Rarement un studio aura fait un virage à 180 degrés aussi abrupt que Messhof. Connue pour les deux Nidhogg, qui sont des jeux d’escrime à la direction artistique minimaliste, l’équipe américaine est certes restée dans le monde du sport, mais s’en est allée explorer un tout autre domaine avec des ambitions bien plus grandes. Wheel World, anciennement Ghost Bike, se pare d’un monde ouvert centré uniquement sur le vélo et rien que le vélo, qui favorise autant les balades bucoliques que les courses effrénées. Un projet atypique qui vaut le détour, même lorsqu’il risque de dérailler.
Conditions de test : Nous avons terminé le jeu en 6 heures sur PC via la version Xbox Game Pass du jeu, le temps de compléter toutes les courses (sans tous les objectifs).
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Si Wheel World s’appelle aujourd’hui de cette manière et non pas Ghost Bike, c’est parce qu’il a voulu mettre l’emphase sur son monde plutôt que sur son duo de protagonistes. Et il a bien fait. Car Wheel World ne raconte presque rien si ce n’est l’histoire d’un esprit égaré à qui l’on a piqué les pièces de son vélo tel un Bourvil des temps modernes, et qui va demander à la jeune Kat de l’aider à les récupérer. Encore faut-il pouvoir attirer l’attention dans ce monde dans lequel tout tourne autour du vélo.
Même à dos de vélo possédé par un fantôme, tout ce qui compte dans Wheel World, c’est la street cred. Pour accomplir votre objectif, vous devrez aller récupérer ces pièces en battant un à un les grands champions des quatre coins de la map, mais pas question de vous frotter à eux directement. Ces derniers n’ont pas envie de se mesurer au premier venu, et vous devrez gagner d’autres courses pour augmenter votre réputation. Beaucoup y voient ici un hommage aux anciens Need for Speed, et l’hypothèse ne semble pas trop tirée par les cheveux tant le système est similaire.
Pour gagner de la réputation, finir à la première place des courses sera une chose. Accomplir tous les objectifs de la course en est une autre. Sur chaque tracé, vous aurez droit à des défis secondaires qui vont vous demander de battre un certain chrono, tout en récoltant les lettres « KAT » cachées dans le circuit. Rien de très compliqué à première vue si ce n’est pour ce dernier objectif qui peut être difficile à remplir en voulant accomplir le premier, étant donné que ces lettres vous demanderont parfois de sortir de la piste et d’aller trouver des chemins dangereux qui pourraient vous ralentir. Une bonne idée pour ajouter un peu de sel à ces courses, qui manquent globalement de challenge.
Maillot jaune sans transpirer
Finir premier n’est presque jamais un problème dans Wheel World, dans la mesure où même si les courses vous confrontent à sept autres cyclistes, seul le champion adversaire est une menace.
Les autres adversaires vont en réalité vous aider à vite rattraper le peloton de tête en cas d’erreur, puisque vous pourrez vous placer derrière eux pour rapidement gagner du boost et leur couper le chemin. Ajoutez à cela une IA qui ne prend jamais trop de risque et vous aurez là le schéma classique sans grand défi de Wheel World, qui fera en sorte que les courses soient quasiment tout le temps similaires dans leur déroulé.
Quasiment, puisque le jeu fait parfois l’effort de fournir quelques tracés plus originaux. Que ce soit via une vraie course de cross-VTT dans la forêt, remplie de bosses, ou via une course de demi-fond, vous trouverez occasionnellement des challenges différents qui demandent un peu plus de maitrise dans la gestion de la vitesse. Avoir d’autres défis plus spécifiques à chaque tracé n’aurait sans doute pas été de trop non plus pour rompre la monotonie. Ce sentiment arrive rapidement lorsque l’on enchaîne les courses avec des tracés qui se ressemblent, surtout lorsque cela est couplé à une concurrence presque inexistante.
Même cas de figure pour les duels contre des cyclistes solitaires que vous pourrez croiser un peu partout sur la map. Sans transition, ces petites courses sont d’une facilité déconcertante puisque l’on peut les déclencher en ayant déjà pris beaucoup d’élan, laissant notre adversaire incapable de suivre le rythme. Leur ajout permet au moins de rendre l’exploration encore un peu plus engageante, même si c’est déjà l’un des meilleurs atouts de Wheel World.
La compétition, ça va deux minutes
Cela est sans doute aidé par la direction artistique très colorée qui dépeint un décor à l’ambiance de campagne italienne ayant beaucoup de charme. Un enrobage porté par une bande-son de Johnny Jewel, très marquée par le synthé pour donner un aspect décontracté à chacune de vos balades, et ponctuée par des morceaux encore plus atmosphériques grâce aux voix d’Orion et JOON. De quoi nous donner envie de laisser pour un temps les courses effrénées pour se concentrer sur la joie de pédaler sans objectif précis bien en tête, juste pour profiter de cette nature virtuelle.
Le jeu fera quand même tout pour vous donner quelque chose à trouver dans ce monde, que ce soit des tours « à la Ubisoft » (dont on aurait pu se passer pour favoriser une exploration plus organique), des PNJ aux dialogues rigolos ou des pièces de vélo à assembler. Car avant de récupérer les pièces dont votre copain Skully a besoin, vous serez libres de personnaliser votre bécane avec d’autres morceaux qui vont jouer sur vos statistiques, en plus de modifier son look.
Certaines pièces iront même dans le grotesque, comme un gigantesque hot-dog qui peut vous servir de cadre. Vous aurez aussi tout le loisir d’effectuer certains objectifs secondaires basiques, mais ceux-ci s’effectueront davantage par la force des choses plutôt que par votre envie de les réaliser un par un. C’est en les accomplissant que vous gagnerez la monnaie locale, qui vous servira à acheter d’autres pièces.
Si l’on prend plaisir à parcourir ce monde, c’est aussi parce que Messhof a réussi le plus important : offrir de bonnes sensations manette en mains. Pas besoin d’être un habitué de Pro Cycling Manager ou même d’être fan des jeux de vélo pour rapidement prendre ses marques sur Wheel World. Avec son gameplay très orienté arcade, la prise en mains est immédiate et on ne peine pas à manœuvrer notre vélo, même lors des virages les plus serrés. Peu de mécaniques viendront complexifier ce plaisir de jeu si ce n’est un système de vitesses très optionnel (selon les pièces que vous mettrez sur votre vélo), afin de maximiser votre vitesse sur les pentes. Faire du hors-piste pour y trouver une rampe est également un vrai petit plaisir et parcourir les routes à toute allure est grisant à chaque instant.
Un sprint final problématique
Sauf dans le dernier tiers du jeu. Cette dernière partie met en exergue tout ce qui ne va pas dans Wheel World, en plus de se débarrasser de ce qui faisant son charme. Le changement de décor et d’ambiance a beau être justifié d’un point de vue narratif, il n’en est pas moins regrettable tant il atténue l’envie de parcourir cette seconde map. On a certes droit à des courses qui nous demandent un peu plus d’attention, mais c’est surtout parce qu’elles sont remplies d’obstacles.
Et ça, c’est très bien sur le papier. Excepté pour Wheel World, qui a une gestion des collisions plus que discutable. Il n’est pas rare de voir son vélo faire un demi-tour complet à cause d’un choc mal géré par le moteur, ou bien à cause de l’un des autres cyclistes qui vous aura effleuré, quand ce n’est pas une petite pierre sur la route qui va vous retourner. Ce dernier tiers propose souvent des tracés avec des routes plus resserrées via des murs et des grillages, ce qui exacerbe encore plus ce défaut. Il est dommage de terminer sur une mauvaise note comme celle-ci, même si elle n’est pas suffisante pour nous enlever tout le bien que l’on pense de Wheel World.
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