Un nouveau jeu issu des Xbox Game Studios vient de sortir. Son nom ? Keeper. Si vous l’avez loupé, ce n’est probablement pas seulement votre faute, puisque même Xbox n’en a fait qu’une brève promo. Et, pourtant, il s’agit du nouveau projet de Double Fine Productions, le studio derrière les jeux Psychonauts notamment, et plus particulièrement d’un homme, Lee Petty, le directeur créatif de Keeper, qui livre assurément ici son projet le plus personnel, en rapport avec la solitude, l’évolution de notre monde si l’humanité venait à disparaître, etc. Tant de thèmes que le studio dépeint dans son nouveau projet (que l’on avait déjà pu essayer), disponible depuis le 17 octobre sur PC, Xbox Series X/S et dès son lancement dans le Game Pass (Ultimate et PC).
Conditions de test : Nous avons terminé l’aventure proposée par Keeper sur Steam, à la manette, pour un total de 4h30 de jeu. Nous n’incluons volontairement pas d’illustrations de la seconde moitié du jeu pour ne pas gâcher les surprises de gameplay évoquées.
Sommaire
ToggleLe phare il s’appelle On
Keeper raconte l’histoire d’un vieux phare laissé à l’abandon, ne servant plus vraiment pour le rôle pour lequel il a été construit : être un gardien. Tandis qu’un étonnant événement vient réveiller sa fougue d’antan grâce à la présence d’un mystérieux oiseau prénommé Brindille, le phare se voit muni de petites pattes lui permettant de se déplacer dans un monde étrange et onirique semblant sous le joug d’une menace bien plus omnisciente et puissante que lui.
On va alors traverser une ribambelle de niveaux répartis en trois actes (et un épilogue) triés en fonction de l’apparence revêtue par notre petit phare, puisque première surprise : le gameplay changera selon l’apparence du phare vouée à modification. On ne vous gâchera pas la surprise de la découverte, rassurez-vous, car elles valent le détour. Heureusement, parce que ce bon point sauve finalement l’histoire de Keeper, qui autrement met pas mal de temps à démarrer.
En effet, sur les un peu plus de quatre heures qui nous ont été nécessaires pour terminer l’histoire, il faut envisager la première heure comme un vaste tutoriel où l’évolution de notre personnage ne sera que très sage, enchaînant les tableaux pour permettre un apprentissage des commandes, avec très peu d’énigmes et surtout très peu d’interactions. D’ailleurs votre phare pourra seulement courir et diriger la lumière de sa loupiotte. Nous insistons sur ce point ici si vous jouez à Keeper : allez plus loin que les premières 45 minutes, pour vraiment profiter du concept du jeu, de sa philosophie et de ses énigmes, le tout sans combat, sans game over et sans réel objectif à l’écran.
La lumière à tous les étages
Cela représente d’ailleurs l’une des autres forces de Keeper, sa capacité à vous immerger dans son monde étrange et pourtant si proche du nôtre. Un monde où les humains ne semblent plus être, mais où la nature poursuit son œuvre immuable. On ne comprend pas toujours toutes les références, toutes les allusions, y compris psychédéliques (surtout en fin de périple), mais on parvient à accompagner ce phare dans son aventure pour « sauver le monde ». Bien qu’au début, on peine à retrouver la patte de Double Fine Productions, les créateurs de Psychonauts (puisqu’ils sont derrière ce nouveau jeu moins ambitieux), le côté décalé — voire psychédélique — de certaines séquences nous fait nous sentir comme à la maison.
Passée cette première petite heure un peu poussive, le jeu s’envole et se pare d’une narration aussi émouvante qu’envoutante, tantôt simpliste, tantôt métaphorique, comme témoignant de l’évolution de n’importe quel être vivant, faite de hauts et de bas, de réussites et d’échecs, mais également d’entraide ou de moments de solitude. C’est finalement assez paradoxal ce que parvient à faire ressentir Keeper en si peu de temps et surtout sans aucun texte ni dialogue oral entre les protagonistes.
Malgré tout, Keeper reste un jeu que l’on pourrait qualifier de contemplatif, prenant le temps de montrer ses décors, son monde délabré, entre chaque énigme, et bien sûr, on aurait aimé qu’il tranche plus entre jeu de puzzle et jeu à admirer, plutôt que de rester dans un entre-deux parfois maladroit. Ces énigmes, vous aurez plusieurs manières de les résoudre : seul avec les actions et interactions de votre phare et sa lumière capable de faire réagir la nature ou des éléments spécifiques autour d’elle, mais également grâce à la présence de cet oiseau mystérieux, Brindille, qui vous accompagnera tout le long et que vous pourrez envoyer interagir à distance avec des leviers, des piédestaux, ou pour aller chercher des objets.
Une collaboration entre ces deux êtres seuls, devenus amis, prônant l’entraide, mais que l’on aurait encore aimé poussée un cran au-dessus pour notamment aller chercher plus loin dans les émotions des joueurs et des joueuses. Malgré tout, les énigmes s’avèrent efficaces, jamais très longues ni très compliquées, et pourtant bien construites, à base de gestion du temps à un moment, ou de destruction de liens organiques gênant le passage à d’autres, toujours en rapport avec la nature ou le temps qui passe.
Un ravissant coup de phare à paupières
Outre cela, Keeper est aussi un plaisir assumé pour les yeux. Chatoyant, aux panoramas oniriques, tantôt étrange, tantôt hypnotique, son atmosphère et sa direction artistique à la Salvador Dali finissent de nous convaincre. Les biomes traversés sont cohérents, nous montrant toujours au loin notre objectif suprême là-haut dans les montagnes à l’instar de Journey (qui était, lui aussi, un voyage initiatique finalement). Hormis les quelques bugs de caméra frustrants ou les chutes de framerates classiques de pré-lancement, le jeu est par ailleurs particulièrement stable sur PC.
Notez que vous trouverez de nombreux succès cachés en rapport avec des zones parfois secrètes, dans lesquelles vous reconstruirez par le biais de votre lumière des statues d’idoles de pierre. Les chapitres peuvent être rejoués via le menu principal si vous en avez loupé quelques-uns, mais également pour rejouer des séquences au gameplay marquant, surtout après les transformations évoquées plus haut. Le jeu se termine d’ailleurs par un ensemble de séquences trop rapides, menant à l’épilogue, assez court, et qui aurait mérité d’être un peu plus étoffé lui aussi.
Reste un aspect non abordé encore et qui nous aura assez clivés durant notre périple : la bande-son. Tout comme le gameplay assez faible au début et qui monte crescendo pour atteindre de réelles trouvailles et séquences très originales, les musiques se trouvent dans le même état : bien que souvent complètement adaptées à la situation, elles se retrouvent parfois assez hors sujet, trop dynamiques ou trop rythmées, alors que l’action ne s’y prête pas réellement. On aurait apprécié davantage de musiques qui prônaient le côté mystérieux de ces lieux, au profit d’une ambiance et d’une immersion ainsi améliorées. Un petit faux pas, mais la poésie reste intacte pour ce projet si singulier à bien des égards.
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