Après Aetheris, Wild Wits Games signe son deuxième jeu avec Crown Gambit. Il s’agit d’un titre mêlant narration et jeu de cartes, dans lequel vous guidez trois paladins à travers une capitale en proie au chaos et aux tensions politiques. Après l’avoir observé de loin via les différents trailers, dont celui de l‘AG French Direct, nous avons enfin les cartes en main pour le tester en bonne et due forme. Largement inspiré par Foretales et porté par une direction artistique de haut vol, tient-il vraiment toutes ses promesses ? C’est ce que nous allons voir.
Conditions de test : Nous avons joué une trentaine d’heures et terminé le jeu deux fois sur PC via Steam (une fois en difficulté normale, une autre en difficile). Nous avons également relancé plusieurs sauvegardes de ces deux parties pour tester différents embranchements.
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ToggleEntre grâce ancestrale et disgrâce morale
Malgré une place importante accordée à la narration, Crown Gambit propose une expérience relativement courte et accessible. Terminer l’aventure ne vous prendra qu’une quinzaine d’heures, mais toute la subtilité du jeu réside dans la compréhension de son univers et la manière de maîtriser le chaos qui en découle. Ainsi, votre première partie sera à la fois enrichissante, pleine de découvertes, mais aussi source de frustration. Crown Gambit vous amènera à faire des choix tantôt moraux, tantôt stratégiques, d’autes fois anodins… mais souvent lourds de conséquences. La narration, riche, se montre parfois difficile à anticiper. Certains choix peuvent sembler arbitraires, voire opaques, mais ils s’alignent finalement avec le thème central du jeu : le chaos et l’incertitude inhérents à la quête du pouvoir.
Vous incarnez trois paladins Aliza, Hael et Rollo, membres d’un ordre puissant au service du roi. Alors que tous les trois accompagnaient le roi de Meodred pour une mission secrète, celui-ci se fait assassiner. Cet évènement plonge royaume de Meodred dans une guerre de succession ayant de nombreuses conséquences, notamment un peuple en proie à la guerre civile. Dans ce climat de trahison et d’instabilité, les trois paladins sont chargés d’une mission sacrée : empêcher l’effondrement total du royaume et guider la couronne vers un héritier légitime. Mais tous trois portent en eux des secrets, des doutes, et surtout un lien surnaturel avec la Grâce Ancestrale, une source mystique de pouvoir aussi précieuse que corruptrice.
C’est à travers la mécanique de Grâce Ancestrale que le gameplay et la narration s’entremêle intelligemment. Durant leur périple, notre trio va se retrouver confronter à tout un tas d’ennemi : des animaux, des brigands, mais aussi d’autres paladins soutenant des maisons différentes. Ces combats prennent la forme d’un jeu de cartes. Les affrontements se déroulent sur de petites arènes en grille, où chaque héros utilise un deck de cartes uniques. Chaque paladin dispose de son propre style de jeu : Aliza est rapide et offensive, Hael privilégie les soins et les effets de contrôle, tandis que Rollo joue le rôle de protecteur. Les cartes représentent des attaques, des compétences ou des effets tactiques, et leur bonne utilisation est essentielle pour exploiter la synergie du trio.
Mais c’est l’usage de la Grâce Ancestrale qui vient pimenter les affrontements. Chaque carte dispose d’une version plus puissante, utilisable grâce à cette ressource surnaturelle. Si ces effets peuvent se révéler décisifs, ils altèrent peu à peu la psyché de vos héros. Plus un personnage est affecté (via une jauge divisée en paliers), plus il risque de perdre le contrôle. Concrètement, cela se traduit par des actions incontrôlées en dehors des combats. Par exemple, Rollo pourra, sous l’emprise de la Grâce, se montrer vindicatif face à des villageois hostiles aux nobles et déclencher un affrontement là où vous souhaitiez simplement fuir pour apaiser les tensions.
Un gambit narratif
Ce caractère imprévisible donne du sel à la progression, d’autant plus qu’il est régulièrement nécessaire d’utiliser la Grâce Ancestrale, notamment face à certains boss coriaces lorsque l’on opte pour une difficulté élevée. Cela dit, nous nous sommes parfois surpris à “tricher” avec le système puisqu’il est possible de réduire la jauge de Grâce de façon assez régulière, ou de bénéficier de bonus permettant d’en faire usage gratuitement. Hael est sans doute un peu trop puissant dans ce rôle.
Bien que nos trois héros partagent des archétypes de base très marqués, chacun dispose d’un arbre de progression à trois branches, débloquant de nouvelles cartes pour leur deck ainsi que des bonus passifs. Pour faire simple, on retrouve une branche axée sur le soutien, une autre sur l’attaque, et une dernière plus utilitaire. Le studio a trouvé un bon équilibre, rendant ce système à la fois riche et accessible. N’espérez (ou ne redoutez) pas collectionner une centaine de cartes ni passer des heures dans un éditeur de deck car l’approche se veut ciblée et stratégique. Il s’agit surtout de déterminer quelle carte retirer pour affiner sa stratégie en s’appuyant sur une pioche statistiquement prévisible.
Quelques améliorations viennent casser la routine comme les Reliques, des cartes rares obtenues en battant un paladin ennemi, ou encore la duplication de cartes. Là encore, on retrouve cette interconnexion constante entre gameplay et scénario qui renforce l’immersion. Chaque embranchement narratif vous confronte à des boss différents, ce qui influe sur les Reliques que vous pourrez obtenir d’une partie à l’autre. Crown Gambit se distingue aussi par une série d’éléments annexes qui permettent de s’éloigner un temps des enjeux principaux. L’exploration narrative prend la forme d’une carte du royaume de Meodred, découpée en zones, où chaque étape propose un dilemme ou un événement scénarisé : embuscades, négociations, rencontres surnaturelles…
Parfois, une simple rencontre peut débouler sur un moment clé : ainsi, en sauvant une paysanne en apparence insignifiante, on découvre plus tard qu’il s’agissait de la bien-aimée d’un paladin, qui vous en saura gré et évitera un combat. Wild Wits Games a conçu un univers riche en lore et en personnages, et s’il fallait lui adresser un reproche, ce serait sans doute un rythme un peu effréné pour un monde aussi dense. Heureusement, le jeu intègre une encyclopédie très complète qui détaille les maisons nobles, les mythes fondateurs, et l’histoire des conflits. Survoler un prénom ou un élément du lore affiche d’ailleurs un aperçu contextuel, permettant de se repérer sans avoir à interrompre l’action. Ça reste néanmoins compliqué à suivre la première fois.
Une direction artistique très solide
Enfin, la direction artistique, mêlant illustrations dessinées à la main et animations stylisées, contribue largement à l’ambiance sombre et mélancolique du jeu. Malgré une forte dépendance aux dialogues et aux interactions, Crown Gambit parvient régulièrement à émerveiller visuellement, tant par la richesse de ses décors que par le chara-design de ses protagonistes. On apprécie également une interface épurée et lisible, ce qui n’était pas forcément gagné pour un jeu basé sur des mécaniques de cartes.
La bande-son, quant à elle, reste assez discrète et propose quelques morceaux agréables, mais souffre d’une trop grande répétitivité, notamment lors des combats, au point qu’on est tenté de mettre sa propre musique en fond. Crown Gambit reste un jeu globalement bien maîtrisé, mais pas exempt de défauts, et cela se ressent particulièrement dans son système de rejouabilité. Le jeu vous incite à le recommencer plusieurs fois pour débloquer les différentes fins, mais cela devient répétitif assez vite. Dans notre cas, cela s’est produit dès la deuxième partie, malgré des choix narratifs très différents.
Du côté de la narration, les grandes lignes du récit restent similaires, mais les variations apportées suffisent à maintenir l’intérêt. C’est plutôt au niveau du gameplay que la redondance se fait sentir. La grille de combat manque de variété et d’interactivité (pas de terrains aux effets particuliers, par exemple), et il est trop facile d’exploiter la Grâce Ancestrale pour simplifier les affrontements et répéter les mêmes schémas. Si l’envie d’expérimenter de nouvelles synergies de cartes ne vous anime pas, vous risquez de tomber dans une forme de routine.
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