Difficile d’imaginer à quoi cela peut bien ressembler manette en main. Comment un jeu se voulant méditatif peut jouer avec les codes d’un genre réputé pour la frustration qu’il génère chez les joueurs ? Expand mise sur son côté artistique fort et dicte totalement le rythme au joueur pour le guider dans son voyage.
Cube de voyage lesté
Le menu s’ouvre à peine que déjà quelque chose nous fait tiquer, les directions sont inversées sur la croix (Haut fait aller en bas, droite fait aller à gauche…), un coup d’œil aux options, un reboot, rien à faire cela paraît intentionnel. Ce sera donc au stick que nous dirigerons ce petit cube rose qui cherche une sortie à ces couloirs sans fin. Très vite la direction artistique fait son effet et nous nous retrouvons happé par l’ambiance singulière du jeu. L’ensemble est très minimaliste, constitué uniquement de noir (les murs) et blanc (les couloirs), parfois interrompus par du rouge (qu’il faudra éviter) et des pointes de rose (le joueur, mais aussi ce qu’il recherche). Sous nos yeux se dessine ce labyrinthe qui nous retient prisonnier. Ici, il n’est pas question de scrolling, mais d’une architecture sphérique ancrée sur le centre de l’image. L’écran est figé de la première à la dernière seconde de l’aventure, seul son contenu se voit altéré, métamorphosé par la progression du joueur. Un formidable moyen pour faire perdre ses repères au joueur et renforcer une sensation de claustrophobie intense. Ainsi, on est pris au piège dans une boucle qui se réinvente sans cesse et qui nous impose son rythme.
Expand évite habilement tout problème de redondance ou de lassitude qu’aurait pu entraîner son concept. D’abord grâce à un level design ingénieux qui parvient à exploiter à fond la contrainte sphérique. Si le gameplay consiste à suivre des chemins tous tracés en évitant des pièges, les situations sont suffisamment nombreuses pour ne pas avoir de redite sur l’ensemble de l’aventure. L’aspect sans fin se révèle finalement être une source de motivation. Plus on avance et plus on sent que l’on contrarie notre geôlier, forcé de trouver de nouveaux moyens pour nous arrêter. Le titre à également le bon goût de ne pas durer plus de deux heures (grand maximum), ce qui nous permet d’en voir la conclusion avant de commencer à s’en lasser. L’absence quasi totale de difficulté supprime un aspect die & retry qui aurait fait tache dans les ambitions du jeu.
Mais l’important ce n’est pas la chute…
Expand se pose donc comme un trip méditatif qui remplit son contrat. Le voyage est bien mené, bien rythmé, bien pensé. Pourtant, une fois que le générique commence à apparaître à l’écran, une sensation désagréable s’empare de nos tripes. « Tout ça pour ça ? ». Expand ne raconte finalement que très peu de chose. Alors certains diront que cette question on peut se la poser à la fin de tonnes de jeux, mais dans ce cas précis elle est plus que légitime. Cette expérience très contemporaine est porteuse d’un propos, d’un message. On trouve tout de même des pistes, des interprétations possibles : repousser l’inévitable encore et encore, sortir d’une mauvaise passe après l’avoir vue se refermer inéluctablement sur soi, ou tout simplement un souci de persévérance pour parvenir à son but quelques soient les obstacles qui se dressent sur notre chemin.. Et pourtant, une fois terminé on réalise que le titre rate totalement sa sortie et que l’on n’en gardera que très peu de souvenirs. La volonté de vouloir bouleverser le joueur est claire, nette, affichée et explicitée dans chaque pixel du jeu. Mais c’est ici qu’Expand et sa DA trouvent leurs limites et manquent la transformation de l’essai.
On ne gardera en mémoire qu’une bande-son absolument superbe qui porte le jeu de bout en bout. D’une justesse impressionnante, elle joue habilement avec les émotions du joueur en s’adaptant à sa progression dans le jeu. Plus l’on s’approche de l’un de nos objectifs, plus elle est présente, plus elle nous porte vers le succès. L’absence totale d’effet sonore renforce d’autant plus sa présence, car le jeu entier se colle sur ces compositions d’abord brodées par un piano mélancolique, puis accompagnées de touches électroniques menaçantes avant de hurler leur désire de liberté de toutes leurs forces. S’il y a bien une chose que l’on retient de ce jeu, c’est le nom du compositeur : Christopher Larkin, déjà à l’origine d’une des meilleures OST de l’année avec Hollow Knight.
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