Test Super Daryl Deluxe – Trip halluciné avec un héros bien perché
Par Toothpick
L’avis des lecteurs
Partagez votre avis (0)Dan & Gary Games est un studio composé, comme son nom l’indique, par deux personnes. Ces deux personnes se sont misent en tête de faire leur propre jeu « dans un garage », à l’ancienne. L’un est graphiste artiste, l’autre est game designer et programmeur. Ensemble, ils nous offrent un titre atypique bourré de bonne volonté et étonnant de réussite : Super Daryl Deluxe.
Les pieds dans le tapis
Le premier contact avec Super Daryl Deluxe est très brute de décoffrage. Pour aller même un peu plus loin, la première heure de jeu est même carrément ratée. Vous vous souvenez de ces jeux 8-bits qui vous lâchent sur une carte du monde sans aucune explication façon « Démerde-toi » ? C’est un peu le sentiment que l’on a au démarrage. Si l’on omet la scène d’ouverture (un flashforward bien maladroit) du jeu qui rate totalement son coup, c’est après une longue cinématique d’ouverture et beaucoup de dialogues que l’on se retrouve largué dans ce lycée pas comme les autres. Cette entrée en matière fait beaucoup de mal au jeu car elle met en avant ses principaux défauts. Tout d’abord le jeu est vraiment très, très bavard. Que ce soit les cinématiques, très réussies sur l’aspect visuel mais dont les dialogues traînent en longueur, où n’importe quelle interaction avec un PNJ, les bulles de dialogues n’en finissent plus de dérouler du texte et de se succéder. Même un simple vendeur tient au minimum quatre bulles des textes avant de vous permettre d’accéder au magasin, et ce même dans la dernière partie du jeu. Le jeu est fatalement à proscrire aux anglophobes car il ne dispose d’aucune traduction française à l’heure actuelle, et à moins d’un énorme carton difficile d’imaginer une traduction du titre qui vise très clairement le public américain. Un bon niveau d’anglais est suffisant pour profiter de la majeure partie du jeu, mais il faut carrément maîtriser l’anglais couramment pour profiter véritablement de l’écriture et de l’humour du titre.
L’autre principal souci du jeu est également mis en exergue dès qu’on nous donne notre premier objectif, le titre n’est jamais très clair dans ce qu’il attend de nous. Dans la générosité de son contenu, il se perd parfois en noyant le joueur sous des lignes de textes résumées en un objectif simple dont la résolution peut rapidement devenir problématique. Les quêtes annexes se résument pratiquement toutes à du FedEx plus ou moins brutes mais il est toujours compliqué d’avoir la moindre idée d’où l’on pourrait trouver les objets que l’on nous réclame. Résultat, on se traîne une liste de quête longue comme le mulet de Daryl que l’on finira bien souvent par résoudre sur un coup de chance, et tant pis pour celles que l’on a oubliées dans son journal. Même la carte n’est pas forcément très claire dans ses indications et ne servira pratiquement jamais au fil de l’aventure malgré un monde qui ne cesse de grandir. Heureusement l’interface est plutôt bien pensée, et surtout Super Daryl Deluxe va nous amener de surprises en surprises jusqu’à être naturellement dompté.
Maxi Best-of Deluxe
Il faut donner un peu de sa personne pour prendre Daryl en main et commencer à apprécier les différentes possibilités offertes par le jeu. Heureusement ce ne sont pas les qualités et les bonnes idées qui manquent. Si le titre est souvent trop bavard, il est aussi souvent bien écrit et bourré d’humour. Dans un monde où tout le monde vous raconte sa vie, Daryl lui est l’archétype du héros muet et sans expression. Cette parodie des Link et autres Gordon Freeman transpose l’idée du héros muet dans un contexte “réaliste” où les PNJ réagissent tous à leur façon face à ce personnage un peu déconcertant. L’idée donne lieu à un running-gag vraiment drôle et à une flopée de situations comiques franchement bien pensées. Les PNJ sont tous des archétypes très classiques au premier abord. La diva fille à papa, le duo de lascars qui cherche toujours les embrouilles, le sportif beau gosse mais débile… pourtant à nouveau l’écriture nous réserve bien des surprises sur l’utilisation de cesdits archétypes.
Le titre est également très généreux en références culturelles et historiques. Les salles de classe sont ici les différents niveaux du jeu. La salle d’histoire est donc l’occasion de plonger dans l’Égypte antique, alors que la salle de sciences nous fait combattre des éprouvettes et des ordinateurs. Pour ne pas vous gâcher les innombrables surprises et idées hilarantes que vous réservent les niveaux, je dirai simplement qu’il est par exemple possible de faire équipe avec Ludwig van Beethoven après lui avoir trouvé un appareil auditif, ou bien que l’on finit par se retrouver dans le château d’un docteur bien connu de la littérature anglaise. Là où ça fonctionne vraiment c’est que ces références ne sont jamais forcées ou balancées à la tronche du joueur. Bien au contraire elles sont souvent intégrées à l’histoire du titre avec intelligence et toujours cette dose d’humour qui fait décidément mouche à chaque fois. Le titre peut aussi s’appuyer sur une très solide partie graphique. Son style unique tout droit sorti d’un cartoon MTV du début des années 90 sert parfaitement le propos et ne manque pas une occasion de nous faire sourire.
Super Daryl Deluxe est également du genre à nous bombarder de quêtes annexes et de secrets. Elles ont beau se résumer à du FedEx, le jeu est finalement plutôt tolérant et bien pensé quand il est question de grinding, même les allers-retours finissent par réduire et devenir tolérables. Cela n’excuse pas le caractère de l’intégralité de ces quêtes qui sont au mieux que de la livraison déguisée sous prétexte d’une enquête policière ou d’une invocation d’un démon. Néanmoins cela permet aux autres aspects du jeu de prendre la relève et maintient sans forcer l’attention et l’intérêt du joueur. Souvent, la récompense n’est pas seulement des points d’expérience et un nouvel item, mais c’est l’occasion de rencontrer un personnage atypique ou d’entendre les justifications de ce que quelqu’un pourrait bien vouloir faire de “8 oreilles de trolls et 10 shaker à bombe”. A nouveau le titre s’amuse des codes du genre en les tournant en dérision et ce qu’il manque en imagination sur la forme est largement rattrapé sur le fond. Reste à savoir si cela sera suffisant pour tenir tous les joueurs en haleine pendant plus de 30 heures.
Daryl le coloc
Côté mécanique de gameplay, encore une fois le jeu ne fait rien comme les autres. L’exploration est limité à quelques phases de plateforme et à des secrets dissimulés derrière des murs ou des objets placés en hauteur. Le vrai plaisir de l’exploration est dans la découverte de nouveaux environnements ainsi que dans les rencontres improbables disséminées çà et là. Comme tout bon metroidvania qui se respecte, il faudra donc fatalement revenir dans certaines zones plus tard dans le jeu pour accéder à des coffres alors inaccessibles. Si certains niveaux paraissent un peu labyrinthiques au départ, on prend finalement rapidement ses marques et même la carte pas super bien pensée n’est plus un obstacle pour se repérer. Les développeurs, peut-être conscients du risque de perdre le joueur dans ces décors, ont eu le bon goût de faire des niveaux assez courts mais toujours uniques sur l’aspect visuel et force est de constaté que la mayonnaise prend.
Même dans son système de combat, le jeu casse tous les repères naturels du joueur pour lui proposer quelque chose de vraiment unique. C’est sûrement la principale justification de ce premier contact très rugueux avec le jeu. Tout d’abord, il n’y a pas d’attaque de base, l’ensemble de notre palette de mouvements va être déterminé par notre choix de compétences. On assimile une compétence parmi un vaste choix à quatre touches, à celles-ci vient s’ajouter un dash lui aussi modifiable avec le temps. Au fil du jeu on débloque de nouvelles compétences qui vont naturellement venir remplacer les autres parce que plus efficaces, plus puissantes, ou tout simplement mieux adaptées à l’ensemble pour balancer de gros combos. Les ennemis étant souvent assez résistants, l’idée est de pouvoir enchaîner toutes ses compétences à la suite et sans temps mort pour maximiser ses DPS. Dans un premier temps c’est assez particulier et peu orthodoxe, mais rapidement on prend conscience des possibilités. Chaque attaque est proprement unique dans ses caractéristiques mais aussi dans son animation. C’est une autre de ces carottes qui nous donne envie de changer régulièrement d’attaque ou de continuer à upgrader les compétences déjà en place, elles changent constamment d’apparence. D’un niveau à l’autre, une batte de baseball se transforme en batte avec des clous, puis en masse du Moyen-Âge avant de finir en énorme hache enflammée. Tout est fait pour que l’on sente vraiment que l’on progresse et que l’on devienne plus fort et encore une fois la touche artistique du jeu brille.
Comme pour les environnements ou les quêtes, Super Daryl Deluxe n’est pas avare en pièces d’équipement. On drop très régulièrement de nouvelles armes et pièces d’armure qui malheureusement ne changeront pas l’apparence de notre héros, mais qui amélioreront ses dégâts, sa résistance et ses points de vie. Le bestiaire aussi est sacrément garni avec des ennemis différents pour chaque zone et un bon paquet de boss (plus ou moins réussis). S’il arrive que le système de combat montre des limites lors d’affrontements demandant un peu trop de précision dans les mouvements, on prend quand même un malin plaisir à éradiquer des vagues infinies d’ennemis en leur lançant absolument tout ce qu’on a en réserve.
Véritable OVNI modelé par la passion de deux hommes et forgé dans l’envie de bien faire, Super Daryl Deluxe est un titre atypique, maladroit, adorable, hilarant et fondamentalement amusant. Ses erreurs de jeunesse sont compensées par son humour intouchable, sa maladresse est reprise par sa constante envie de bien faire, et sa répétitivité est balayée par les innombrables surprises et découvertes qu’il réserve au joueur. Peut-être qu’il n’est pas à mettre dans toutes les mains, mais il est définitivement un jeu comme on n’en a jamais vu. Rien que pour cela, il mérite toute notre attention.
- PC
- PlayStation 4
- Switch
Ce test a été réalisé à partir d'une version éditeur