Surgent Studios s’est fait connaître en 2023 avec la sortie de Tales of Kenzera: ZAU sur PC et consoles. Un metroidvania coloré traitant des origines et de l’héritage familial en mettant en avant l’histoire personnelle du créateur du studio, Abubakar Salim (acteur dans Jamestown, Raised by Wolves et House of The Dragon, et ayant incarné Bayek dans Assassin’s Creed Origins notamment).
Le jeu n’ayant pas rencontré le succès commercial qu’il espérait, tout espoir d’une suite ou spin-off avait été mis en pause par le studio qui s’est alors tourné vers un projet complètement différent pour faire venir les investisseurs pour donner vie aux prochains jeux du studio. Est alors né Dead Take, un jeu d’horreur à la première personne sur les coulisses et dérives du secteur du divertissement et plus particulièrement du cinéma hollywoodien, réunissant un casting très solide dont Neil Newbon et Ben Starr qui campent les personnages principaux.
Exit la relation commerciale avec EA Originals pour ce jeu, puisque c’est PocketPair Publishing (Palworld) via sa nouvelle branche d’édition qui prend le pari ici de distribuer le jeu dans le monde. Dead Take est disponible dès ce 31 juillet sur Steam et Epic Games Store contre 13,99€. Réussite ou pari loupé, que vaut vraiment ce nouveau projet radicalement opposé au premier jeu de Surgent Studios qui joue gros pour son avenir ?
Conditions de test : Nous avons joué à Dead Take à la manette sur PC via Steam en qualité Extra. Nous vous préservons de nombreux spoilers narratifs dans la suite de cette critique.
La face cachée de la Cité des Anges
La nuit est tombée sur Hollywood. Une nuit maussade, brumeuse. Bien loin de l’atmosphère de strass et paillettes de la Cité des Anges, vous incarnez Chase Lowry, incarné par Neil Newbon (Detroit: Become Human, Resident Evil Village ou encore Baldur’s Gate 3). Chase est un acteur à la carrière brillante, mais sur le déclin, qui auditionne pour un rôle phare dans le nouveau film du plus grand réalisateur d’Hollywood, Duke Cain.
Alors que votre ami Vinny Monroe (joué avec brio par Ben Starr – Verso dans Clair Obscur: Expedition 33 ou Clive Rosfield dans Final Fantasy XVI) ne répond plus au téléphone alors qu’il devait participer à une fête grandiose (à laquelle il semblerait que vous n’ayez pas été invité) en marge d’une audition pour le même rôle et le même film, vous prenez la décision de vous rendre chez Duke pour trouver votre ami. Mais à votre arrivée, tout ce que vous trouvez, c’est le calme plat. Une ambiance pesante, plus personne pour vous accueillir, plus aucun invité, et aucune trace de Duke ou de Vinny.
Après vous être introduit dans le manoir du puissant homme de cinéma, vous devrez résoudre une flopée d’énigmes environnementales en fouillant chaque recoin, tout en subissant des « attaques mentales » d’images ou de modifications de la réalité qui viennent vous poser des questions sur la réalité effective des choses qui se déroulent devant vos yeux, ou alors sur une hallucination par exemple (qui sont ces mannequins désarticulés, et qui s’amuse à toquer à la porte ?).
Nous ne vous révélerons pas de ressorts scénaristiques supplémentaires pour vous laisser la surprise totale de la découverte. Sachez simplement qu’au fil des dizaines de minutes de jeu, Dead Take mettra en avant des thèmes à la fois lourds, mais aussi plus intimistes concernant la vie au sein d’Hollywood, comme la corruption, le chantage, l’abus de pouvoir et autres machinations.
Dead Take prend la forme d’un jeu d’horreur à la première personne au sens large du terme. Entendez par là que vous n’aurez pas d’affrontements à proprement parler, pas d’arme à gérer, ni de ressources à crafter. Le jeu va plutôt mélanger d’autres productions en alliant les énigmes et manipulations d’un The Witness à l’épouvante d’In Sound Mind, de qui il se rapproche très nettement. Apparitions mystérieuses, modifications de l’environnement d’un simple retour sur vos pas, apparition furtives de visages à l’écran comme dans Alan Wake II, mais sans jamais tomber dans le screamer facile ou l’action brute.
À huit-clos, huit-clos et demi
De cette manière, Dead Take pourra vous apparaître comme un jeu un peu « mou » et en réalité, vous n’auriez pas totalement tort. Hormis quelques indices narratifs et échanges cryptiques via un téléphone portable, vous n’aurez que peu d’interactions avec un hypothétique monde extérieur, ni aucune phase d’action. Enquête, résolution d’énigmes et réflexion sont au cœur de l’expérience de Dead Take qui aurait plus d’efficacité à se présenter comme un thriller psychologique — voire psychédélique par moments.
Se déroulant exclusivement au sein du manoir, en huit-clos donc, le jeu ne tourne heureusement pas en rond et vous demandera de toujours avancer, mais la rareté de nouvelles pièces (si l’on exclut le SPA fascinant et la cuisine menant au studio d’enregistrement) est telle, que l’on en ressort presque déçu de ne pas découvrir davantage de passages secrets, de zones cachées et autres mystères à résoudre. Et pourtant, bon nombre d’expériences bizarres ont ete menées dans ce manoir de l’enfer, qui cache de lourds secrets à révéler en utilisant votre lampe torche ou votre lampe à UV.
D’ailleurs, en voulant dénoncer certaines pratiques du cinéma d’aujourd’hui en mettant en avant les pressions psychologiques ressenties par certains acteurs, Dead Take s’égare parfois sur sa boucle de gameplay, qui en vient à un peu trop se répéter par moments. Entendez par là que pour réussir votre mission, vous devrez mettre la main sur plusieurs clés USB qu’il vous faudra brancher sur le projecteur d’une salle de cinéma à l’intérieur du manoir, pour observer différents films, notamment des extraits d’auditions de nos deux acteurs principaux, et même plus, dont Jane Perry, Alanah Pearce, Laura Bailey, Matthew Mercer ou encore Sam Lake et Travis Willingham.
L’occasion d’admirer le travail fantastique réalisé par Ben Starr et Neil Newbon dans leurs rôles respectifs du jeune comédien prêt à tout même au pire pour percer, et de l’acteur aussi souvent sollicité et ravagé par une vie de travail dans de mauvaises conditions. Les deux hommes se saisissent pleinement de leur rôle pour délivrer quelques séquences en prise de vue réelle, même si l’on aurait aimé un peu plus de contexte sur leur relation ainsi que sur Neil que nous incarnons du début à la fin.
Cette mécanique de clés USB vous demandera de les associer entre elles pour créer de nouveaux films mystérieux, et ainsi avancer dans l’histoire. Malheureusement, bien qu’obligatoire, cette feature est aussi assez répétitive, d’autant plus que la fin arrive assez vite. Comptez entre 3 et 5 h en fonction de vos performances en résolution d’énigmes — d’autant plus que le jeu ne vous aidera guère sur la marche à suivre, un très bon point ceci dit — avec une très faible rejouabilité, hormis pour récolter tous les trophées vous demandant d’en apprendre plus sur d’autres personnes de l’industrie du divertissement via des conversations très sommaires, des personnes sur lesquelles vous n’aurez aucun autre renseignement (quelle utilité du coup ?). Nous aurions aimé dans ce cas obtenir un point de non-retour ou de recharge avant l’acte final, la maison étant très linéaire dans la dernière demi-heure avec une impossibilité de revenir avant pour terminer les éventuelles recherches de ces conversations.
Côté technique, nous n’avons connu aucun écueil. La traduction française du texte est parfaite (y compris dans les menus qui apportent une touche sympathique), même si on aurait aimé un inventaire un peu mieux travaillé (et un peu plus utile par la même occasion). Le jeu jouit par ailleurs de magnifiques effets de lumière, forcément plus faciles à gérer sur une production de cette ampleur, mais l’ensemble demeure très réussi visuellement parlant.
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