Parmi la pléthore d’adaptations vidéoludiques de mangas, l’œuvre de Yoshihiro Togashi est loin d’être la plus représentée. Et ce, malgré la popularité de Yu Yu Hakusho sur l’archipel nippon — le manga fut un temps le rival le plus sérieux de Dragon Ball Z — ou encore le succès mondial de Hunter x Hunter. L’attente fut longue. Il aura en effet fallu patienter jusqu’en 2025 pour enfin découvrir un véritable jeu de combat dédié à l’univers du manga. Gon, Kirua, Hisoka et les autres peuvent enfin s’affronter dans leur propre itération. La bonne nouvelle avec Hunter x Hunter : Nen Impact, c’est la présence du studio 8ing au développement. Grâce à eux, pas d’Arena Fighter cette fois, mais du combat en 2D pur et dur, en 3 contre 3. La mauvaise nouvelle, c’est que le jeu souffre d’un budget manifestement très (trop) restreint, ce qui pèse lourdement sur le résultat final.
Condition de test : nous avons joué une quinzaine d’heures à la version PS5. Notez que les fonctionnalités en ligne n’étaient pas accessibles durant notre test.
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ToggleDes chasseurs sachant chasser
Hunter x Hunter est une œuvre culte, une référence parmi les mangas typés shonen nekketsu. Pour autant, elle n’a jamais brillé d’un éclat à la hauteur de sa richesse. Son pic de popularité, du moins en France, ne surviendra qu’en 2011, avec la nouvelle adaptation animée supervisée par le studio Madhouse. Une mouture venue succéder, dix ans plus tard, à la première série diffusée entre 1999 et 2001. Ce reboot visait à rendre justice au manga original, allant jusqu’à adapter l’arc mythique des Kimera Ants — un segment qui aura marqué plus d’un spectateur, sans aucun doute.
On peut parier que publier un tel manga en 1998, soit un an avant l’avènement du Big 3 (Bleach, Naruto, One Piece) et trois ans après la fin de Dragon Ball Z dans les pages du Weekly Shōnen Jump, n’était pas le meilleur timing. Il devenait difficile pour l’œuvre de Togashi de s’extraire de l’ombre d’une concurrence qu’elle précédait pourtant. Mais le temps a fait son œuvre, et Hunter x Hunter — tout comme le travail de son auteur — a fini par être célébré à sa juste valeur. Le manga continue de paraître et de rassembler lecteurs et lectrices, tandis que Yu Yu Hakusho, en plus d’avoir eu droit à une adaptation live-action plutôt respectable sur Netflix, continue d’influencer bon nombre de mangas récents.
Cependant, comme l’ont déjà prouvé Dragon Ball ou Naruto, investir le jeu vidéo est essentiel pour assurer la pérennité et l’aura d’une œuvre. C’est aussi un moyen efficace de renouer avec le public. Cela semble d’autant plus crucial pour Hunter x Hunter, compte tenu de ce que nous avons évoqué plus haut — en plus des hiatus bien connus. Sans revenir en détail sur la publication chaotique du manga, il était temps de refaire parler de la licence, et quoi de mieux pour cela qu’un jeu de combat ? Un jeu de combat avec des ambitions compétitives, en témoignent le choix d’un format en 2D et le gameplay en équipe de trois, loin des Arena Fighters, rarement salués pour leur profondeur ou leur fiabilité.
Les intentions sont donc louables, d’autant plus avec 8ing à la manœuvre — un studio qui s’est fait connaître avec Bloody Roar et a récemment œuvré sur Marvel vs. Capcom 3 : Fate of Two Worlds, dont l’influence se fait clairement sentir dans Hunter x Hunter : Nen Impact. Malheureusement, le nerf de la guerre fait défaut. Le jeu est indéniablement fauché. Et cela se voit. Malgré un prix de vente fixé à 60 euros — soit le tarif d’un soft disposant d’un budget confortable — il suffit de jeter un œil au trailer pour subir l’affront et comprendre que les équipes de développement n’ont pas eu les ressources suffisantes.
Gon, i’m done
Soyons directs. Hunter x Hunter : Nen Impact est moche. Ce n’est pas une honte, ni un retour à l’ère PS2 — comme ne manqueront pas de le clamer les plus mauvaises langues —, car les personnages sont globalement bien modélisés. Mais nous sommes en 2025, et le jeu affiche un retard graphique évident. Il faut par ailleurs préciser qu’Arc System Works occupe ici un rôle d’éditeur, sans implication directe dans le développement. Inutile d’espérer des visuels du calibre de Dragon Ball FighterZ. Cela dit, même si la comparaison peut sembler déloyale, elle reste inévitable. DB FighterZ est passé par là. Et Marvel Tokon , 2XKO, Invincible VS arriveront vite. Autant dire que la concurrence s’annonce rude sur le terrain du Tag Battle.
Dans ce contexte, en considérant le budget serré, Bushiroad et 8ing s’en sortent plutôt bien. Mais là où le bât blesse, c’est du côté des arènes de combat, trop vides, parfois même indignes d’un tel univers. Peu d’arènes sont proposées : dix au total, et aucune ne laisse un souvenir marquant. Les décors sont tout simplement fades et sans détail. Et c’est là tout le problème du jeu : ça manque d’âme. Hunter x Hunter : Nen Impact semble dénué d’émotion, de vie même. Dommage pour une œuvre aussi riche. Le constat rappelle d’ailleurs les pires moments du manga, lorsque Togashi — épuisé ou malade — livrait des planches douteuses, dirons-nous.
Le jeu n’est pas beau, et cela se ressent jusque dans les attaques spéciales, qui manquent cruellement d’inspiration et d’impact. Là où on attendait des coups spectaculaires, finement mise en scène, on se retrouve avec des animations plates, parfois expédiées. Dans ce contexte, difficile de s’y retrouver. Même Kuroro Luciferu, pourtant l’un des personnages les plus charismatiques du manga, paraît nettement moins impressionnant une fois en jeu. Menus d’un autre temps, bande-son sans musique officielle ni morceau mémorable… du point de vue de la direction artistique, on frôle le raté complet.
Les restrictions budgétaires sautent aux yeux. Il n’y a même pas de traduction française, et le mode Histoire est un désastre. On atteint là le niveau de foutage de gueule d’un Infinity Strash : Dragon Quest The Adventure of Dai. La présence de Meruem dans le roster de base, et celle annoncée de Neferpito en DLC, laissaient logiquement penser que l’arc des Kimera Ants — qui clôturait l’anime de 2011 — serait bel et bien au programme. Sauf qu’il est ici massacré : moins de deux heures de textes, non doublés, sur fond d’images fixes récupérées de l’anime, sans aucune mise en scène ni réelle cohérence narrative. Tous les arcs sont concernés par ce cheminement désastreux.
Tout ça… pour ça !
C’est simple, vous ne verrez que des bribes d’événements. L’intrigue est à peine racontée, et l’absence quasi totale de doublage n’aide en rien. Parfois, un grognement, un mot isolé… mais rien de plus. L’OST n’arrange rien : les musiques tombent à côté et sont souvent mal assorties à l’ambiance. C’est inutile et mal fichu. On saluera tout de même l’effort de proposer les deux “camps” jouables — si tant est qu’un tel manichéisme ait du sens dans l’œuvre. Côté contenu, Hunter x Hunter :Nen Impact propose 16 combattants, ce n’est pas problématique pour un jeu de baston classique.
Mais ici, on parle d’un titre axé sur le 3 contre 3, sans possibilité de réduire la taille de son équipe ou de jouer en solo, comme le permet un Skullgirls par exemple. Résultat : l’impression de composer et d’affronter les mêmes équipes en boucle devient vite pesante. La redondance s’installe dès les premières heures. Et comme vous vous en doutez, les personnages absents du roster n’apparaissent pas non plus dans le mode Histoire — y compris Neferupito, pourtant déjà annoncée en DLC. Autant dire que ce “mode” n’a strictement aucun intérêt, si ce n’est sa composante tutoriel… très limitée elle aussi.
On en vient presque à se demander : pourquoi ? Pourquoi sortir le jeu comme ça, maintenant, sans prendre le temps nécessaire — malgré le manque de budget — pour réaliser un titre plus généreux, et surtout plus respectueux de la renommée du manga (constat valant pour la majorité des adaptations de mangas/animés). Car il ne s’agit pas d’un jeu Shaman King. On parle ici de Hunter x Hunter. Cela dit, tout n’est pas à jeter. Côté contenu solo, quelques bonnes surprises subsistent. Le sacro-saint mode Arcade répond présent (bien que futile), accompagné d’un mode Time Attack et du combat libre – qui propose jusqu’à du FT99. Mais c’est surtout du côté du mode Survie, baptisé Heavens Arena, que l’intérêt se manifeste.
Rien de révolutionnaire, mais le fait de devoir gravir 31 étages en affrontant des adversaires de plus en plus puissants s’avère plutôt satisfaisant. Une fois ce mode complété, un second défi se débloque, Battle Olympia, prolongeant modestement la durée de vie. Autre ajout notable : un mode Combo Trial, comme on en trouve dans de nombreux jeux de combat. À la différence près qu’ici, les enchaînements sont libres. Le jeu ne fournit pas de liste de commandes à exécuter. Il nous place dans une situation donnée, et c’est à nous de réduire la barre de vie adverse à zéro en un seul combo. Une belle manière de nous inciter à expérimenter, à tester des possibilités d’enchaînements. On peut y voir une sorte de mode entraînement, version « plus plus ».
L’Argent ne dort jamais
Parce que nous ne l’avons pas dit, mais Hunter x Hunter : Nen Impact propose un gameplay ouvertement axé sur l’accessibilité (dans le sens d’une prise en main facile), avec des combos à rallonge dévastateurs. Si vous êtes habiles, le soft vous permet d’arracher l’intégralité d’une barre de vie dès une ouverture de garde. Aucune manipulation complexe, aucune double direction : seulement deux touches suffisent à exécuter la majorité des actions. Les développeurs mettent clairement en avant les combos automatiques, réalisables en pressant une gâchette suivie d’un bouton, jusqu’à friser le ridicule.
Pour l’auteur de ces lignes, ce type d’implémentation reste discutable. Ça l’était déjà dans Dragon Ball FighterZ, ça l’est encore avec Tekken 8. Hunter x Hunter : Nen Impact pousse le vice encore plus loin puisque les auto-combos peuvent littéralement arracher un généreux segment de vie. Il est même possible de les intégrer dans un enchaînement réalisé manuellement. Or, dans un jeu qui demande de maîtriser les combos et qui propose un roster plutôt réduit, ça pose question. Enchaîner les combats en usant des auto-combos, même sans excès, enlève beaucoup de l’attrait du soft.
On perd le plaisir de l’apprentissage, la satisfaction d’enfin réussir à créer un combo stylé et puissant. Ce palier de maîtrise, cette récompense pour ces heures passées à combattre, à s’entraîner, disparaît. Le cœur du problème de Hunter x Hunter : Nen Impact est évident : il n’y a pas d’âme. La coquille est vide. Ce qui sauve le jeu du désastre, c’est son gameplay. Parce que, malgré ses écueils, force est de constater que le plaisir est bel et bien là. Les fondations sont solides, Marvel vs. Capcom 3 n’est pas si loin. Les combos sortent avec aisance et fluidité, c’est grisant.
Et on en redemande, car il semble y avoir une vraie marge de progression. Le sel du titre réside clairement dans l’exécution des combos (et pas en automatique) et la satisfaction que leur réussite procure. Nous avons là un bon jeu de combat. Entièrement maîtrisé ? Sans doute pas. Certains pourraient même y voir un esprit Kusoge : des jeux au game design bancal qui provoquent quand même du plaisir chez le public. Après tout, pourquoi pas. L’opus PS1 d’Hokuto no Ken est encore joué, justement pour le fun que ses errances de game design offrent – une erreur de codage devenue culte, des combos infinis.
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