Il y a des titres qui nous passionnent dès son postulat de départ. The Occupation, seconde production des Britanniques de White Paper Games, nous a intrigué dès son postulat. Souhaitant nous transporter dans une Angleterre dystopique des années 80, l’équipe avait déjà brillé avec Ether One, leur premier essai vidéoludique. C’est d’ailleurs dans ce même univers alternatif que se déroule le titre du jour. Préparez vos nerfs, car vous en aurez besoin !
Sommaire
ToggleUne résonance actuelle…
The Occupation est un jeu d’enquête à la première personne vous faisant incarner un journaliste d’investigation nommé Harvey Miller se retrouvant ici dans la panade. En effet, il n’a devant lui que quatre heures pour disculper Alex Dubois, un immigré accusé d’avoir prémédité et organisé un attentat terroriste dans une boîte d’informatique. Surtout que ce fameux attentat a eu de lourdes conséquences pour l’Angleterre qui, entre un album de David Bowie et de U2, a créé l’Union Act, un texte de loi anti-immigration fermant totalement les frontières du pays. Difficile ici de ne pas voir un vrai postulat politique actuel notamment par rapport à la situation de l’Angleterre et le bourbier qu’est devenu le Brexit. Ce postulat en tout cas, constitue ici l’une des forces du titre. La proposition de White Paper Games est ici engagée, politique et également extrêmement bien référencée. Des affiches de propagande à la bande-son typique de l’époque alternant entre pop, post-punk et New wave, on est vraiment propulsé dans ces années 80 qu’un Orwell aurait pu nous décrire. Le jeu propose d’ailleurs visuellement un univers plutôt terne, correspondant parfaitement à l’ambiance voulue par le studio.
Mais The Occupation n’est pas non plus limpide et aussi clair qu’il n’y paraît au premier abord. Il ne dévoile au final qu’une infime surface au premier abord, celle d’une enquête où la politique est un arrière-plan. C’est en creusant et creusant au plus profond des textes, des documents, et en reliant nous-même les différents fils d’un immense tableau mental qu’apparaît à nous ce monstre caché qui conspire à rendre le pays toujours plus parano par rapport à la question migratoire. La narration du jeu est donc en deux parties principales : la première liée à l’enquête, racontée via des flash-back et des voix off que ne renierait pas un film noir, tandis que tout le jus et la saveur politique du titre se consulte à travers les nombreux documents. Et de la lecture vous en aurez ! Entre les notes du personnel, les mots d’amour des collègues, et les différents mails, enregistrements audio et rapports truqués. Il sera bien entendu question de faire la lumière autour de tout cela, dans un temps imparti !
Temps et temporalité
Car oui, The Occupation est un jeu qui se joue en temps réel. Vous aurez quatre heures, pas une minute de plus, pour résoudre l’ensemble de l’enquête. Vous arriverez à 15h dans les locaux et face à vous un emploi du temps chargé auquel vous ne pourrez pas échapper : entretien avec les ressources humaines à 16h, puis entrevue à 17h30… Votre temps est compté et découpé. L’occasion pour le titre de mettre en place une narration par chapitre où vous serez amené à voir l’histoire sous un autre point de vue entre chaque chapitre. Mais malgré l’ensemble de ces bonnes idées, on se retrouve au final avec un découpage des séquences assez classique : flash-back, arrivée dans un lieu, enquête, interview, séquence de fin du chapitre. C’est dommage car on aurait aimé, au vu de l’ambition et de la qualité d’écriture du titre, avoir un peu plus de panache et d’originalité sur cet aspect, d’autant que les cutscenes souffrent également de ce même soucis.
Il reste que le concept majeur du titre, qui est ici utilisé de bout en bout, c’est bien le temps réel. Jamais nous n’avons autant regardé notre montre dans un jeu vidéo, non pas car on s’ennuie, mais car chaque minute compte dans le suivi d’une piste afin de trouver de nouveaux indices. Que vous soyez prévenu, The Occupation vous frustrera dans vos première tentatives car vous passerez vos premiers essais à découvrir les lieux, les conduits permettant de relier telle et telle salle, tel indice se liant avec celui-ci. Suivre une piste de bout en bout vous demandera d’ailleurs très certainement de nombreux allers-retours qui vous feront indéniablement perdre de précieuses minutes qui vous auraient servi plus tard. A vous d’estimer le temps qu’il vous faudra pour réaliser cette tâche-là puis celle-là. Mais bien entendu, il vous faudra être discret, car vous vous retrouverez le plus souvent dans des zones interdites. C’est là que notre bon Steve arrive en jeu. Steve, c’est un peu le gars qui veut bien faire, qui suit à la lettre les ordres, mais qui n’a pas inventé l’eau chaude. C’est simple, il entend un bruit, il vient, mais c’est tout. Il vous sera au final très facile de passer au travers des mailles du bougre, qui pendant une bonne partie du jeu ne fera que vous rappeler à l’ordre s’il vous choppe.
The Occupation nous mettant dans la peau d’un journaliste d’investigation comme jamais !
Bon par contre, si vous êtes pris la main dans le sac en train de pirater un ordinateur ou d’ouvrir un coffre, vous serez raccompagné à votre point de départ. Vous aurez ainsi perdu quelques précieuses minutes. Mais pour éviter ces désagréments, vous pourrez compter sur votre discrétion la plus totale, et vous faufiler telle une souris dans les conduits et entre deux fenêtres. Le système de jeu repose d’ailleurs sur un système de bruit causé par chacune de vos actions, et vous aurez à tout moment la possibilité d’effectuer une action de façon rapide avec une simple pression, ou bien de la contrôler en maintenant un bouton et en utilisant le stick analogique (ou la souris) pour faire le moins de bruit possible. C’est comme ça que vous pourrez récupérer un précieux document, pendant que son propriétaire dort sur le sofa se situant à moins de cinq mètres. Les situations et approches sont multiples, et on prend plaisir à réfléchir et penser à chacune de nos approches pour décider laquelle sera la plus efficace et la moins risquée. Il y a dans The Occupation toute cette notion de ratio risque/rapidité/fiabilité qui est omniprésent et qui est très plaisant.
Ici, tout est là pour vous mettre véritablement dans la peau d’un journaliste d’investigation et on peut voir que le résultat est vraiment convaincant. Il est même difficile de reprocher au titre ses actions et mouvements un peu lents car cela est au final cohérent avec la volonté du titre ! Tout ici paraît long, et les deux minutes de sauvegarde d’un fichier sur une disquette sembleront durer une éternité. Tout cela contribue à créer cette tension, cette pression de tout instant où l’on en deviendra même parano au point d’éteindre le moindre poste de radio, fermer chaque store lorsque nous entrons dans une pièce, de peur de se faire attraper alors que nous fouinons dans un caisson à dossiers ou dans la poubelle la plus proche d’un ordinateur. Tout ceci dans un seul et unique but, coller une pression monumentale aux personnes que nous allons interviewer et les faire craquer, preuve à l’appui. Toutes les personnes que nous croiseront d’ailleurs auront quelque chose de louche. Comme si notre investigateur devenait un véritable complotiste et que toute la Terre nous cachait les codes de la bombe H. Quel bonheur de ressentir une telle sensation dans un jeu vidéo !
Et là, tout tombe à plat
Sauf que tout ce que je vous raconte n’est que partiellement vrai. Partiellement car, comme les personnages du jeu, j’ai un peu truqué les résultats, j’ai un peu embelli la chose. Eh oui, The Occupation est un jeu aussi passionnant que tout simplement pas fini. Sur le plan graphique déjà on se retrouve pour de l’Unreal Engine 4 en face d’un titre très vieillot en terme de lumière et de modélisation faciale. Mais si seulement il n’y avait pas tous ces bugs ! C’est simple, vous avez une chance sur trois que votre objet ne soit pas figé entre deux textures et donc impossible à récupérer. Les objets volant nous ont diverti également, mais on aurait aimé ne pas avoir à créer des collisions entre les objets pour que l’ensemble ne bugue plus. Et Steve… ce bon Steve ! Eh bien c’est simple, c’est la roulette russe et il peut vous arriver que le monsieur tel un X-Men, traverse les murs pour vous coincer, alors que vous étiez à trois couloirs de lui.
Et en terme de localisation, nous avons le droit à la totale : si on retrouve à peine une petite moitié des textes traduits en français, ce tiers arrive dans un encodage où la moitié des caractères spéciaux sont traduits par des points d’interrogation. Et quand les textes sont présents dans la langue de Shakespeare, ils sont même décalés par rapport au doublage vocal de la scène ! Et on pourra également mentionner les plantages intempestifs sur PC, les ralentissements sur PS4. Dernier point et non des moindres : en dehors des sauvegardes automatiques entre chaque chapitre, vous n’aurez aucun moyen pour sauver votre progression. Proposer aujourd’hui un titre pour une trentaine d’euros dans une telle condition est une honte, qui gâche le potentiel énorme du titre. D’autant plus que l’on parle de quatre ans de développement, et plusieurs reports récemment pour polish ! Difficile de vous conseiller en l’état le jeu, rien que pour votre confort de joueur.
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