Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce nouvel épisode de Les Piliers de la Terre aura tranquillement pris son temps. Alors que le Livre I nous était arrivé au mois d’août dernier, il nous a fallu prendre notre mal en patience pendant près de quatre mois pour découvrir la suite des intrigues entourant le prieuré de Kingsbridge. Si la première partie de cette gigantesque fresque que représente Les Piliers de la Terre avait su séduire, on pouvait quand même lui reprocher un rythme un peu lent au service d’une introduction géante, mettant en place ses pions pour les deux épisodes suivants. Maintenant que le Livre II est enfin là, voyons ensemble si cet édifice arrive à tutoyer les sommets.
Avant de commencer ce test, nous rappelons qu’aucun spoil sur l’épisode en lui-même ne sera formulé. En revanche, nous allons évoquer brièvement les événements parvenus dans le Livre I, nous vous conseillons donc de ne pas continuer la lecture de ce test si vous ne l’avez pas encore terminé.
Sommaire
ToggleDes hommes sans foi ni loi
Rappelez-vous, la première partie laissait nos héros dans une position des plus délicates. Alors que le prieuré de Kingsbridge avait été réduit en cendres, la construction d’une nouvelle cathédrale avait débuté sous la direction de Tom le Bâtisseur et Philip, augurant alors d’un nouvel espoir pour la région. Mais c’était sans compter sur le terrible William Hamleigh, qui avait pris d’assaut le comté de Shiring pour en devenir le nouveau seigneur, devant le regard horrifié d’Aliena et de son frère. A l’orée de cette deuxième partie, on retrouve alors la jeune fille au service du tyran, au cœur d’une cité défigurée et en proie à la désolation.
Les deux premiers chapitres de ce nouvel épisode se concentrent donc sur Aliena et Richard, qui tentent tant bien que mal de survivre à cette situation. Un focus intéressant qui nous permet d’en apprendre plus sur ces protagonistes, qui étaient quelque peu restés en retrait dans le premier livre. C’est surtout le personnage de la jeune fille qui prend ici de l’ampleur, en se montrant bien plus courageuse et indépendante que son frère, alors que c’est pourtant bien ce dernier qui est supposé reprendre leurs terres natales du joug de William. Avec cette mise en lumière de la situation d’Aliena, ce nouveau livre nous présente une introduction puissante et véritablement cruelle, à l’image du monde qui entoure nos personnages.
En révélant son impétuosité et sa dévotion sans failles pour les siens, Aliena est ici le vrai personnage principal de ce nouvel opus.
Il faudra attendre le troisième chapitre pour effectuer un bond dans le temps, avec une ellipse de cinq ans qui nous permet de constater l’évolution des différents personnages. Le chantier de la cathédrale de Kingsbridge a bien avancé grâce aux talents de Tom, secondé par Philip qui gère l’organisation de la ville d’une main de maître. En parallèle de l’avancée de la construction, Jack a lui aussi bien grandi pour devenir un jeune homme débrouillard, mais qui a beaucoup de mal à rester en place. Sa relation avec Aliena – avec qui il forme un couple typiquement pastoral, est ici au cœur de l’épisode et amènera Jack à prendre des décisions déchirantes. Ce ne sera pas le seul, puisque ce nouvel opus se révèle être particulièrement dense et éprouvant pour tous les héros.
Orgueil et péchés
On retrouve tout ce qui a fait le sel du premier épisode, qui avait su mettre en place des dynamiques intéressantes entre les personnages avec des intrigues personnelles toutes bien développées (en dehors d’Aliena qui se rattrape ici). Même si le rythme reste relativement lent, il se passe beaucoup de choses durant les cinq heures nécessaires pour finir ce livre, et les événements présentés occasionnent beaucoup de dégâts. On a encore quelques réserves sur le fait que nos choix influencent les grandes lignes de l’histoire, mais il est certain que l’aventure s’adapte d’une certaine manière à vos actions. Et le mot « action » est bien choisi, puisque c’est bien souvent ces dernières qui modèleront votre partie, plutôt que vos choix effectués sur la roue des dialogues. Un petit événement, pourtant anodin au premier abord, pourra alors se répercuter sur un plus grand, offrant à cet épisode quelques ricochets parfaitement bien écrits.
L’écriture est d’ailleurs encore une fois à louer dans Les Piliers de la Terre, qui fait un formidable travail sur la caractérisation de ses protagonistes. On prend à nouveau un malin plaisir à détester William, qui campe la place du tyran abject d’une manière remarquable, bien que manquant un peu de nuances. Dans ce sens, ce sont plutôt nos héros qui en montrent le plus, comme Alfred, toujours aussi limité intellectuellement et agaçant, mais qui montre dans la dernière partie de l’épisode une facette plus amicale de sa personnalité. Le Livre II parvient réellement à cristalliser les forces et les faiblesses de chaque personnage et nous montre les doutes qui les rongent, rendant nos choix encore plus difficiles à effectuer.
La personnalisation des personnages gagne en subtilité, au point de les voir vaciller à des nombreuses reprises dans leurs convictions et dans leur engagement.
Philip est encore une fois celui qui illustre le mieux cette situation, sans doute plus que dans le précédent épisode. On l’avait quitté plein d’espoir, toujours compréhensif et doux, mais ces années de dur labeur ont laissé des traces. Sa bienveillance éternelle trouve ici ses limites et une profonde remise en question vient gangrener peu à peu la foi du personnage, ce qui fait de lui le protagoniste le plus intéressant de cet épisode, au coude-à-coude avec Aliena. En essayant de trouver sa place au sein d’une Angleterre ravagée par les conflits locaux, la jeune femme parvient sans mal à tirer son épingle du jeu parmi la galerie des personnages que l’on nous présente.
Un vitrail sculpté avec finesse
La narration globale de cet opus n’a donc pas à rougir face au premier livre. Elle reprend les mêmes codes déjà mis en place, comme les interludes sur la carte, qui nous montrent les longs déplacements de nos héros. Une fois encore, certains choix viendront s’interposer sur votre route, rendant ces passages moins passifs pour ne pas casser le rythme déjà laborieux. Là où ce livre fait mieux que le précédent, c’est dans sa mise en scène bien plus travaillée, notamment avec la séquence d’hallucination particulièrement glaçante que subit Philip. On aurait aimé voir encore plus de cinématiques de ce genre, histoire de donner un peu plus de dynamisme au récit.
En dehors de cela, on retrouve toutes les composantes du point’n click que l’on connaît. Les différents objets et indices en notre possession nous permettent toujours d’ouvrir de nouveaux dialogues, et même de nouvelles quêtes annexes. Les énigmes ne poseront généralement de problème à personne, mais elles restent tout de même assez libres dans leur résolution. On peut donc en résoudre une tout en passant à côté de nombreux éléments, ce qui pourra porter préjudice par la suite. La liberté de nos déplacements est dans le même temps agrandie, et il arrive souvent que le jeu nous laisse vagabonder à travers la ville avec nos différents personnages histoire de nous balader autour des points d’intérêts. S’ils ne sont pas toujours essentiels pour le récit, ils nous offrent tout de même un petit souffle d’interactivité.
Même si les interactions restent globalement limitées, on nous offre plus souvent l’opportunité de nous déplacer à travers les différents lieux.
C’est tant mieux, puisqu’avec des décors aussi magistraux que ceux que l’on nous présente, il aurait été dommage de ne pas pouvoir les explorer un peu. La direction artistique est toujours aussi soignée, ce que l’on peut encore mieux constater puisque cet épisode nous permet d’entrevoir de nouvelles locations, ainsi qu’un Kingsbridge plus ensoleillé et fleuri que par le passé. On pourra ne pas être ravi de voir certaines saccades entre les dialogues ou dans quelques animations, mais le résultat global flatte quand même la rétine, surtout avec son style unique mis en œuvre avec talent. Il en est de même pour la partie sonore, tout aussi raffinée, qui se fait discrète mais qui participe à installer une ambiance à la fois pesante et calme.
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