’être réintroduite en tant que maire de New Donk City dans Super Mario Odyssey.
Bananza joue sur cette relation historique dans un cadre beaucoup plus bon enfant et cinématographique. Si le parallèle avec Les Mondes de Ralph est assez évident, le jeu s’inscrit surtout dans la continuité des nouvelles ambitions de Nintendo autour de ses personnages, déjà amorcées avec Super Mario Bros., le film. Avec un nouveau design pour DK, une relation touchante entre les deux protagonistes et une mise en scène plus chorégraphiée, Donkey Kong Bananza s’inspire clairement du cinéma d’animation occidental, notamment chez Disney et Pixar. Le chant y joue d’ailleurs un rôle central, Pauline utilisant des chansons magiques pour déclencher les transformations animales de DK.
Le résultat est un duo complémentaire et très attachant, que l’on prend plaisir à suivre. Il en résulte une vraie synergie affective dans le gameplay : Pauline commente l’action, encourage DK, alerte face au danger… Cela donne du rythme et de la vie à l’aventure, là où Nintendo a longtemps cultivé la tradition du héros muet. La jeune femme bénéficie d’ailleurs d’un doublage français particulièrement juste, même si l’ensemble des chansons utilisent la version anglaise.
En revanche, cette mise en scène reposant avant tout sur l’image et le son s’accompagne d’un scénario globalement trop minimaliste. Nintendo introduit des univers très intéressants, mais peu approfondis. Mis à part quelques dialogues avec Pauline, rien ne vient véritablement étoffer le lore. L’histoire reste donc en surface, même si le jeu creuse profondément. C’est particulièrement vrai pour les nouveaux antagonistes qui dévoilent une nouvelle galerie de méchants intrigante mais clairement sous-exploitée.
Ouh Banana !
Heureusement, Donkey Kong Bananza peut compter sur un spectacle constant en matière d’expériences et de gameplay, qui se conclut en apothéose avec un arc final spectaculaire et surprenant. La magie de Nintendo opère plus que jamais grâce à un système de jeu en perpétuelle évolution, nourri par l’ajout régulier de nouvelles mécaniques et des mondes soigneusement conçus (appelés ici « Strate »). Chaque zone est véritablement unique, pensée comme un immense terrain de jeu voxelisé, entièrement modulable et creusable, où Donkey Kong peut frapper, écraser, sculpter ou remodeler presque chaque recoin.
S’il y a un plaisir immédiat à tout casser, surtout quand des coffres, de l’or ou des objets apparaissent aléatoirement, les biomes restent suffisamment vastes et complexes pour ne pas encourager le farming irréfléchi. En pratique, tout est destructible à coups de poing, mais creuser au hasard pendant des heures pour dénicher des secrets n’est ni gratifiant ni vraiment amusant. Cela ne signifie pas pour autant que l’on est excessivement guidé. Bien qu’il soit assez simple de suivre le fil rouge du jeu en discutant avec les PNJ (qui peuvent vous indiquer le chemin), cette démarche reste totalement optionnelle. Chaque monde repose avant tout sur la curiosité et le plaisir de l’exploration, notamment pour mettre la main sur les innombrables bananes et fossiles disséminés dans l’environnement.
Chaque monde est aussi ponctué de défis, qu’ils soient intégrés directement au terrain ou accessibles via des portails proposant des niveaux courts, comme des phases en 2D, des combats ou des parcours exploitant une mécanique de gameplay spécifique, comme le surf sur des morceaux arrachés à l’environnement. Si certaines structures se répètent d’un biome à l’autre, chacun possède ses propres règles de destruction. Mais tous reposent sur un level design vertical et stratifié, conçu pour encourager l’expérimentation. C’est là que le duo DK/Pauline prend tout son sens.
Tandis que Donkey Kong façonne le terrain à coups de poings, les chants de Pauline déclenchent des transformations animales ou des réactions environnementales qui ouvrent de nouvelles voies. Ce gameplay asymétrique, sans cesse renouvelé par les mécaniques propres à chaque monde, donne une véritable identité au jeu, entre bac à sable destructible et plateforme rythmée.
DK fait l’autruche
Donkey Kong dispose d’une palette de coups assez basique au départ, mais au fil de l’aventure, il accumule des bananes qui lui permettent de gagner des points de compétence. Ceux-ci peuvent être investis dans un arbre dédié pour augmenter sa barre de vie, débloquer de nouveaux mouvements, ou encore renforcer ses frappes sur les structures destructibles.
L’autre mécanique qui renouvelle régulièrement le gameplay, ce sont bien évidemment les transformations Bananza évoquées plus tôt. Généralement, elles sont essentielles dans le monde où elles sont débloquées, mais elles restent utiles par la suite pour simplifier l’exploration ou réussir des défis dédiés à chaque forme animale.
Grâce au chant de Pauline, il est possible de se transformer temporairement et ainsi profiter des capacités spéciales de chaque Bananza : l’autruche permet de planer sur de longues distances, tandis que le zèbre peut courir à toute vitesse sur des structures friables… et même sur l’eau. Chaque transformation dispose de son propre arbre de compétences, permettant de débloquer de nouveaux coups ou d’améliorer les capacités existantes. Par exemple, l’autruche peut obtenir des œufs explosifs ou une vitesse accrue en vol. Plus tard, une fois que l’on a maîtrisé l’ensemble, on prend même plaisir à enchaîner les Bananza car il est possible de faire la transition à la volée et de manière fluide.
Malheureusement, nos craintes sur le niveau de difficulté se sont confirmées au fil du jeu. Si les transformations Bananza sont très agréables à utiliser, leur recharge ultra-rapide (via l’or omniprésent dans les niveaux) déséquilibre les combats, rendant la majorité des affrontements trop faciles. Les boss, sauf exceptions, s’inclinent souvent en quelques minutes à peine. Foncer dans le tas paye un peu trop et la facilité déconcertante d’enchaîner les transformations n’aide en rien. Cela dit, si l’on évite d’abuser des consommables facilitant l’aventure, ce déséquilibre concerne surtout les combats, moins les phases de plateforme, qui restent plus exigeantes.
Quoi qu’il en soit, Donkey Kong Bananza est un jeu extrêmement généreux en contenu, et propose régulièrement des moments de détente en marge de la quête principale. Par exemple, dans un monde, il est possible de participer à une course à dos de Rambi face à Diddy Kong et Dixie Kong, dans un clin d’œil bienvenu à l’univers Donkey Kong. Le jeu propose également un endgame plus relevé, avec de nouveaux défis un peu plus corsés, qui viennent relever légèrement la barre pour ceux en quête de challenge. Comptez entre 20 et 30 heures pour finir la quête principale, avec un temps de jeu qui dépendra énormément du temps passé à parcourir les moindres recoins des Strates pour chercher des gemmes de banandium.
Une Switch 2 qui a la banane ?
Visuellement, Donkey Kong Bananza opte pour une direction artistique résolument expressive, on retrouve cette diversité dans les environnements qui, comme chez Super Mario Odyssey, débordent de couleurs et d’effets dynamiques. Il a aussi de grosses améliorations en matière d’animations et d’expressions faciales qui renforcent l’aspect cartoon et cinématographique du jeu.
Là où Donkey Kong Bananza impressionne également, c’est au niveau des sensations manette en main et de son sound design particulièrement réussi. Lorsque Donkey Kong tape dans de la roche, on ressent pleinement la dureté du matériau grâce aux sons d’impact et aux vibrations de la manette. À l’inverse, frapper du sable ou du verre produit une sensation plus douce. Le tout est sublimé par une bande-son audacieuse, portée par les chants de Pauline, oscillant entre soul, funk et comédie musicale. Chaque transformation ou action marquante est accompagnée d’un thème distinct qui ajoute du peps. Le jeu n’oublie pas non plus son héritage musical avec plusieurs thèmes iconiques réarrangés pour l’occasion.
Sur le plan technique, Bananza tourne majoritairement en 60 fps, mais quelques ralentissements peuvent survenir dans les zones très chargées en destructions. Ces baisses restent rares mais suffisamment présentes pour être relevées. En tout cas, sur les dizaines d’heures que nous avons passé, le gameplay reste globalement fluide. En revanche, certaines textures apparaissent inégales selon les biomes, probablement pour privilégier les performances. En mode portable, le gyroscope est assez pratique, notamment pour les jets de projectiles du gorille. Concernant les Joy-Con, la reconnaissance de mouvement reste assez simple mais fonctionne correctement pour ceux qui voudraient s’immerger un peu plus en donnant de vrais coups de poings ou en faisant des percussions sur leur torse pour déclencher la transformations Bananza.
Le jeu propose également un mode coopératif local, où un second joueur peut incarner Pauline et lancer des chants explosifs librement. Bien qu’anecdotique, cela s’intègre bien au concept de destruction et l’on peut facilement donner le Joy-Con à un enfant ou un ami qui ne veut pas se prendre la tête. Enfin, Bananza intègre le DK Artist, une fonctionnalité accessible depuis le menu qui permet de façonner un morceau de roche ayant la forme de DK, d’une pomme ou d’autres choses pour le peindre et le remodeler librement. Ce mode utilise notamment la fonctionnalité souris du Joy-Con droit même si cela ressemble à petit bonus rajouté à la va-vite pour exploiter les capacités d’une Switch 2 qui est encore toute jeune.
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