À l’aube de l’été 2024, un petit séisme a retenti dans la sphère francophone du jeu vidéo. L’annonce en grande pompe d’un titre appelé Clair Obscur: Expedition 33 a catapulté Sandfall Interactive, petit studio montpelliérain à la manœuvre, sur le devant de la scène. Un RPG au tour par tour annonçant dès le départ la couleur avec des séquences de combat visiblement très dynamiques, prenant place dans un univers aussi dramatique scénaristiquement qu’inspiré visuellement, dont on pouvait tirer déjà des plans superbes, il n’en fallait pas plus pour nous rendre impatients de voir ces promesses réalisées. Moins d’un an plus tard, après un premier aperçu encourageant et à l’heure où la communication du jeu bat fort logiquement son plein, c’est justement le moment de juger ce que nous a concocté la petite équipe d’une trentaine de personnes, avant la sortie le 24 avril de ce qui n’est ni plus ni moins que leur premier projet.
Conditions de test : Nous avons testé Clair Obscur: Expedition 33 sur PS5 dans sa version 1.100.100 pendant plus de 70 heures en mode Expédition (Normal), le temps de terminer l’aventure, de visiter l’intégralité de la mappemonde, de découvrir un maximum de contenu annexe et d’affronter presque tous les boss optionnels. Du côté du scénario, le test ne mentionne que le pitch de base et se cantonne au strict minimum. Des exemples de quêtes annexes et activités liées au endgame sont évoqués.
Sommaire
ToggleLumière, le monde d’apprêt
Il y a 67 ans, la ville de Lumière a été dévastée par la Fracture. Au même moment, à l’horizon, un nombre visible de tous est apparu sur un gigantesque monolithe. Peint tous les ans par une mystérieuse Peintresse, il s’agit en réalité de l’âge maximal qu’un humain peut atteindre, après quoi son existence se voit purement et simplement « gommée ». Face à ce cruel et macabre décompte signant doucement la fin imminente de l’humanité, des expéditions se lancent chaque année pour tenter de vaincre la Peintresse et renverser le destin.
Un semblant de vie normale essaye donc d’être mené à Lumière, alors que celle-ci reste isolée du monde hostile grâce à un dôme, comme pour préserver encore ce qui peut l’être, et laisser de l’espoir à ses habitants. Un espoir qu’incarne ces combattants, ces Académiciens ou encore ces pauvres âmes désireuses de dédier leur dernière année de vie à la bonne cause en composant une expédition. Malheureusement, celles-ci se sont succédées mais aucune n’est revenue de sa mission, sans ne serait-ce que s’approcher de son objectif.
Notre histoire commence alors que l’expédition 33, notamment menée par Gustave, se prépare à prendre la mer. Maelle, la sœur de cœur de notre héros, s’est entraînée afin de participer elle aussi, et ce malgré ses seize ans. Nous vous laissons d’ailleurs découvrir le prologue mais notez qu’il pose avec justesse les bases de ce monde particulier et tragique, installant assez rapidement une empathie envers ses personnages.
Motivée à l’idée d’être celle qui arrivera à vaincre la Peintresse, l’expédition essuie hélas un échec brutal et quasi total. Ne restent alors que Gustave, Maelle, Lune et Sciel. Quatre personnes pour sauver le monde, qui finiront par rencontrer Monoco, lequel se joindra à eux. Au cours de cette mission quasi impossible visant à atteindre le monolithe, nous traverserons un monde particulièrement ondoyant, rempli de mystères, où à force de vivre des aventures nous apprendrons à connaître chacun de ces personnages, leur personnalité, leurs motivations ou encore leurs doutes à mesure que l’on apprivoise en parallèle leur gameplay.
Car dans ce périple, de nombreux ennemis appelés « Névrons » les attendent. Et l’entraînement des uns et des autres, nous le voyons assez vite, a fini par payer. Dans un RPG au tour par tour, il y a deux écoles. La première consiste à nous laisser toutes les cartes en main pour construire nos personnages, où n’importe qui peut devenir mage, guerrier, ou soigneur. La deuxième penche plutôt pour des rôles bien définis pour chacun, à la manière d’un Final Fantasy IX par exemple.
La palette d’un bon vieux RPG tour par tour…
Eh bien pour ce Clair Obscur: Expedition 33, on a le droit à un mélange des deux se rapprochant un peu de Final Fantasy VII Remake. Nous avons comme base des personnages aux armes et aux mécaniques bien précises, bien distinctes. Gustave alimente plus ou moins son bras à chaque attaque dans l’objectif de lancer une puissante Surcharge une fois à fond. Maelle, armée d’une rapière, se bat avec un système de posture offensive, défensive, ou de virtuose, évolutif selon les compétences utilisées. Dernier exemple, Lune, en tant que magicienne de l’équipe, génère des pigments colorés en fonction des magies lancées. Pigments qui renforcent de futures magies selon leur couleur. Un personnage important face aux Névrons et leurs affinités élémentaires variables.
Rien qu’avec cette base, on voit déjà se dessiner une dimension stratégique où une action bien précise peut demander une préparation d’un ou deux tours afin d’être lancée, bien aidée par l’affichage de l’ordre des prochains tours alliés et ennemis. Sauf qu’une autre partie du mélange existe et concerne l’évolution des personnages. Tous disposent de statistiques de Vitalité, de Force, de Défense, de Vitesse et de Chance. À chaque niveau pris, on a des points à distribuer à loisir au sein de ces stats. C’est là que les builds peuvent prendre la forme que l’on désire. Consacrer un personnage essentiellement tourné sur la Force tandis qu’un autre jouera le rôle de Tank en maxant la défense, ou bien équilibrer un peu toutes les stats, le choix nous revient.
Parallèlement, d’autres types de points permettent de débloquer des compétences, ajoutant des cordes à notre arc, au point de nous offrir de nouvelles perspectives sur la fonction des héros. Et cela tombe bien, il est justement possible de redistribuer les points grâce à l’objet Renouveau si jamais vous aviez de nouveaux plans en tête. Une chose qui peut arriver aussi à cause du choix de l’arme qui se « scale » sur vos statistiques. Autrement dit, une arme affichant une note A en Force deviendra bien plus puissante si la Force est particulièrement élevée chez le personnage concerné. Bref, une manière de construire ses personnages façon Souls, et Dieu sait que l’œuvre de FromSoftware a inspiré l’équipe montpelliéraine.
Mais ce n’est pas tout, une des pièces maîtresses du système de combat se trouve incontestablement du côté des pictos et des luminas. Les pictos sont des sortes de reliques à appliquer sur chaque perso parmi les trois emplacements disponibles. Ils produisent un effet passif, comme des attaques de base plus puissantes, l’activation de bonus comme Carapace renforçant la défense, ou encore des effets supplémentaires liés à l’utilisation d’objets de soin. Dans le même temps, un gain de santé, de défense, de vitesse ou de chance de coup critique accompagne le passif. Une façon de remplacer un système d’équipement traditionnel.
Là où cela devient encore plus intéressant, c’est au niveau des luminas. Après avoir équipé un picto et gagné quatre combats avec, nous obtenons son passif de manière permanente, lequel est ensuite activable sans avoir besoin dudit picto. Il suffit de dépenser des points de lumina, gagnés à chaque niveau, ou en récoltant les très nombreux Lumicolors disséminés un peu partout. Toute une mécanique qui nous rappelle à nouveau Final Fantasy IX, où l’on finissait par apprendre la compétence ou la magie d’une arme ou armure à force de la porter.
L’aboutissement de nos builds passe donc très clairement par le déblocage et l’attribution des luminas. Et Clair Obscur: Expedition 33 offre beaucoup, beaucoup (beaucoup) de pictos. Plus d’une centaine d’entre eux sont à collecter via l’exploration, l’achat chez des marchands, ou bien la victoire face à certains ennemis. De quoi nous contraindre à faire des choix. D’ailleurs, lorsque tout cela est mis bout à bout, on passe par plusieurs sensations.
… sublimée par sa partie temps réel
D’abord, on découvre tranquillement le système de combat et ses personnages tout en équipant sagement nos premiers pictos et luminas. Puis, rapidement, on se sent dépassé voire dérouté par autant de possibilités. Enfin, et lorsque l’on connait un peu mieux notre équipe et que l’on parvient à sentir les combinaisons avec lesquelles on se sent à l’aise, on prend totalement son pied. Après plusieurs heures à tâtonner, on saisit alors tout le potentiel que renferme le gameplay et on sent une montée en puissance tout à fait grisante au fil de notre avancée.
Sauf que l’on n’a pas encore mentionné l’autre pan majeur du combat de ce RPG au tour par tour : sa partie temps réel. Déjà, et pour peu que l’on dispose de points d’action (PA), il est possible de viser librement les ennemis avec une arme à distance, avant de jouer un tour. Certains d’entre eux affichent des faiblesses qui, une fois touchées via cette visée, peuvent clairement faire la différence durant le combat, quand ce n’est pas obligatoire pour tuer des Névrons bien spécifiques.
Mais tout le sel de cette partie temps réel réside dans les mécaniques d’esquive et de parade. Pour 95% des attaques ennemies du jeu, il est possible de ne pas se faire toucher en appuyant sur un bouton au bon moment. Le timing reste un poil plus laxiste pour l’esquive que pour la parade, et pour cause, cette dernière offre la meilleure des récompenses. Une fois toutes les parades réussies lors d’une série d’attaques adverse, un contre est lancé, causant à la fois des dégâts mais aussi une récupération de PA.
Clairement, et on se répète, ce système apporte tout ce dont un tour par tour avait besoin pour ne pas tomber dans un éventuel penchant désuet de la recette. Forcément, au départ et sans trop connaître les patterns des Névrons, on se prend des claques. Toutefois, les amateurs de Souls et notamment de Sekiro vont complètement fondre pour cette mécanique. Et si certains Névrons ne résisteront pas à notre maîtrise de la parade, quelques boss bien énervés imposant des enchaînements au rythme variable et imprévisible lors d’une première approche nécessiteront davantage d’entraînement.
De plus, les combats face à différents types de Névrons font directement appel à notre mémoire musculaire, obligée de jongler entre les patterns dynamiques d’une Danseuse et ceux plus lourds d’un Stalact, par exemple. Pas de place au relâchement, donc, si l’on désire prendre un minimum de dégâts. Or, justement, c’est bien cela qui fonctionne à merveille : on conserve quasi constamment une concentration et une véritable implication durant nos joutes, hormis peut-être les combats contre des ennemis au niveau bien inférieur, naturellement. On en oublierait presque que l’on peut simplement esquiver.
Pour terminer la partie temps réel, on notera aussi les QTE affichés durant une attaque lancée, maximisant ses effets si réussis. Cependant, vu qu’il s’agit systématiquement de la même touche, l’effet est bien moins excitant, d’autant que l’on peut tout simplement activer une option permettant de les réaliser automatiquement. Avec tous ces rouages de gameplay assemblés les uns avec les autres, l’équipe de Sandfall Interactive nous livre alors un système de combat jouissif, profond, aussi stratégique que frénétique. Et au-delà le fond, la forme impressionne tout autant. On en veut pour preuve les superbes animations des attaques autant alliées qu’ennemies, renforçant à fond le côté épique des affrontements. Idem au sujet de l’interface en combat, qui sans atteindre celle d’un Persona, reste bien implantée même si certains textes nous paraissent petits et qu’on regrette un peu de ne pas avoir le nom des Névrons que l’on cible.
Une musique empreinte de lumière
Le combat de Clair Obscur: Expedition 33 est donc un vrai régal, un des aspects clés d’un RPG mémorable. Un autre élément qui est censé y contribuer reste incontestablement la bande-son, et quand on passe plusieurs dizaines d’heures sur un titre du genre, le challenge d’imaginer les compositions propices aux multiples réécoutes est d’autant plus relevé. Sandfall Interactive l’a très bien compris et le travail musical mené par Lorien Testard participe totalement à la réussite du soft. La plupart des compositions orchestrales sont accompagnées par la voix d’Alice Duport-Percier, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles nous emportent, pour ne pas dire envoûtent.
Tantôt en douceur, comme l’ensorcelante « Robe de jour », tantôt avec puissance, la soprano assure une prestation de haute volée qui, couplée à une musique délicieuse, nous offre des morceaux vraiment marquants qui s’ancrent en nous non sans émotion. Une bande-son capable d’aller également dans d’autres directions, quasiment toujours avec succès. C’est le cas des thèmes de combat, par ailleurs assez nombreux, en appuyant avec justesse la tonalité particulière de chaque lieu ou de la situation scénaristique dans laquelle on se trouve.
Reprenant parfois les thèmes classiques dans une version plus pêchue, comme « Our Drafts Unite » l’est pour celui d’Alicia, tout en continuant à nous livrer des partitions plus calmes avec « Révérence », les affrontements nous proposent aussi des registres différents comme le thème jazzy de Monoco, ou encore une petite touche d’accordéon bien de chez nous lors de « In Lumiere’s Name », utilisé pour les combats si particuliers contre les mimes, dont nous reparlerons plus bas.
Il reste quand même des pistes étonnantes, comme quelques compositions liées aux Gestrals. Vu qu’il s’agit d’un peuple particulier et plutôt loufoque, ces dernières marquent donc un vrai décalage avec le reste. Le souci, c’est que ça marche un peu trop bien, au point de nous sortir un peu du mood global. Dans une moindre et différente mesure, il arrive presque la même chose avec le long duo qu’est « Une vie à peindre », un ambitieux et profond morceau de 11 minutes qui, là aussi, ne sera sans doute pas du goût de tout le monde, notamment avec la puissante touche métal apportée par Victor Borba, que l’on a déjà entendu d’ailleurs du côté de Devil May Cry 5: Special Edition, à l’œuvre sur le thème « Bury The Light ».
En résulte quoi qu’il en soit un travail musical de grande qualité, et en rappelant avoir vu également que le gameplay était profondément riche, un terme semble se dégager de ce Clair Obscur: Expedition 33 : la générosité. 30 personnes à l’œuvre, avec forcément moins de moyens qu’un plus gros studio, et pourtant la volonté de bien faire et de montrer une ambition à la limite du raisonnable transpire tout au long du jeu. Un aspect que l’on ressent aussi du côté de son univers.
Un univers qui envoie la gouache visuellement
Partir d’une ville de base comme Paris, dont forcément les plus chauvins en ressentiront une petite fierté, voilà une idée peut-être pas révolutionnaire mais très intelligente pour nous préparer à la découverte du continent. Tout comme l’expédition elle-même, nous quittons nos repères afin de découvrir le plus dépaysant des mondes. Lancé en dehors du dôme, on traverse des terres bigarrées, composées d’une multitude de niveaux et donjons aux ambiances variées et bien marquées. Qu’il s’agisse de l’Océan Suspendu, biome faussement sous-marin, du Sanctuaire Ancien principalement constitué de nuances de blancs et de rouges où rôdent les fameux Sakapatates, ou encore les falaises brutalistes de Rochevagues, on est soufflé par la richesse visuelle de l’univers du jeu.
Au risque de paraître cliché, chaque niveau est un véritable tableau que l’on parcoure. Il nous arrive de nous arrêter pour contempler ce qui nous entoure et les artistes de chez Sandfall Interactive nous invitent en plus tacitement à régulièrement lever la tête. Du sol jusqu’au ciel et presque à chaque instant, nous sommes témoins des ravages de la Fracture. Un lampadaire qui a atterri ici, les débris d’un bâtiment haussmannien arrivés là, un carrousel ou une grande roue flottant dans les airs, Lumière est quelque part toujours avec nous, fragmentée aux quatre coins du monde tout en cohabitant avec les merveilles visuelles de chaque région.
Une sensation appuyée non sans une touche de funeste par la présence constante de cadavres d’expéditions précédentes sur notre chemin. On traverse alors une sorte de chaos plus ou moins organisé qui nous procure un mélange de sentiments, entre l’émerveillement que nous inspire cette direction artistique si ambitieuse, et le malaise suscité par le destin tragique de tout un peuple, comme pour nous rappeler à chaque instant notre mission. Là encore, on en serait presque intimidé avec un côté parfois too much, d’autant que l’on reste un poil mesuré au sujet de la finesse technique du jeu.
En mode Performances, le jeu est très stable au niveau du framerate mais les décors scintillent régulièrement, du clipping peut intervenir et quelques textures paraissent un peu plus grossières que d’autres. Il est très probable que le résultat risque en revanche d’être plus satisfaisant sur un PC très costaud. Attention, le titre reste tout à fait agréable à traverser visuellement, grâce à sa direction artistique et un rendu global sous Unreal Engine 5 très propre, faisant que la magie ne cesse jamais réellement de prendre. Simplement, les plus tatillons verront les imperfections. De surcroit, un patch day one est prévu, de quoi peut être réduire quelques-uns de ces soucis.
La réussite visuelle se poursuit lorsque l’on découvre la mappemonde. Inspirée par la recette typique des vieux Final Fantasy, Dragon Quest et autres Tales of, elle nous offre tout un continent à explorer, à l’échelle redimensionnée pour l’occasion et les rencontres aléatoires en moins, préférant réduire les affrontements ici tout en affichant clairement les Névrons présents dans les environs. En ressort une impression de maquette géante plutôt charmante, qui devrait titiller la nostalgie des fans de la formule RPG old school. Ce continent regorge d’ailleurs de surprises, surtout consacrées au endgame que l’on détaillera un peu plus tard, mais puisque nous venons d’évoquer l’exploration, il convient de faire un petit point à ce sujet.
Rendez-vous en terre inconnue
Vous l’avez peut-être lu dans nos colonnes, Sandfall Interactive a fait le choix de ne pas intégrer de minimap à l’intérieur des niveaux. Afin de justifier un tel choix, Clair Obscur: Expedition 33 est un titre à l’ADN majoritairement linéaire où, à l’intérieur de chaque zone l’exploration est balisée. Les chemins sont la plupart du temps clairement définis, et lorsque les directions se multiplient, on arrive peu de temps après à un cul-de-sac ou bien les routes finissent par se rejoindre. Il existe quand même des portions optionnelles entières, mais on ne tarde pas vraiment à reprendre le chemin principal. Sans minimap, on est donc poussé à aller voir nous-mêmes jusqu’où tel passage nous mène.
Un parti pris qui ne plaira pas à tout le monde surtout que l’on hésite parfois à s’engouffrer dans telle ou telle direction en essayant de deviner s’il s’agit bien du chemin principal ou non. Aussi, et autant que faire se peut, l’équipe de développement a essayé d’éviter au maximum le syndrome « mur invisible ». Et il faut reconnaître que, vu la manière dont est articulé le level design, le résultat s’avère relativement satisfaisant. On repère assez bien ce qui est considéré comme un chemin explorable ou simplement un élément du décor. On a aussi droit à des petits coups de pouce comme la manette qui vibre lorsqu’un point de grappin peut être utilisé, ou encore des prises d’escalade dorées afin de ne pas passer à côté.
C’est d’ailleurs une remarque aux allures de détail, mais le lore de Clair Obscur: Expedition 33 permet de mieux digérer des éléments considérés comme des écueils la plupart du temps. Les journaux audio ou écrits qu’il est si facile de mettre de côté pour les moins patients d’entre nous sonnent ici comme des reliques du passé qu’il est précieux de retrouver. Et pour cause, une expédition veille à enregistrer ses aventures pour prévenir la prochaine, nous laissant souvent des indices pour mieux comprendre le monde ou bien nous signale la présence d’un danger imminent. De même pour les prises d’escalade ou points de grappin évoqués juste avant.
Alors qu’on pourrait pragmatiquement conclure qu’ils ont été mis là par magie, on comprend aussi que les expéditions précédentes ont balisé le terrain pour rendre plus simple l’exploration des suivantes. Plutôt malin de la part des développeuses et développeurs. Restent les cordes lumineuses, permettant davantage de verticalité à l’intérieur des niveaux et faisant office de raccourci une fois activées, dont on ne saisit pas forcément l’origine ni le fonctionnement, d’un point de vue diégétique.
Linéarité rime avec efficacité ?
Malheureusement, notre exploration connait pas mal de sorties de route dès lors que la dimension plateforme entre en jeu. On dispose d’un saut au feeling et au timing pas tout à fait confortables et lorsqu’on nous demande de réussir une succession de sauts sur des plateformes, il est quasiment impossible d’y arriver du premier coup tant on marche sur des œufs. On finit par s’agacer, et ce surtout à partir du moment où la récompense qui nous attend est assez intéressante ou lors de rares séquences où la plateforme est au centre du gameplay, comme lors de l’un des mini-jeux proposés par les Gestrals consistant à grimper une immense tour. Les habitués aux jeux de plateforme auront un peu moins de mal, mais les autres pesteront sans doute, à raison.
Pour en revenir à la linéarité en tant que telle, la capacité à situer ce point comme un défaut ou une qualité dépend des goûts des uns et des autres. Le marché du jeu vidéo nous rappelle année après année à quel point un monde ouvert intéressant est compliqué à concevoir, alors la linéarité peut justement être vue comme une manière d’aller à l’essentiel sans tomber dans l’ennui. En d’autres termes, et en gardant en tête des contraintes de moyens, la linéarité adoptée par Clair Obscur: Expedition 33 n’entrave pas tant que ça la qualité de l’expérience.
En revanche, le studio va juste un petit peu trop loin dans l’idée en ne permettant aucune sauvegarde manuelle. Seules des sauvegardes automatiques, certes très régulières, occupent quelques slots histoire de revenir en arrière de plusieurs minutes si besoin. Rien de dramatique puisqu’il n’y a quasiment aucun élément qui puisse nous échapper, vu que l’on peut retourner absolument partout, mais il s’agit d’un cas plutôt rare pour un RPG et on préfère toujours avoir le confort de plusieurs emplacements manuels, on ne sait jamais.
Autre souci lié à la linéarité, aucun voyage rapide n’est possible d’un niveau à un autre. On ne peut seulement se déplacer qu’entre les points de repos d’une même zone, symbolisés par les drapeaux d’expédition. Si vous vous trouvez sur la mappemonde, il est obligatoire de retourner soi-même à l’entrée de la zone souhaitée pour y pénétrer. Et comme il peut être long de traverser la map, même via le moyen de locomotion le plus rapide, on n’aurait pas dit non à quelque chose de plus instantané. Seule la possibilité de revenir au continent depuis n’importe quel point de repos devient possible, et encore, cela n’intervient que tardivement dans l’aventure.
Un choix de navigation perturbant par la même occasion la mécanique d’amélioration d’arme et de l’expédition. Grâce à des catalyseurs, nos armes peuvent monter en niveau, de quoi débloquer des passifs très intéressants en franchissant certains paliers. Les Lumicolors, on en a déjà parlé, augmentent le nombre de points de lumina maximum des combattants de votre choix. Même les objets de soin, qui d’ailleurs se rechargent comme dans un Souls au moment du repos près d’un drapeau d’expédition, s’améliorent via des collectibles appelés « aspects ». Hélas, on ne peut upgrader tout cela qu’en se rendant dans le camp.
Un casting idéal pour une histoire originale
Le camp occupe finalement la fonction de hub où quelques activités ne prennent place qu’ici. On est donc particulièrement frustré quand on se rend compte que notre arme favorite peut prendre quelques niveaux, que notre potion de soin va pouvoir nous rendre davantage de vie ou qu’on souhaite dépenser la petite dizaine de Lumicolors trouvées depuis l’entrée, mais que l’on se trouve en plein milieu d’un donjon. Et à moins de faire l’effort de revenir en arrière pour quitter ledit donjon, il faut attendre de le terminer pour appliquer les modifications voulues.
Tout comme l’extraction d’un donjon vers le continent, ce petit couac finit par être réparé, où chaque point de repos devient apte à nous laisser opérer nos améliorations, mais uniquement vers la fin de la trame principale. Au moins, le camp peut être dressé n’importe où sur la mappemonde, de quoi profiter à tout moment de ses autres distractions. Elles ne sont pas vraiment nombreuses mais on peut citer en priorité les moments passés à discuter avec les membres de l’expédition. Un inattendu système d’amitié intervient même vers la moitié de l’aventure. On découvre ainsi davantage la personnalité de chacun, tout comme leurs secrets, des plus intimes aux plus tragiques, en plus d’obtenir là aussi des récompenses que l’on vous laisse découvrir.
Sachez simplement qu’il s’agit toujours d’une bonne occasion d’apprécier le travail réalisé sur les personnages et notamment leur doublage, d’une qualité se situant dans le haut du panier. Bien sûr, le casting anglophone régale avec Charlie Cox (Gustave), Jennifer English (Maelle), Andy Serkis (Renoir) ou encore l’incontournable Ben Starr (Verso). Mais l’équivalent francophone de ces personnages rassemble également des pointures. Alexandre Gillet (Sonic, Henry – Kingdom Come Deliverance), Adeline Chetail (Zelda, Ellie – The Last of Us), Féodor Atkine (Emhyr var Emreis – The Witcher 3, le grand inquisiteur – A Plague Tale) et Slimane Yefsah (Bayek – Assassin’s Creed Origins) livrent une formidable prestation. Un constat valable pour tous les autres personnages.
Le traitement des Gestrals est quant à lui davantage centré sur l’humour et la légèreté. On l’a rapidement évoqué, ce peuple est spécial en portant des masques sur leur visage et des coiffures en forme de pinceau. S’exprimant via des onomatopées vu que la langue des humains leur est parfaitement étrangère, et ne jurant quasiment que par la bagarre comme loisir, il s’agit tout de même d’une des deux espèces capables de faire société. L’exploration de leur village nous offre des moments un peu décalés où l’équipe de développement s’est plutôt lâchée sur les gags et les références. Des clins d’œil directs à One Punch Man, au doublage français du nanard culte Hitman le Cobra ou encore des reprises de mèmes comme le « This is fine » nous décrochent quelques sourires.
Enfin, retournons du côté des performances d’acting afin de glisser une petite mention pour Maxence Cazorla, dont la voix modifiée livre un résultat intéressant pour le si particulier Esquie. Drôle, touchant et un peu simplet, Esquie est une créature divine qui nous aide à atteindre les endroits les plus inaccessibles de la mappemonde. Cette dernière se dévoile donc à mesure que l’entité gagne en puissance. Toutefois, la répétition de ses répliques lors de l’exploration du continent finit par lasser.
Reste l’histoire et son scénario au sens large, dont on ne sait pas vraiment quoi dire. Pour des raisons évidentes que vous découvrirez en y jouant vous-mêmes, il est compliqué de s’étaler sur les enjeux, les rebondissements et la construction du jeu tout en souhaitant vous préserver. Ce qu’on peut déclarer, c’est que des choix forts ont été faits par Sandfall Interactive et ils risquent de décevoir ou, a minima, de faire parler. De notre côté, on ne s’est pas senti plus lésé que cela, sans être particulièrement conquis à 100% par les chemins pris non plus, mais nous saluons la prise de risque. Seul un problème de rythme vers la fin risque de casser un peu la conclusion de l’aventure. En effet, s’occuper d’une bonne partie du endgame en rendant nos personnages particulièrement puissants avant de se lancer dans la dernière ligne droite principale transformera celle-ci en une promenade de santé tuant le climax mis en place.
Une expédition remplie de secrets…
Et pourtant, impossible de ne pas être tenté de découvrir au plus vite tous les secrets de Clair Obscur: Expedition 33. Autant on a parlé de la structure linéaire du titre, autant, à partir d’un point précis et tardif de l’aventure, toutes les barrières sautent et le RPG se met à se dévoiler complètement via les nombreux donjons optionnels à notre portée. Si certains ne se résument qu’à un écran dans lequel on collecte l’une des 33 musiques du jeu à écouter au camp, d’autres font la taille d’un niveau rencontré au sein de la trame principale, si ce n’est davantage. On a d’ailleurs droit à des cinématiques supplémentaires, à du lore, à des ennemis encore jamais rencontrés auparavant et bien évidemment tout le lot d’armes, de pictos, de journaux d’expédition et autres Lumicolors à collecter. D’autres lieux restent bien plus mystérieux et dévoilent leurs secrets petit à petit, comme un intrigant manoir aux nombreuses pièces visitables… à des moments bien spécifiques.
Pouvoir bouger plus librement amène l’opportunité, si ça n’a pas été fait lors d’un premier passage, de régler les petites quêtes de Névrons blancs. Pacifistes, ceux-ci sont rencontrés dans certains niveaux. Seules véritables quêtes annexes du jeu, elles n’ont que très peu de relief puisqu’il s’agit souvent d’aller récupérer un ou des objets spéciaux jamais bien loin en échange d’une récompense. D’autres Névrons vous adressent une requête un peu plus originale, comme la résolution d’une série de parades en fonction de la couleur du projectile que l’on reçoit.
On sera également occupé à retrouver sur la map les 9 Gestrals perdus, à ramener au camp à Sastro, en échange de récompenses. Les plages Gestrals retiendront aussi probablement votre attention. Proposant des mini-jeux plus ou moins inspirés, il y a de grandes chances que vous repartiez avec un maillot de bain en réussissant le défi proposé. Les cosmétiques, justement, sont particulièrement nombreux et sont à récupérer sous moult conditions. Bien souvent, il s’agit de battre un mime, un adversaire particulièrement costaud. C’est d’ailleurs grâce à eux que l’on gagne l’un des fameux skins Baguette. Mais d’autres surprises vous attendent de ce côté-là.
Aussi, un autre ennemi bien particulier apparait de manière récurrente : le pétank. Habile jeu de mot faisant référence à notre sport national chéri, cette boule sur pattes offre des combats à la configuration précise, dont la nature de la résolution est indiquée par la couleur de la boule en son cœur. Enfin n’oublions pas les Névrons chromatiques, versions « élites » d’ennemis rencontrés préalablement, dont les récompenses se révèlent toujours intéressantes.
Bref, vous l’avez compris, il y a vraiment pas mal de contenu optionnel à découvrir et à surmonter. Tant et si bien que les ultimes challenges représentent vraiment des épreuves de force particulièrement éprouvantes. L’occasion de rappeler que, bonne nouvelle, trois modes de difficulté sont proposés. Le mode Histoire, destiné pour celles et ceux ne souhaitant pas trop se prendre la tête avec les différentes mécaniques de jeu. Le mode Expédition, la difficulté par défaut, est à notre sens parfaitement dosé pour une partie découverte. Enfin, le mode Expert existe pour le public en quête de challenge punitif. En effet, ce dernier mode nécessite une maîtrise absolue du système de parade pour être surmonté.
… et de challenges relevés
Pour avoir goûté à des boss et des challenges optionnels de fin de jeu en mode Expédition, il est déjà presque obligatoire de parer et esquiver avec aisance, alors le mode Expert se présente vraiment comme un « Souls du RPG tour par tour » (la blague est faite, c’est bon). Et c’est en éprouvant ces différents défis que nous avons saisi toute l’importance et le plaisir qu’apporte la partie temps réel. Si l’on n’est pas très à l’aise avec la préparation de stratégies hyper optimisées, nécessitant de choisir avec précision les pictos à équiper ou de spécialiser les combattants sur des stats bien précises (en gros, la partie purement RPG tour par tour), le titre nous laisse pallier ce manque grâce à la maîtrise de la partie temps réel. C’est en revanche un peu moins vrai dans l’autre sens, étant donné qu’avec le meilleur setup possible, ne pas esquiver ou parer finit par devenir éliminatoire au sein du endgame.
Cependant, il est en effet vivement encouragé de quand même posséder les meilleures armes et pictos possibles sous peine que certains combats s’éternisent, sans omettre que garder des réflexes d’esquive et de parade performants pendant plusieurs minutes finit par nous épuiser. La chasse aux marchands constitue donc presque une quête annexe à part entière où si une petite partie nous vend uniquement des skins ou des musiques, il en existe plein avec toujours une ou deux armes et pictos sous le bras, sans parler des deux ou trois marchands possédant les meilleurs produits du jeu dans leur stock. Petit fait amusant, on accède à leur inventaire secret en les vainquant au combat. Ensuite, la chroma, monnaie utilisée ici et récupérable autant en fin de combat que durant l’exploration, va devoir couler à flot si l’on veut tout récupérer chez eux.
On a aussi pu remarquer que les pictos et armes pouvaient monter de niveau de manière spectaculaire. Des ennemis bien précis nous en confèrent parfois à l’issue d’un combat, et battre plus tard des versions plus puissantes mais classiques de ces mêmes ennemis améliore instantanément les équipements concernés. Hélas, ce n’est pas tout à fait clair au sujet des conditions amenant ces améliorations. Pourquoi cette version-là du Névron et pas une autre ? Pourquoi celui-ci ne nous donne rien ? Une incertitude dommageable car faire l’économie des ressources limitées que sont les catalyseurs est appréciable.
Enfin, notre cher Monoco mène aussi une sorte de quête fil rouge puisqu’il est fan de pieds de Névrons. En effet, c’est grâce à ces parties de leur corps que le guerrier Gestral peut prendre leur forme en combat et utiliser une de leurs compétences. Les personnes atteintes de collectionnite aigue se lanceront donc en quête de récupérer tous les pieds possibles, ce qui consiste simplement à battre les Névrons en question avec Monoco dans l’équipe active. On regrettera d’ailleurs tout particulièrement l’absence d’un bestiaire à consulter, où l’on aurait pu retrouver le nom de chaque créature, ses faiblesses, et l’endroit où elle est susceptible de se montrer. Un manque symptomatique d’une interface de menu un peu décevante, surtout au niveau d’une navigation pas toujours claire en ce qui concerne le placement de notre curseur de sélection.
Quoi qu’il en soit, lorsque l’on reprend ce que l’on a énuméré, en sachant que l’on n’a pas tout dit, l’estimation de la durée de vie annoncée par Sandfall Interactive est donc plutôt juste. 30 heures pour terminer l’aventure principale et 30 heures supplémentaires pour découvrir tout le contenu annexe, on est sur une moyenne basse. De notre côté, il s’agit même davantage de 40/45 heures pour la partie optionnelle, en sachant que les derniers boss nous résistent encore. Il y a donc largement de quoi faire, et pour seulement 50 euros en prix maximum conseillé, on se trouve devant une très belle affaire.
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